Réversibilité et copropriété : un couple mal assorti

La réversibilité des immeubles et le droit de la copropriété ne sont pas faits pour s'entendre, tant il est vrai que les règles spécifiques aux copropriétés ont pour objet ou conséquence de pérenniser et donc de figer les modes d'utilisation des lots de copropriété.

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Le droit de la copropriété constitue dès lors le plus souvent un frein à la réversibilité des immeubles placés sous ce statut. Alors que la réversibilité de certains lots, par exemple en vue d'abriter des commerces ou des services publics, pourrait dans certains cas constituer une solution partielle aux copropriétés dégradées, dont les différents copropriétaires ne disposent pas des ressources nécessaires pour empêcher l'entretien des immeubles et leur mise en péril.

Le changement d'affectation d'un lot de copropriété est, en effet, soumis à une autorisation unanime de l'assemblée générale des copropriétaires, et ce même lorsque l'utilisation envisagée n'est pas contraire à la destination administrative de l'immeuble en copropriété. En outre, même lorsque le changement d'affectation n'est pas interdit par le règlement de copropriété et est conforme à la destination de l'immeuble, comme en présence d'un immeuble à usage mixte, il peut être interdit par les copropriétaires, lorsque ce changement est contraire à la destination générale de l'immeuble ou porte atteinte aux droits des autres copropriétaires. Le changement de destination d'un lot est par ailleurs, susceptible d'entraîner une modification dans la répartition des charges de fonctionnement de l'immeuble, puisque certains services ou équipements de la copropriété peuvent n'être utiles qu'à un certain type d'utilisation et non à d'autres. Concrètement, les installations de climatisation d'un immeuble de bureaux ou son groupe électrogène, n'ont normalement pas d'utilité pour des occupants de lots à usage d'habitation. Dès lors, les clefs de répartition des charges et les tantièmes afférents à chaque lot, devraient également être modifiés, à la majorité des voix de tous les copropriétaires composant le syndicat, conformément à l'article 25, e) de la loi du 10 juillet 1965.

Ainsi, le droit de la copropriété constitue ainsi un frein à la mise en œuvre des projets de réversibilité de locaux, sauf à prévoir assez tôt, lors de l'établissement des règlements de copropriété et des états descriptifs de division, une faculté élargie de changement de destination des lots, ainsi qu'une limitation contractuelle de la notion d'atteinte aux droits des autres copropriétaires. (Voir en ce sens, l'initiative du promoteur Ogic dans l'article « le bâtiment face à l'épreuve du temps : obsolescence et réversibilité »).

Des modifications envisagées par la loi Elan ?

Même si elle ne contient que peu d'éléments permettant de simplifier immédiatement le droit de la copropriété et les règles de majorité qui lui sont applicables, la future loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan), dont le projet issu de la commission mixte paritaire du parlement a été adopté le 3 octobre dernier par l'Assemblée nationale, pourra toutefois peut-être permettre un assouplissement des règles de copropriété, puisque son article 60 autorise le gouvernement à procéder par voie d'ordonnance pour établir un code « relatif à la copropriété des immeubles bâtis » et prendre « les mesures relevant de la loi er juin 2020, à améliorer la gestion des immeubles et prévenir les contentieux » en redéfinissant le champ d'application du statut de la copropriété et en clarifiant, modernisant et simplifiant les règles d'organisation et de gouvernance de la copropriété.

Les premières pistes de réflexion proposées par les membres de l'Union des Syndicats de l'Immobilier (UNIS) sur la réforme du statut de la copropriété, portent notamment sur l'adoption de nouvelles règles de calcul des majorités, par exemple en ne prenant en compte que les seuls présents et représentés et non les absents, ou encore l'assouplissement des règles de calcul en présence d'un copropriétaire majoritaire. Ces pistes de réflexion, si elles étaient reprises par le gouvernement, ne devraient toutefois pas permettre une meilleure compatibilité du statut de la copropriété avec la réversibilité des immeubles, dans la mesure où cette réversibilité nécessite généralement l'unanimité des copropriétaires.

L'idée proposée par l'UNIS d'exclure les résidences services ou plus généralement les immeubles de services ou de bureaux du champ d'application du statut de la copropriété, n'aidera pas non plus, à notre sens, à la réversibilité des immeubles. Un assouplissement des règles de majorité nécessaires au vote d'un changement de destination en faveur de l'habitation, à l'instar des nouvelles règles instaurées par la loi sur la transition énergétique du 17 août 2015 pour les travaux portant sur la rénovation énergétique des parties communes, pourrait en revanche aider à la réversibilité de certains immeubles.

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