Le mur d’investissement qui attend la mise en conformité des réseaux d’eau en France prend encore quelques étages. A l’automne dernier, l’économiste Maria Salvetti avait dévoilé son étude pour l’Union des industries de l’eau (UIE) qui chiffrait à 4,6 milliards d’euros(1) le déficit annuel de travaux nécessaires dans les infrastructures de l’eau potable, de l’assainissement et gestion du pluvial pour maintenir ce patrimoine dans son état de 2017 (au demeurant, peu satisfaisant en soi).
Ce mercredi 22 mars, lors de son intervention dans le cadre de la journée mondiale de l’eau dans les locaux du fabricant de canalisations Saint-Gobain PAM à Pont-à-Mousson, l’experte auprès de la Banque mondiale et de l’OCDE rajoute une autre somme : 3,7 milliards d’euros. Soit « l’addition des coûts environnementaux que l’on peut mesurer par an jusqu’en 2027 ». Ce chiffre reste d’ailleurs soumis aux incertitudes sur le degré de connaissance des polluants… et pourrait donc encore être revu à la hausse.
Dans son évaluation, Maria Salvetti intègre des paramètres comme « la lutte contre les pollutions diffuses d’origine agricole ou non-agricole, la protection des milieux aquatiques, la restauration de l’hydromorphologie des cours d’eau ». En somme, les diverses interventions qui s’imposent pour atteindre le bon état écologique des masses d’eau que l’Union européenne demande à la France d’ici à quatre ans, en application de sa directive-cadre sur l’eau dont l’origine remonte à l’an 2000.

Colorer l’investissement autrement qu’en gris
L’économiste souhaite ainsi « tirer une sonnette d’alarme » et invite à appréhender la dimension globale du sujet. Et ainsi, implicitement, ouvrir des perspectives à la filière des travaux publics. « On n’est pas ici sur de l’investissement gris, sur du génie civil d’envergure mais, si on ne se focalise que sur le petit cycle de l’eau, on passera à côté de quelque chose de fondamental », a-t-elle exposé mercredi.
La question du financement du mur d’investissement tel que chargé de ces nouvelles briques reste entièrement posée, reconnaît l’économiste. Les agences de l’eau ont intégré le changement de paradigme par une réorientation de leurs aides vers le grand cycle de l’eau dans les dernières versions de leur programme d’intervention pluriannuel, mais si elles dégagent des crédits supplémentaires au global, ils ne suffiront pas à eux seuls. Quant à la hausse du prix de l’eau, nonobstant sa sensibilité sociale, Maria Salvetti estime fort probable qu’elle soit consacrée avant tout à la couverture de la hausse des dépenses de fonctionnement, encore davantage qu’elle ne l’a fait ces dernières années compte tenu de la montée de l’inflation et des coûts énergétiques.
Restent des ouvertures vers l’application du principe du pollueur-payeur sous forme d’une écocontribution des industriels fabricants en vertu d’une responsabilité élargie du producteur (REP) des micropolluants. Ainsi que l’appel aux fonds existants (les aquaprêts de la Banque des territoires, entre autres) voire à l’imagination de l’ingénierie financière. A l’automne dernier, Maria Salvetti avait mis en exergue l’expérience danoise d’un « consentement à payer » actionné auprès des utilisateurs les plus dépendants.
(1) dont 1,8 milliard d’euros pour l’eau potable, 1,6 milliard pour l’assainissement, 1 milliard pour la gestion des eaux pluviales et 390 millions d’euros pour les micropolluants.