Cinq ans à peine après le début des études, la rénovation des Hauts de Rouen, un ensemble de quatre quartiers d’habitat social (18 000 habitants) construits dans les années 1960 et 1970, devient tangible avec la livraison des premiers espaces publics. Symbole fort de cette rénovation, l’arrivée de TEOR (Transport Est-Ouest de l’agglomération rouennaise) sur le site : l’une des lignes de ce réseau de bus a été prolongée jusqu’aux Hauts de Rouen et assure aujourd’hui la liaison qui manquait entre le centre-ville et ces quartiers isolés, construits sur un promontoire rocheux à l’est de la ville. « TEOR est un levier pour désenclaver ces quartiers et les réintégrer dans le fonctionnement d’ensemble de l’agglomération. On ne peut pas tenir à l’écart d’une ville 20 % de sa population », estime le député-maire Pierre Albertini.
L’arrivée de TEOR a permis également de fédérer ces quartiers autour de nouveaux espaces publics aménagés le long du parcours. « On aurait pu se contenter de travaux d’ajustements de voirie mais, dès le début du Grand projet de ville, il est apparu nécessaire de développer un projet ambitieux de réaménagement des espaces urbains traversés », explique Pierre Vionnet, directeur du GIP-GPV.
Piétons et cyclistes ont été pris en compte, avec la création d’une promenade (rue César-Franck), d’un cours (cours Galilée) et d’une place autour de l’église Saint-François d’Assise. Ces premières livraisons s’inscrivent dans une trame d’espaces publics qui infiltreront tous les quartiers en valorisant l’armature végétale existante et qui retisseront des liens avec les coteaux boisés, peu perceptibles aujourd’hui. Le plus grand parc urbain de Rouen, 17,5 ha, sera réalisé sur le site (voir ci-dessus) ainsi que des jardins de proximité, des aires de jeux et des liaisons piétonnes. Ce nouveau maillage répond à un triple enjeu : initier de nouveaux usages collectifs ; changer la physionomie des quartiers ; les rendre enfin attractifs pour les nouveaux arrivants.
Premières interventions. L’efficacité de la rénovation tient pour beaucoup à la méthode adoptée pour conduire ce projet. Plutôt que de lancer une vaste et longue étude de définition portant sur l’ensemble du territoire, des études ciblées ont été réalisées par une dizaine d’équipes d’urbanistes françaises et étrangères (1). Ces études, régulièrement validées et recadrées, ont permis de définir rapidement les premières actions à engager, avant même que ne soit finalisé le projet urbain. Objectif : enclencher au plus vite la mutation des quartiers. L’arrivée de TEOR était l’une de ces actions. D’autres, plus modestes mais efficaces, ont porté sur le traitement paysager des abords du centre commercial Val Grieu, la restructuration du centre commercial du Châtelet, la création d’une aire de jeux et d’une pergola à La Grand’Mare…
Le processus de rénovation étant amorcé, les projets se mettent aujourd’hui en place progressivement. Ils prennent en compte les particularités de chaque quartier, sa morphologie, son histoire, son identité. Mais ils pourront évoluer en fonction des opportunités, des acteurs et des situations. « Un projet urbain est, par essence, un projet de négociation. Pour le quartier de La Grand’Mare, nous avons mis en place un plan guide qui s’appuie sur les qualités du site, même les plus infimes, et ouvre la discussion avec les futurs opérateurs », explique l’architecte urbaniste Nicolas Michelin.
Autre singularité de cette rénovation, la volonté affichée de peu démolir, en dépit de la règle du « un pour un » établie par l’Anru (un logement démoli pour un construit). Seulement 700 logements seront démolis, essentiellement dans le quartier du Châtelet, pour 3 200 logements réhabilités ou résidentialisés et 2 000 logements construits.
« Nous sommes partis du constat que ce n’est pas la forme urbaine qui est responsable des maux dans ces quartiers. Le projet de rénovation s’inscrit dans une démarche de continuité par rapport à l’histoire des Hauts de Rouen », explique Pierre Vionnet.
Patrimoine architecturalpréservé. L’un des plus beaux fleurons du patrimoine architectural moderne français, les « Verre et Acier » de l’architecte Marcel Lods, l’a ainsi échappé belle, sauvé in extremis de la démolition : un ensemble de 25 immeubles de logements conçu selon un procédé constructif expérimental. Leur réhabilitation, en cours, vise à préserver les qualités des plots et leurs abords: légèreté et finesse des structures, cadre végétal, stationnement maintenu à l’écart... Parallèlement à ce travail sur le patrimoine bâti, ces quartiers vont se densifier en douceur, avec l’arrivée de 2 000 nouveaux logements aux typologies variées, et sans a priori sur la forme urbaine. Une tour de 16 étages (architecte Francis Soler) sera ainsi réalisée à l’entrée du quartier de La Grand‘Mare. « Lorsqu’on sait qu’en 2001 il y avait 1 500 logements vacants sur les Hauts de Rouen, construire encore peut sembler une aberration. C’est pourtant essentiel pour enrayer le déclin de ces quartiers », affirme Pierre Albertini.
