Les auteurs de l'avant-projet de réforme des contrats spéciaux, afin de moderniser la partie du Code civil consacrée au contrat de louage d’ouvrage, proposent d’abandonner – ou presque - le terme de « maître d’ouvrage » au profit de « client ». Ce changement de terminologie « est susceptible de modifier la notion même de maîtrise d’ouvrage », alerte Marianne Faure-Abbad, professeure de droit privé à l’Université de Poitiers, le 17 octobre, lors d’une conférence de l’Ecole des Ponts formation continue (EPFC).
D’une part, parce qu’aujourd’hui, la jurisprudence de la Cour de cassation réserve l’action en garantie décennale au maître d’ouvrage propriétaire, excluant le locataire qui commanderait des travaux. Or le nouveau terme de client, qui embrasse large, combiné au futur article 1791 du code qui opère le transfert de propriété de la construction au fur et à mesure de l’incorporation des matériaux dans le sol, pourrait bien conduire la jurisprudence à ouvrir au locataire « client » l’action en garantie décennale.
D’autre part, souligne la professeure, ce vocable de client « pourrait remettre en cause la figure du maître d’ouvrage unique. Le projet devrait dire plus clairement si l’entreprise qui sous-traite acquerrait elle aussi la qualité de maître d’ouvrage. C’est le choix qu’on fait les Belges en modifiant leur Code civil : il y a autant de maîtres d’ouvrage que de contrats de sous-traitance », et l’entreprise donneuse d’ordres peut rechercher la responsabilité décennale de son sous-traitant… Les commentaires de la commission Stoffel-Munck qui a élaboré l'avant-projet « n’évoquent pas ce possible décloisonnement de la notion de maître d’ouvrage », note Marianne Faure-Abbad, insistant sur la nécessité de clarifier ce point dans le texte final.
Des « contrats de construction » pour rénover
Des critiques que partagent les fédérations professionnelles du BTP, s’interrogeant également sur la pertinence du terme de « contrat de construction » utilisé par le projet pour viser tant la construction neuve que la restructuration lourde, ou encore la rénovation, même menue…
Panorama – non exhaustif – des sujets qui inquiètent, à retrouver dans les autres articles de notre dossier : "Réforme du louage d’ouvrage : les professionnels, inquiets, veulent faire évoluer le projet".