Réforme du louage d’ouvrage : la sous-traitance, un nouveau régime bancal

La réforme des contrats spéciaux dans le Code civil propose un régime général de la sous-traitance. Mais celui-ci présente de grosses lacunes. La cotraitance n'est pas épargnée non plus.

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Sous-traitance
Difficile cohabitation de la réforme du Code civil et de la loi de 1975 sur la sous-traitance

Si Hugues Périnet-Marquet, professeur honoraire à l’Université Panthéon-Assas, estime que « globalement l’avant-projet de réforme des contrats spéciaux est plutôt bien écrit et tient compte d’un certain nombre de réalités », il est beaucoup plus circonspect sur le sort réservé par le texte à la sous-traitance, explique-t-il le 17 octobre, à l’occasion d’une conférence de l’Ecole des Ponts formation continue (EPFC).

Les auteurs de la réforme proposent en effet un régime général de la sous-traitance du contrat d’entreprise (art. 1767 et suivants du code), « sous réserve de son articulation avec la loi du décembre 1975 » relative à la sous-traitance, ajoutent-ils. Et c’est là tout le problème, selon le professeur de Paris II.

Il identifie de grosses lacunes dans ce régime général : pas de définition de la sous-traitance, pas de mention de la nécessité d’une acceptation des sous-traitants par le maître d’ouvrage et de l’agrément de leurs conditions de paiement, pas d’évocation des garanties de paiement obligatoires…

Texte spécial vs texte spécial

De plus, le futur article 1771 prévoirait une action directe en paiement du sous-traitant contre le maître d’ouvrage si l’entrepreneur ne lui a pas versé les sommes dues, mais sans la réserver aux sous-traitants acceptés et agréés comme le fait la loi de 1975 ! « Quel texte spécial primera sur l’autre ? », interroge Béatrice Guénard-Salaün, directrice juridique de la FFB, pour qui « intervenir sur le régime de la sous-traitance, aujourd’hui éclairé par une jurisprudence claire et cohérente, avec un texte qui ne paraît pas limpide, serait dangereux. »

La fédération du bâtiment souhaiterait plutôt que la réforme s’attaque à la sous-traitance en cascade, en limitant la sous-traitance à deux rangs en marchés allotis et à trois en entreprise générale, comme cela est évoqué dans le cadre des Assises du BTP.

« Il faudrait soit importer dans le Code civil plusieurs articles de la loi de 1975, soit supprimer ce régime général, considère in fine Hugues Périnet-Marquet, indiquant que les auteurs du projet se montrent ouverts à des évolutions sur ce point.

« Un choix politique »

Le professeur attire également l’attention sur «une réforme profonde » envisagée par le texte, toujours au sujet de la sous-traitance. « Depuis l’arrêt « Besse » de 1991, le maître d’ouvrage ne dispose que d’une action délictuelle à l’encontre du sous-traitant. Mais l’article 1768 du Code civil lui confèrerait une action directe de nature contractuelle. » C’est-à-dire que le maître d’ouvrage disposerait à l’encontre du sous-traitant de toutes les actions découlant du contrat liant ce dernier à l’entrepreneur principal.

« C’est un choix politique dont on pourrait débattre des heures, analyse Hugues Périnet-Marquet. C’est peut-être finalement plus simple, de considérer ainsi la chaîne de contrats. Mais il n’est pas certain que le maître d’ouvrage y gagnera toujours, car cette chaîne peut être cassée par la nullité de l’article 14 de la loi de 1975 [pour défaut de fourniture de garantie de paiement au sous-traitant par l’entrepreneur principal, NDLR] ».

Les GME entourés de flous

Quant à la cotraitance, elle suscite moins de commentaires, mais la FNTP s’alarme de la rédaction du futur article 1764 selon laquelle : « Si plusieurs entrepreneurs concourent à la réalisation de l’ouvrage, chacun est tenu envers le client de coopérer avec ceux dont l’intervention s’imbrique avec la sienne. […] ». Cette disposition « vient de nulle part !, s’émeut Philippe Jubert, président du comité assurances de la fédération. Elle semble parler des groupements momentanés d’entreprise mais sans le dire clairement et en mélangeant un peu tout. Vu sa rédaction, elle pourrait s’appliquer au-delà des GME, aux entreprises en lots séparés par exemple ! ».

Une autre partie de la réforme des contrats spéciaux, celle dédiée aux contrats de mandat, ajoute une couche d’inquiétude. L’article 1998 proposé dans le projet « fait apparaître la notion de mandataire professionnel, qui doit disposer d’une assurance de responsabilité civile. Le mandataire d’un GME sera-t-il considéré comme mandataire et soumis à cette exigence ? Cela nous interpelle », conclut Philippe Jubert.

Panorama – non exhaustif – des sujets qui inquiètent, à retrouver dans les autres articles de notre dossier : "Réforme du louage d’ouvrage : les professionnels, inquiets, veulent faire évoluer le projet".

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