Au beau milieu de la flopée de textes officiels parus en fin de quinquennat, un décret a pris acte de la réforme de l’archéologie préventive initiée par la loi LCAP du 7 juillet 2016 (art. 70). Objectif?: endiguer les dérives de l’ouverture à la concurrence du secteur, qui a pu affecter la qualité du travail scientifique mené par les opérateurs. Entré en vigueur le 11 mai, le texte modifie le livre V de la partie réglementaire du Code du patrimoine.
Côté constructeurs et aménageurs, ce texte fait évoluer par petites touches certaines procédures, en particulier lorsqu’un projet fait l’objet de modifications. Il crée notamment un article R. 523-17-1 au sein du Code du patrimoine, prévoyant, dans le cas où l'aménageur modifie son projet sans qu’il soit nécessaire de déposer une nouvelle demande d'autorisation ou de modification de l'autorisation délivrée, qu’une simple notice technique exposant le contenu des modifications proposées soit adressée au préfet.
Surtout, et à contrecourant du mouvement actuel en faveur de l'accélération des projets, certains délais procéduraux sont étendus par le texte. Ainsi, pour prescrire un diagnostic ou des fouilles, demander une modification de la consistance du projet, le préfet devra se manifester dans un délai d’un mois – contre 21 jours auparavant – à compter de la réception du dossier complet (art. R. 523-18 du Code du patrimoine). Les collectivités ou intercos auront ensuite quatorze jours – au lieu d’une semaine – pour faire connaître leur décision, toujours à compter de la réception de la notification de prescription de diagnostic (art. R. 523-26 du Code du patrimoine).
Le travail scientifique des opérateurs au coeur du contrôle de l'Etat
Côté reprise en main institutionnelle, le texte renforce le contrôle de l’Etat sur les opérateurs d’archéologie préventive, pour faire de la qualité de leur travail scientifique l’un des critères prédominants. Le décret précise en ce sens les procédures d’habilitation (collectivités territoriales) et d’agrément (opérateurs privés). Pour les opérateurs autres que les collectivités, le texte prévoit notamment que le dossier de leur demande d’agrément doit comporter la « présentation de l'organisme et des personnels scientifiques justifiant l'agrément pour les périodes et domaines sollicités », leurs qualifications, spécialités et expérience professionnelle en matière d’archéologie préventive, de même que le projet scientifique de l’organisme et les moyens techniques et opérationnels dont il dispose pour le mettre en œuvre (art. R. 522-10 du Code du patrimoine).
Même renforcement de la procédure pour les collectivités : l’habilitation sera délivrée par arrêté conjoint du ministre chargé de la culture et du ministre chargé de la recherche « aux services de collectivités territoriales, ou de leurs groupements auxquels la compétence a été transférée, qui disposent de personnels permanents justifiant des qualifications requises en matière d’archéologie et de conservation du patrimoine, ainsi que de la capacité technique de réaliser les opérations d’archéologie préventive susceptibles de leur être confiées » (art. R. 522-14 du Code du patrimoine).
Agrément ou habilitation, des procédures plus cadrées
Le contenu du dossier de demande d’habilitation est également fixé par le texte (art. R. 522-16 du Code du patrimoine), qui précise qu’après réception du dossier complet, le ministre chargé de la culture et le ministre chargé de la recherche « se prononcent, après consultation du Conseil national de la recherche archéologique, dans un délai de trois mois ». A noter que l'absence de décision expresse à l'expiration de ce délai vaut habilitation. Celle-ci est accordée sans limitation de durée, le service habilité devant malgré tout transmettre tous les cinq ans un bilan de son activité, qui devra comprendre un certain nombre d’éléments énumérés par le texte. L'habilitation peut également être suspendue « lorsque le service habilité n'a pas respecté les obligations (…) ou n'est temporairement plus en mesure de réaliser tout ou partie des opérations pour lesquelles il a obtenu l'habilitation". Elle peut notamment être retirée en cas de « manquements graves ou répétés dans l'exécution des opérations archéologiques ».
Autres apports de cette réforme : les modalités de prescription d’opérations archéologiques sont redéfinies, toujours sous le contrôle scientifique et technique des services de l’Etat chargés de l’archéologie. Le décret détaille également le nouveau régime de propriété des biens archéologiques mobiliers et immobiliers institué par la loi LCAP. Il définit en ce sens la notion d’ensemble archéologique mobilier et de données scientifiques et crée un régime de déclaration d’aliénation d’un bien archéologique mobilier ou de division par lot ou pièce d’un ensemble.