Le quartier des Indes est un village de 5 000 habitants, répartis en hameaux dits « Neuilly », « Barbès » ou « les Tours ». Ses maisons se comptent en centaines de logements - 1 650 précisément -, regroupés au sein de dix-neuf bâtiments de quatre à treize étages pour les sept plus hauts. Les gens se connaissent : un quart d'entre eux sont arrivés à la création du quartier et ont vu naître, depuis vingt-cinq ans, la moitié de ses occupants. Les enfants fréquentent la maternelle du quartier ou traversent la rue Paul-Bert pour se rendre à l'école primaire ou au collège qui drainent également les quartiers avoisinants. A la frontière des Indes, de l'autre côté de la rue du Berri, certains pavillons ont été achetés par d'anciens occupants de la résidence. Tous se retrouvent pour prendre le bus ou le RER vers le centre-ville ou la Défense... 10 % de la population de Sartrouville habite le quartier des Indes qui a refusé de devenir un ghetto.
Des interventions multiformes du bailleur et de la municipalité
Venues des bidonvilles de Nanterre, dans les années 70, les premières familles ont sans doute apprécié le confort de leurs nouveaux logements. Depuis, les ouvriers de l'industrie automobile qui, à leur tour, avaient investi le quartier, ont déménagé. Et, en vingt ans, l'atmosphère des lieux, crise économique aidant, s'est complètement dégradée. La violence était devenue quotidienne, et les habitants souffraient de l'état de leur quartier quand la signature, en 1993, d'un « contrat de ville » a permis, au fil des ans, d'inverser progressivement la situation. A ce jour, 291 millions de francs de travaux ont déjà été réalisés, 25 millions sont programmés et 30 à 50 millions resteront à faire pour achever la rénovation du quartier. Le taux de rotation des logements s'est stabilisé de 7,74 % en 1992 à 8,94 % en 1998, tandis qu'il progressait de 5,81 % à 11,7 % sur les autres sites du Logement français, le bailleur, en zones urbaines sensibles. Le taux de vacance est de 2 % seulement, et les appartements libres sont attribués en priorité aux habitants du quartier. Ainsi, 22 petits logements en rez-de-chaussée ont-ils été créés pour permettre échange ou « décohabitation ».
En collaboration avec la municipalité, le Logement français a donc mené un programme multiforme d'interventions. Tous les bâtiments et leurs halls d'entrée ont bien sûr été rénovés. La dalle commerciale et son parking souterrain, transformés en « coupe-gorge », ont été cassés. Un « mail » est-ouest a été créé à la place, ainsi qu'une nouvelle voie, nord-sud, pour mieux relier le quartier au reste de la ville. L'environnement paysager des immeubles a été redessiné. On ne compte plus les arbres plantés, les bancs et les aires de jeux installés.
Pour sécuriser les habitants, le nombre de gardiens est passé, dès 1993, de 6 à 15. Chacun est installé dans une loge au pied de son immeuble et tient un relevé des incidents. Des « agents de tranquillité » sont en cours de recrutement pour assurer, la nuit, le week-end et les jours fériés, un service de proximité auprès des locataires à partir du mois de septembre prochain.
84 % des habitants estiment que le quartier s'améliore
Le bailleur a également cherché à soutenir la vie associative tout en favorisant l'installation d'équipements et de commerces sur le quartier. Tenu de montrer l'exemple, le Logement français a ainsi installé son antenne régionale, en 1994, rue du Berri. Quelques commerçants (pharmacie, boucherie, boulangerie, épicerie, pizzeria) l'ont suivi. Les vingt-six associations du quartier disposent, aujourd'hui, de 1 600 m2 de locaux, soit 1 200 m2 de plus qu'en 1993. La Caisse d'allocation familiale a ouvert, en décembre 1998, son antenne départementale sur place. Le quartier des Indes dispose aujourd'hui de services publics, tels une crèche, un point d'accueil PMI/Croix-Rouge, un pôle emploi-formation (PEF), bientôt repris par la municipalité, et un bureau information jeunesse (BIJ)... Par ailleurs, depuis 1993, trente-neuf contrats de travail ont été signés entre des jeunes de la résidence et les entreprises participant à la réhabilitation.
Selon une enquête, réalisée fin 1997 par l'institut Louis-Harris, à la demande du Logement français, 84 % des habitants du quartier estiment qu'il est en voie d'amélioration, 65 % se déclarent très ou assez satisfaits d'y vivre, 51 % le jugent sûrs contre 24 % qui le trouvent dangereux... Un sentiment diffus d'insécurité persiste toujours. Les enfants pourtant jouent à nouveau dehors au pied des immeubles quand une partie de leurs aînés parlent encore de « casser du flic ». Rien n'est jamais gagné. De façon plus positive, les occupants des tours jalousent les jardinières des immeubles bas, dotés de balcons, tandis que ceux de « Barbès » (au nord-ouest) envient ceux de « Neuilly » (au sud-est) parce que le pied de leurs immeubles n'a pas encore été réaménagé. D'ici à un an, la place Maurice-Audin qui marque l'entrée du quartier, aura également été refaite. Les habitants espèrent beaucoup y voir s'installer un marché. Le quartier revit.
PHOTO : La dalle a été cassée, un «mail» créé, ainsi qu'une nouvelle voie pour mieux relier le quartier au reste de la ville.