Le futur centre de gestion du trafic ferré de Bordeaux s’installera dans un ancien centre de tri de la poste, construit au tout début du siècle dernier par l’architecte Léon Jaussely. Cet immeuble de béton, décoré dans un style « mauresque » propre à la période coloniale, est situé à proximité de la gare Saint-Jean à quelques mètres des voies ferrées et quelques dizaines de mètres du futur pont sur la Garonne. L’ensemble appartient à la série d’aménagements lancée par RFF pour la résorption du bouchon ferroviaire de Bordeaux.
Béton et mosaïque dégradés, problèmes de structure et proximité des voies qui compliquent le chantier caractérisent cette réalisation. Les contraintes de structure tiennent d’abord à la différence d’exigences entre les règles de l’époque de son édification et les normes actuelles mais aussi aux modifications apportées avec le temps. « Dans les années 1960, explique Adélaïde Wambergue, de l’agence d’architecture Brochet-Lajus-Pueyo de Bordeaux, le bâtiment, qui n’avait que deux niveaux sur la partie avant, a été surélevé et la toiture-terrasse d’origine a été remplacée par une toiture en zinc. » Cette intervention a considérablement alourdi les charges de structure et, pour le nouvel aménagement, il était impossible de ne pas intervenir même si la charge d’usage prévue est normativement l’une des moins contraignantes (une occupation en bureaux à 500 kg/m2). C’est par un double réseau de poutres et poutrelles métalliques, reposant sur les poteaux de façades existants mais renforcés que l’ensemble des planchers a été soutenu (voir encadré).
Purge des bétons. Les bétons présentaient des signes évidents de dégradation « mais essentiellement à l’extérieur, poursuit Adélaïde Wambergue. En intérieur, ils étaient de bonne qualité et si, parfois, les fers affleuraient, globalement on pouvait conserver l’ensemble en état. » En revanche, à l’extérieur, plusieurs points particuliers ont nécessité une purge des bétons dégradés et une passivation des armatures avant rebouchage, notamment la casquette en toiture côté rue. Pour ce faire on a utilisé un produit de ragréage à base de résines (gamme Emaco), selon les cas fibré ou non. Le béton avait aussi beaucoup souffert au droit des fixations des ferronneries extérieures, en particulier les balustrades qui longent la façade rue. Comme ces ouvrages avaient été protégés par une peinture au plomb et exigeaient une restauration, ils ont été déposés et les fixations, entièrement reconçues pour que les différents éléments ne soient solidarisés que dans les parties verticales.
Les mosaïques et les façades présentaient un état de conservation relativement satisfaisant hormis à quelques endroits comme autour des descentes d’eaux pluviales en façade. Tout n’a pas pu être reconstitué ou restauré, mais la plus grande partie des décors peut être admirée. « Pour la restauration de certaines parties, explique Adélaïde Wambergue, nous avons prélevé à l’intérieur du bâtiment, en particulier au deuxième étage, dans les parties fermées au milieu du siècle, des tesselles de mosaïque qui n’auraient plus été vues car il était absolument impossible de retrouver les fabrications d’origine. »
Un important travail de recherche a été également mené sur les châssis des fenêtres. Avec le temps, il restait très peu des équipements de fenêtre d’origine. C’est à partir de quelques pièces restantes et considérées comme très proche de ce que montraient les documents photographiques anciens qu’ont été fabriqués les châssis qui ferment maintenant les grandes baies. Ces éléments qui appartiennent à la famille des murs-rideaux comportent des menuiseries d’une grande finesse. Dans les 55 mm de largeur visibles, il est possible d’avoir des ouvrants. Pour certaines pièces, protégées de l’extérieur par des grilles, la nécessité d’assurer le nettoyage a conduit à installer des châssis de 10 à 14 cm d’épaisseur. Coquetterie de l’histoire : à la construction, l’entreprise Courbu était détenteur du lot fenêtre, et son héritière est aujourd’hui partie prenante de la restauration. Cette restauration concerne également les pièces de serrureries et notamment les grilles qui ferment le bâtiment et forment un ensemble très homogène mais aussi les rampes d’escaliers.
Si le chantier a pu se dérouler dans des conditions simples sur la partie rue, il n’en était pas de même à l’arrière car l’emprise du terrain longe les voies ferrées. Les caténaires du TGV ne supportent aucune perturbation. Pendant la démolition, comme au moment du nettoyage de la façade à l’eau sous pression, de la peinture des maçonneries ou de la repose des châssis, il a fallu dresser une barrière parfaitement étanche, réalisée à l’aide de bâches parfaitement fermées, entre les travaux, les voies et l’alimentation électrique, reposant sur un échafaudage de 80 cm de large. « La consignation des voies ne permettait d’intervenir que sur une période très courte : trois quarts d’heure à une heure par jour. »
Maître d’ouvrage : Réseau ferré de France.
Maître d’œuvre : Cabinet Brochet-Lajus-Pueyo, architectes Betri (structure), Artec Ingénierie (fluides), idB acoustique (acoustique), Bureau Veritas (contrôle et CSPS), CEBTP (diagnostique structure), CTBA (diagnostique charpente bois).
Entreprises : Delair-Navarra (démolition), BTPS Atlantique (gros œuvre et VRD), Société générale de couverture (charpente et couverture), EG Courbu (façades et peinture), A2M (serrurerie), Planchers Comey (faux-planchers), Satel (électricité), Saita Entreprise (CVC Plomberie), Koné (ascenseurs).
Début des travaux : été 2005.
Livraison : mai 2006.
Montant des travaux : 3,5 millions d’euros.