Jurisprudence

Ravalement de façade : quand le défaut esthétique permet d’engager la décennale !

La responsabilité décennale des constructeurs peut-elle aller jusqu’à la réparation des désordres esthétiques des façades ? La Cour de cassation vient en tout cas de confirmer un arrêt de la cour d’appel de Pau faisant jouer la garantie décennale au motif de la « grave atteinte portée à la destination architecturale et culturelle de l’ouvrage ».

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La Villa Roche Ronde à Biarritz... avant rénovation des façades
Marchés privés

La responsabilité décennale des constructeurs ne peut, en principe, être engagée pour de simples désordres esthétiques. Mais la Cour de cassation accepte, dans certains cas bien particuliers, de faire entorse à cette règle, comme le montre son arrêt du 4 avril 2013.

L’affaire opposait un syndicat de copropriétaires au maître d’œuvre et aux entreprises auxquels il avait confié les travaux de rénovation des façades de son immeuble. Le caractère atypique de l’édifice a à l’évidence pesé dans l’appréciation des juges : il s’agissait d’un immeuble « classé immeuble exceptionnel dans la zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager de la commune de Biarritz ».  Assignés en réparation des préjudices causés par les désordres affectant les façades, les constructeurs ont tenté de se dégager de leur responsabilité décennale en arguant que les travaux de ravalement ne constituaient pas la « réalisation d’un ouvrage » donnant prise à la décennale ; et qu’en tout état de cause les désordres simplement esthétiques ne devaient pas être pris en compte.

Restauration lourde = réalisation d’un ouvrage

Ces arguments ont été balayés par la cour d’appel de Pau, qui relève tout d’abord que « les travaux comportaient notamment la restauration des pierres de façade, avaient pour objet de maintenir l'étanchéité nécessaire à la destination de l'immeuble et constituaient une opération de restauration lourde, d'une ampleur particulière compte tenu de la valeur architecturale de l'immeuble et de son exposition aux embruns océaniques », et participaient donc de la réalisation d’  « un ouvrage » au sens de l’article 1792 du Code civil.

Appréciation du désordre esthétique au regard des particularités de l’immeuble

Plus étonnant, la cour de Pau adopte une terminologie - semble-t-il inédite - pour admettre l’impropriété à destination de l’ouvrage (qui permet de déclencher la responsabilité décennale des constructeurs).  Elle souligne en effet que les « désordres esthétiques généralisés des façades doivent être appréciés par rapport à la situation particulière de l'immeuble qui constitue l'un des éléments emblématiques du patrimoine architectural de la ville de Biarritz, dont ils affectent sensiblement l'aspect extérieur, portant ainsi une grave atteinte à la destination architecturale et culturelle de l'ouvrage, connue des participants à l'ouvrage, qui justifie la mise en oeuvre des dispositions de l'article 1792 du Code civil. »

Si la Cour de cassation ne reprend pas à son compte la notion de « destination architecturale et culturelle de l’ouvrage », elle valide le raisonnement de la cour d’appel en tous points et rejette les pourvois exercés par les constructeurs. Ainsi le désordre esthétique doit être apprécié au regard des particularités de l’immeuble : nul doute qu’il ne saurait être invoqué s’il affectait un immeuble banal situé dans une zone quelconque…

La Cour de cassation a déjà accepté de faire jouer la garantie décennale pour réparer des désordres esthétiques en raison de spécifications convenues entre les parties. Par exemple, lorsque la couleur blanche du revêtement de sol de l’usine avait été expressément spécifiée lors de la commande et que l'altération de cette couleur ne permettait pas un contrôle efficace des produits fabriqués (Cass. 3è civ., 28 février 2006, n° 05-11827, cliquez ici).

Pour consulter l’arrêt Cass. 3è civ. du 4 avril 2013, n° 11-25198, cliquez ici

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