Alors que certains font leur rentrée, d’autres prennent la sortie. Emmanuel Macron, après deux années presque jour pour jour au ministère de l’Economie tire sa révérence et quitte le gouvernement pour se consacrer à son mouvement politique « En Marche !» et à son projet présidentiel. A Bercy, le jeune ministre de 38 ans qui avait fait ses armes auprès de François Hollande en tant que secrétaire général adjoint et conseiller pour les affaires économiques durant les deux premières années du quinquennat laisse son nom à la loi « pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques « adoptée au moyen du 49-3 après un parcours parlementaire houleux.
Mais au-delà de ce texte aux grandes ambitions et de certaines idées comme le CICE et du Pacte de responsabilité dont on dit qu’il en est un des inspirateurs, on se souviendra aussi de son projet de loi Noé, destiné à saisir les nouvelles opportunités économiques apportées par la révolution numérique, dont certaines mesures seront au final dispatchées dans d'autres lois : la réforme du code du travail, portée par la ministre du Travail Myriam El Khomri, et le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique préparé par le ministre des Finances, Michel Sapin.
C’est ce projet de loi Sapin 2 et surtout l’article 43 qui prévoyait de supprimer les exigences de qualifications pour certaines métiers artisanaux qui a suscité la colère des artisans et notamment les organisations patronales du bâtiment. Soutenu mordicus par Emmanuel Macron, le texte a pourtant été réécrit et adopté par les députés ; il tient compte de la nécessité de conserver un niveau de qualification élevé pour l'accès aux professions artisanales afin de sécuriser la qualité de l'offre pour le consommateur et d'éviter toute concurrence déloyale pour les artisans qualifiés ; il promeut par ailleurs la validation des acquis de l'expérience (VAE).
La suppression des qualifications dans l’artisanat : le motif de crispation pour le bâtiment
Quelles que soient les mesures défendues par Emmanuel Macron, la seule qui aura marqué les esprits dans le secteur du bâtiment est bien celle de la suppression des qualifications pour les artisans (mesure introduite dans la loi Sapin 2). « Certes, l’homme est très ouvert et facile d’accès ; il est arrivé au gouvernement avec des idées innovantes, reconnaît Patrick Liébus, président de la Capeb, mais des idées à l’américaine, difficiles à mettre en œuvre en France. Tu te lèves le matin, tu crées ton entreprise, la développes, puis tu la fermes et en crées une autre… Bref, la promotion d’un libéralisme à outrance de l’économie n’était pas toujours la bienvenue. Et il a fallu freiner ses élans, comme sur son projet de supprimer les qualifications dans l’artisanat. Nous nous sommes beaucoup battus et avons perdu beaucoup de temps. Heureusement, nous avons eu gain de cause ».
Le sentiment est partagé par le président de la FFB, Jacques Chanut, pour qui l’épisode des qualifications a terni une image positive du locataire de Bercy, « un homme moderne avec un ton neuf sur le monde de l’économie et de la politique ». « Il a un discours et un comportement frais, ce qui est nouveau. Ce n’est pas le stéréotype du ministre classique », indique Jacques Chanut, qui souligne l’incompréhension forte sur les qualifications et les différends avec le secteur du bâtiment. « Il y a eu là une erreur d’analyse : ce ne sont pas les qualifications qui créent le chômage, au contraire l’absence de qualification est vecteur de chômage ».
Un allié des infrastructures
Ceux qui le regretteront le plus sont sans conteste les entrepreneurs de travaux publics. « Il a été l’un des premiers à s’intéresser à nos sujets, lorsqu’il était secrétaire général adjoint de l’Elysée », se souvient Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), qui a pu nouer au fil du temps des relations amicales avec le Ministre de l’Economie, qu’il décrit comme « sympathique, intelligent, et doté de la fibre de l’entreprise ». « Nous lui devons en grande partie le plan de relance autoroutier ainsi que le protocole signé avec les sociétés d’autoroutes où elles s’engagent à attribuer 55 % des travaux à des PME et PMI non liées aux groupes autoroutiers », poursuit Bruno Cavagné, qui perd un « allié des infrastructures qui partageait nombre de nos idées, et notamment celle de faire financer davantage les infrastructures par les usagers ». Symbole : en mai dernier, le Ministre de l’Economie avait passé une journée à l'Ecole d'Application aux Métiers des Travaux Publics d’Egletons, où il avait assisté au baptême de la promotion Serge Rampa.
Alors, Emmanuel Macron n’est certes plus ministre de l’Economie, mais s’il se déclare candidat à la présidence de la République, Bruno Cavagné se fera évidemment une joie de le retrouver en l’invitant à l’un des petits déjeuners que la FNTP organise avec tous les candidats.