En matière de qualité de l'air intérieur (QAI), la pandémie de Covid-19 a provoqué une vraie prise de conscience, avec la volonté de travailler sur le préventif plutôt que sur le curatif constate Rudy Chouvel, expert développement durable de l'Agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale (Anap). Renforcée en 2022, la réglementation sur la surveillance de la QAI ne concerne pour l'instant, dans les hôpitaux, que les unités de soins de longue durée, les Ehpad et les crèches.
Pour ces espaces, les textes demandent de produire un rapport annuel sur les moyens d'aération, avec un autodiagnostic des polluants. Deuxième volet, un organisme agréé par le Cofrac doit quantifier les taux de CO2, de formaldéhyde et de benzène lors d'étapes clés, notamment à l'issue de travaux. Enfin, un programme doit être adopté en cas d'action corrective à mettre en œuvre. Si ces dispositions sont en vigueur depuis le 1er janvier, le décret d'application n'est pas encore paru.
Multiplication des centrales de traitement d'air. Ces considérations passent au second plan lorsque l'on s'intéresse aux espaces dédiés aux soins aigus. Là, l'aération n'est plus de rigueur puisque l'air est entièrement géré par des centrales de traitement d'air (CTA). « Ces dernières se multiplient pour ne traiter chacune que quatre à six chambres au lieu de 20 dans les anciennes configurations », détaille Bruno Lebœuf, directeur de projets hospitaliers chez Ingérop. L'air neuf est filtré, déshumidifié, puis refroidi ou réchauffé en fonction des besoins. Point essentiel, l'air extrait est aussi filtré pour éviter la propagation des virus et bactéries. Ces modifications impliquent d'agrandir l'espace des locaux techniques qui regroupent les CTA.
Vers une ventilation plus flexible. « Avant la pandémie, les chambres de réanimation étaient en surpression par rapport aux couloirs, l'idée étant d'empêcher des patients fragiles d'être contaminés par l'extérieur. Mais les virus aéroportés pouvaient se propager depuis les chambres vers l'extérieur. Maintenant, la logique est de mettre les chambres en légère dépression par rapport aux sas qui s'y ajoutent désormais. Ces derniers sont également en surpression par rapport aux couloirs. L'air “propre” du sas se diffuse ainsi vers les chambres pour éviter que l'air contaminé par les malades ne se disperse dans les couloirs », précise Bruno Cazabat, président de l'association des Ingénieurs hospitaliers de France. Pour aller plus loin, les soignants demandent des systèmes de ventilation flexibles, modifiables d'un simple clic ou presque, pour passer les chambres en surpression, en dépression ou en isopression en fonction des besoins.
L'évolutivité est aussi la règle pour dimensionner les réseaux de fluides médicaux dans ces chambres. « La norme FD S 90-219 relative aux systèmes de distribution de gaz médicaux publiée en février 2022 préconise en particulier de multiplier le nombre de prises d'oxygène avec des débits accrus », reprend Bruno Lebœuf. Ingérop a appliqué ces dispositions sur plusieurs sites comme le CHU de la Guadeloupe à Pointe-à-Pitre ou le centre de lutte contre le cancer Henri-Becquerel de Rouen (Seine-Maritime). Cette augmentation se répercute également sur les dimensions des cuves d'oxygène, des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) implantées en extérieur. D'un diamètre de plus de 2 m, elles ont tendance à gagner en hauteur, passant de 9 à 15 m. Certains hôpitaux choisissent même de multiplier leur nombre. Une capacité accrue qui doit permettre de s'affranchir des livraisons en flux tendu devenues la règle en 2020.
Toutes ces dispositions renchérissent le coût des travaux comme l'entretien des systèmes. Les arbitrages deviennent indispensables pour concilier qualité des soins et budgets limités.
