Prescription par usucapion : l'acte notarié seul ne suffit pas

Cass. 3e civ. , 10 octobre 2024, n° 23-17.458

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Faits

Suivant acte notarié du 13 décembre 2010, madame et monsieur H ont acquis une parcelle. Suivant acte de notoriété acquisitive dressé par Notaire le 8 juin 2016, madame et monsieur H ont été désignés comme propriétaires d'une parcelle voisine à celle acquise en 2010.

En application des dispositions de l'article 713 du Code civil dont l'alinéa 1 prévoit que « les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés », la commune du lieu de situation de la parcelle voisine a assigné madame et monsieur H aux fins de voir annuler l'acte de notoriété acquisitive du 8 juin 2016 et juger qu'elle est propriétaire de la parcelle litigieuse.

Pour accueillir les demandes de la commune, la cour d'appel de Grenoble retient que cet acte de notoriété n'est confirmé par aucun autre élément, les autres pièces produites aux débats par madame et monsieur H étant insuffisantes à établir une possession continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaires pendant plus de trente ans.

Madame et monsieur H ont donc formé un pourvoi en cassation.

Question

L'existence d'un acte notarié constatant une usucapion suffit-elle à établir l'usucapion qu'il constate ?

Décision

L'arrêt d'appel est censuré en ce qu'il a annulé l'acte de notoriété et dit la commune fondée en son action en revendication fondée sur l'article 713 du Code civil.

Les hauts magistrats retiennent qu'un acte notarié est insuffisant à caractériser la prescription par usucapion. Néanmoins, le juge doit analyser les témoignages relatés dans cet acte notarié afin d'apprécier si des actes matériels caractérisent la possession.

Commentaire

Par le mécanisme de la prescription acquisitive ou usucapion, une personne peut acquérir la propriété d'un immeuble si elle justifie avoir bénéficié pendant un délai de trente ans (cf. article 2272 alinéa 1 Code civil) d'une possession, à titre de propriétaire, continue et non interrompue, paisible, publique et non équivoque (cf. article 2261 Code civil).

Dans la présente affaire, la problématique portait sur la preuve de l'usucapion et l'office du juge en matière de charge de la preuve.

En effet, il revient à celui qui invoque l'usucapion de rapporter la preuve d'actes matériels de jouissance et d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque pendant le délai de trente ans (Cass. 3e civ., 11 juin 1992, n° 90-16.439 ; Cass. 3e civ., 12 sept. 2024, n° 23-11.543). Reprenant le moyen de madame et monsieur H, demandeurs au pourvoi, la Cour de cassation censure et annule l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, en ce qu'il a annulé l'acte de notoriété du 8 juin 2016 et jugé que la commune est propriétaire de la parcelle litigieuse, en considérant que l'acte notarié n'était confirmé par aucun autre élément du dossier, sans analyser, comme il le lui était demandé, les témoignages contenus dans l'acte de notoriété du 8 juin 2016.

En effet, pour la Haute juridiction, « Si l'existence d'un acte notarié constatant une usucapion ne peut, par elle-même, établir celle-ci, il appartient au juge d'apprécier la valeur probante des témoignages relatés dans cet acte quant à l'existence d'actes matériels de nature à caractériser la possession invoquée. (…) » La décision de la cour d'appel est censurée dans la mesure où cette dernière n'a pas analysé, comme cela lui avait été demandé, les témoignages contenus dans l'acte de notoriété du 8 juin 2016.

La solution n'est ni nouvelle ni surprenante, puisque la Cour de cassation reprend littéralement l'attendu d'un précédent arrêt rendu le 4 octobre 2000 par la même chambre civile (n° 98-11.780).

En résumé, l'acte notarié, seul, ne suffit pas à établir la prescription acquisitive. Pour autant, l'acte notarié ne peut pas être écarté par le juge sans examiner les témoignages qui y sont relatés afin d'apprécier l'existence d'actes matériels caractérisant la possession. Il convient par ailleurs de rappeler que la présomption attachée à la possession n'est pas irréfragable, de sorte qu'il appartient à la personne qui revendique un droit de propriété d'en rapporter la preuve en établissant des actes matériels de possession (Cass. 3e civ., 12 septembre 2024, n° 23-11.543).

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