Le fonds pour la prévention de l’usure professionnelle (Fipu) est désormais opérationnel. Pour mémoire, ce dispositif, instauré par la loi du 14 avril 2023 réformant les retraites, vise à soutenir la prévention de trois facteurs de risques professionnels dits « ergonomiques », qui concernent au premier chef le BTP : les manutentions manuelles de charge, les postures pénibles (positions forcées des articulations) et les vibrations mécaniques.
150 M€ pour les entreprises en 2024
Placé auprès de la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CAT/MP) au sein de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), le Fipu sera doté d’1Md € sur une durée de 5 ans - 200 M€ pour 2024. Les fonds seront notamment mobilisés via l’octroi d’aides financières aux entreprises (150 M€ au titre de cette année), et de subventions pour les organismes de formation (10 M€) ayant conclu une convention avec la Cnam au sujet d'actions de sensibilisation et de prévention des risques. « Ce nouveau dispositif devrait renforcer l’intérêt que les entreprises portent à la prévention, avec à la clé une meilleure prise en compte des risques professionnels dans leur activité quotidienne», espère Christophe Desplat, ingénieur conseil national en charge du BTP à l’Assurance Maladie - Risques professionnels.
Pour fixer les orientations stratégiques du Fipu, la CAT/MP doit s’appuyer sur une cartographie des métiers et des activités les plus exposés aux trois risques ergonomiques. Dans l’attente des listes que fourniront les branches professionnelles dans le cadre d’accords sur la prévention de ces risques et l’identification des métiers concernés, la CAT/MP a choisi, dans ses orientations 2024, un indicateur d’usure professionnelle regroupant les lombalgies et les troubles musculo-squelettiques (TMS).
Les TMS représentent en effet la première cause de maladies professionnelles dans le BTP (87 % en 2021) « Et dans le secteur, près d’un accident sur deux est directement lié aux manutentions manuelles », contextualise Christophe Desplat.
Financement d’équipement, de diagnostic, d’aménagements de postes de travail…
Les employeurs pourront donc solliciter des subventions visant à participer au financement d’équipement, de diagnostic (recours à un cabinet d’ergonomie pour étudier les postes de travail par exemple) ou de formation, ainsi que d’actions de sensibilisation des salariés. Autres initiatives finançables : les aménagements de postes de travail proposés par le médecin du travail au titre de la prévention de la désinsertion professionnelle.
« Le taux de prise en charge pour les équipements, diagnostics et formations, ainsi que les aménagements de postes et les actions de sensibilisation, s’élève à 70 % du montant de la dépense (85 % en cas d’accord de branche), avec un plafond de 25 000 € », chiffre Christophe Desplat.
Le plafond de prise en charge passe à 50 000 € pour les entreprises de moins de 200 salariés en cas d’accord de branche. Les aides sont cumulablesdans la limite de 25 000 € pour les entreprises de plus de 200 salariés, et de 75 000€ pour les autres (125 000€ en cas d’accord de branche).
Pas besoin d’obtenir l’accord préalable de la caisse
Pourront également faire l’objet d’une subvention les frais de personnel dédiés à la mise en œuvre d’actions financées par le fonds. « Un type d'action finançable nouveau, qui interviendra par exemple dans le cadre du recrutement d’un préventeur, éclaire Christophe Desplat. Le montant de prise en charge, forfaitaire sur la période 2024-2027 s’élève à 8 235 € (10 000 € en cas d’accord de branche). »
Les aides seront accordées aux entreprises sous certaines conditions. « Etre à jour de ses cotisations sociales et ne pas faire l’objet d’une injonction ou d’une cotisation supplémentaire, être adhérentes à un service de santé au travail, mais aussi être couvertes par un document unique d’évaluation des risques professionnels actualisé et ne pas avoir de contrat de prévention en cours d’exécution, énonce Christophe Desplat. Sans oublier d’informer les institutions représentatives du personnel. »
Les demandes doivent être formées en ligne via le service ouvert par l’Assurance Maladie - Risques professionnels sur le site net-entreprises.fr. Elles seront instruites par les caisses régionales de Sécurité sociale (Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), Caisse régionale d’assurance maladie d’Ile-de-France (Cramif) …) sur la base des factures acquittées, au titre des investissements réalisés à compter du 1er janvier 2024. « L’avantage que présente ce nouveau dispositif est la prise en compte de dépenses déjà réalisées, sans obligation d'obtenir un accord préalable de la caisse : une barrière en moins pour les employeurs », commente Paul Duphil, secrétaire général de l’OPPBTP.
Premiers arrivés, premiers servis.
Les requêtes seront traitées par ordre d’arrivée. « Il s’agit donc de ne pas perdre de temps, enjoint Paul Duphil. Les employeurs désireux de monter un dossier sont invités à contacter l’OPPBTP, dont l’accompagnement sera regardé de façon positive par la caisse. »
Premier organisme de prévention à s’être positionné, l’OPPBTP bénéficiera quant à lui, au titre de 2024, d’une subvention de 1,8 M€ visant à soutenir un programme en trois axes. A commencer par la promotion du dispositif « Fipu » auprès des entreprises et la relance, à l’automne prochain, de sa campagne contre les TMS, Même pas mal. « Avec l’engagement, auprès d’un certain nombre d’entreprises, de démarche de diagnostics et de conseils qui pourront aboutir à une demande de subvention du Fipu », annonce Paul Duphil.
Autre axe : la réalisation, par des cabinets spécialisés, d’études ergonomiques des situations de travail « afin d’identifier les bonnes pratiques et les éléments qui posent difficulté », explique le secrétaire général de l’organisme de prévention, qui songe notamment à investiguer le sujet des méthodes de travail des femmes dans les entreprises, «qui diffèrent de celles leurs collègues masculins ».
Prévenir les TMS chez les jeunes
L’organisme de prévention envisage enfin d’accompagner les jeunes en formation sur le sujet des TMS. L’enjeu : « permettre aux compagnons d’adopter les bons réflexes dès le plus jeune âge, pose Paul Duphil. Nous proposerons ainsi à destination des apprentis, sans doute dès l’été, un jeu sur smartphone du type « chasse aux risques » doté avec d’un module « TMS », étant précisé que nombre d’entre eux démarrent leur activité sur les chantiers bien avant le début de leur cours en centre de formation».
Dans le même ordre d’idées, l’OPPBTP travaillera avec l’Association nationale pour le développement du sport dans l'apprentissage (ANDSA), afin de sensibiliser les personnels des établissements de formation initiale au sujet de la pratique du sport. « Une étude du CCCA-BTP montre en effet que 60 % des jeunes cessent de pratiquer une activité sportive après leur entrée en apprentissage », pointe Paul Duphil.