La vallée de l’Orne, entre Metz et Thionville, porte les stigmates de 150 ans d’exploitation minière et sidérurgique. Tout entier voué aux exigences industrielles, l’urbanisme qui imbriquait cités ouvrières, centres-villes et usines a perdu toute cohérence. Depuis 1996, l’établissement public foncier de Lorraine est chargé de mener les opérations de traitement des espaces les plus dégradés. L’aménagement des berges de la rivière et d’espaces publics associés a été identifié comme l’opération majeure permettant de revaloriser l’ensemble de la vallée. Une étude de programmation menée en 2001 a défini l’itinéraire d’une promenade de 23 kilomètres – dénommée « le Fil bleu » – ouverte à tous les usagers non motorisés (piétons, vélos, rollers…).
Un programme structurant
La création de deux intercommunalités – la communauté de communes de l’Orne (CPO) en Meurthe-et-Moselle et la communauté de communes du pays Orne-Moselle (CCPOM) en Moselle – facilite la mise en œuvre d’une valorisation à l’échelle territoriale. « Nous étions déjà intervenus sur les grandes friches industrielles d’Homécourt, de Joeuf et de Briey. Mais au-delà de ces actions ponctuelles, nous souhaitions nous donner les moyens humains, techniques et financiers de mener à bien un programme structurant tout le territoire », explique Laure Lapointe, chargée de la reconversion des espaces dégradés à l’EPF Lorraine.
Située à proximité des grands pôles d’emploi de l’agglomération messine et du Luxembourg, la vallée de l’Orne offre des paysages naturels riches et variés. Pleinement convaincues de l’intérêt du projet, les deux intercommunalités s’engagent à participer aux travaux, à réaliser la signalétique et l’éclairage et à assurer l’entretien de cette promenade qui traverse les territoires de deux départements et de 10 communes. Les deux syndicats de curage de l’Orne effectuent les travaux de restauration du lit et des berges de la rivière.
Financements
Réalisé sous maîtrise d’ouvrage de l’EPF Lorraine, le ruban de promenade en béton de 2,5 m de large agrémenté de deux placettes d’accueil mobilise un investissement de 3,4 millions d’euros. La construction de six passerelles et de trois gués et la réhabilitation de deux ponts revient à 2 millions d’euros. Les travaux de restauration des berges et de végétalisation représentent 700 000 euros.
En 2003, alors que le maître d’œuvre – le paysagiste alsacien Alfred Peter – est retenu, 2 millions d’euros prévus au titre du fonds européen Feder font brusquement défaut. « Pour ne pas revoir le projet à la baisse, nous avons lancé nos appels d’offres avec 15 tranches conditionnelles. Faisant preuve d’une solidarité exemplaire, les deux intercommunalités ont obtenu auprès de leurs conseils généraux respectifs les financements manquants », souligne Laure Lapointe.
Lancés en mars 2005, les travaux s’attachent à respecter la diversité des paysages tout en uniformisant le traitement de la promenade. Elle s’ouvre sur un kaléidoscope de paysages, des horizons bucoliques de Moigneville aux décors industriels d’Homécourt. La promenade longe les jardins ouvriers, traverse les centres-villes, débouche dans des forêts. Elle relie les cités ouvrières aux centres-villes, les communes entre elles et désenclave certains sites, tel le centre de loisirs de Serry. Certains lieux ont bénéficié d’aménagements spécifiques Les pratiquants du kayak ont obtenu la création d’un ponton flottant. Les protecteurs des oiseaux ont fait implanter une frayère et une roselière. En revanche, les pêcheurs qui voulaient pouvoir garer leur véhicule au bord des berges n’ont pas obtenu gain de cause.
La piste est aujourd’hui très fréquentée, à tel point qu’elle suscite des conflits d’usage entre poussettes, vélos et autres rollers. Equipement exceptionnel dans la vallée, l’opération du Fil bleu a fédéré des initiatives publiques parallèles tels des ravalements de façades lancés par les communautés de communes ou la restauration de la place de la République engagée par la commune de Moyeuvre.
Les derniers aménagements paysagers ont été livrés fin 2008, mais à terme, la promenade cyclable pourrait trouver un prolongement en amont et en aval pour rejoindre la « véloroute » européenne Charles le Téméraire.