Pourquoi la mairie de Paris s’est-elle emparée avec un tel enthousiasme de l’idée de « Ville du quart d’heure » ?
Voilà longtemps que la Ville s’intéresse à la notion du temps. Quand elle a été nommée Première adjointe de Bertrand Delanoë en 2001, Anne Hidalgo était en charge du bureau des temps. Elle reste attachée à l’idée que la ville ne s’envisage pas que par le bâti ou les infrastructures et qu’il faut garder une place première aux usages.
Par ailleurs Paris est une ville construite, très dense et nous avons essentiellement capacité à intervenir sur de l’existant. A ce titre, le concept de Carlos Moreno est très puissant puisqu’il prend en considération la configuration de la ville dans la perspective d’y améliorer le bien-vivre.
Qu’apporte de nouveau la théorie de Carlos Moreno?
Elle repose notamment sur un élargissement des usages dans un même lieu. Ainsi les équipements publics peuvent devenir des lieux communs, au bon sens du terme, en accueillant des fonctions autres que celle pour laquelle ils avaient été prévus. Nous tournions autour de cette idée depuis plusieurs années mais la ville du quart d’heure nous fait passer à la vitesse supérieure.
Comment cela se concrétise-t-il à Paris ?
Pour l’heure, nous avons engagé une phase pilote d’ouverture des cours de récréation des établissements scolaires de la Ville. Depuis janvier, celles de 11 écoles et d’un collège accueillent le public le samedi et des animations sont proposées. Même si, dans les circonstances d’incertitude actuelle, il est difficile de donner un calendrier précis, cela devrait se poursuivre jusqu’au printemps.
Analyse de l'existant
A l’avenir, nous envisageons de constituer un réseau de kiosques citoyens qui permette de mailler les quartiers et apporter de l’information au plus près des gens, mais aussi d’en recueillir de leur part. Nous envisageons aussi de nous rallier à la démarche de travaux « embellir votre quartier », pilotée par Jacques Baudrier, l’adjoint en charge des chantiers sur l'espace public, pour travailler sur l’amélioration des usages par quartiers. En s’appuyant sur de la data, nous analyserons l’offre existante dans ces secteurs et nous étudierons, avec les habitants, ce qui mérite d’y être amélioré.
Enfin, la « ville du quart d’heure » fera partie des approches intégrées dans le futur PLU bioclimatique qui devra privilégier une ville rhizomique, dotée d’une multiplicité de petits centres. Je veillerai à ce que cette dimension soit bien prise en compte à l’occasion de la révision actuellement en cours.
Paris, de par sa densité, la multiplicité de ses quartiers et l’offre de services et de commerces qu’elle propose, n’est-elle pas déjà une ville du quart d’heure ?
Elle ne l’est pas partout et elle ne l’est pas pour tous. Ainsi certains publics méritent toute notre attention : les personnes âgées, celles en situation de handicap et plus largement, toutes les personnes isolées. Pour toutes celles-là, la ville n’est pas toujours facile. Même le centre de Paris, où l’on peut estimer qu’il y a tout à proximité, peut être un lieu compliqué. Et ce n’est pas aux personnes en difficultés de s’adapter à la ville mais l’inverse.
Des déplacements choisis
Il s’agit aussi de prévoir. Par exemple, aujourd’hui la démographie médicale de Paris est plutôt satisfaisante mais cela pourrait évoluer de manière négative, notamment en raison du coût des loyers. A nous de veiller à ce que la situation reste bonne.
Sur la santé, le commerce, une municipalité peut agir. Mais que peut-elle faire pour influer sur la localisation des lieux de travail ?
Nous menons déjà des actions, qui dépassent le strict cadre de la politique de la ville du quart d’heure. Ainsi le précédent adjoint à l’Urbanisme, Jean-Louis Missika, a poussé pour que des activités industrielles et artisanales puissent se réinstaller dans Paris. Nous devons pouvoir proposer des espaces de travail pour accueillir les Parisiens dont l’activité s’y prête. Quant aux agents de la Ville – ils sont plus de 50 000 –, le télétravail se met en place depuis plusieurs années et le système Burolib’ se développe et met à disposition des locaux qui permettent d’éviter de trop se déplacer.
A vouloir que les habitants puissent tout trouver autour de chez eux, ne rétrécit-on pas leur environnement ?
Nous voulons offrir la possibilité aux Parisiens la possibilité d’avoir à proximité tout ce dont ils ont besoin. Mais il s’agit d’une proposition. Les habitants pourront toujours se déplacer, parce qu’il y a des lieux de destination comme les grands équipements culturels, ou tout simplement parce qu’ils préféreront aller chez un médecin ou un commerçant qui est un peu plus loin. Mais dans ce cas, ils auront choisi de le faire.