Architecte, urbaniste, designer, etc. Otto Wagner (1841-1918) porte de multiples casquettes. La Cité de l’architecture et du patrimoine met en avant son travail et parcourt, au travers de sa vie, l’évolution de l’architecture autrichienne. «C’est un art total et résolument moderne qu’offre Otto Wagner», affirme Hervé Doucet, co-commissaire de l'exposition. Moderne et complet, ce sont les deux axes de lecture de la première exposition monographique sur l’architecte en France. «Pour lui, la modernité n’est pas en rupture avec le passé, mais une évolution», poursuit Hervé Doucet.
Architecture rationnelle
Si Otto Wagner n’a pas su marquer son temps par une commande majeure, son poste en tant que professeur à l’Académie des beaux-arts de Vienne à partir de 1894 lui permet de diffuser, auprès de ses élèves, l’idée d'une architecture rationnelle et tournée vers l’avenir, grâce aux nouveaux matériaux et aux nouvelles techniques au service d’une esthétique repensée. Il prend soin de présenter ses publications à la presse ou encore à la Société centrale des architectes français pour asseoir sa pensée théorique, que l’on retrouve dans Architecture moderne écrit en 1896. «Toute création nouvelle, si elle veut être vraiment nouvelle, doit répondre aux exigences de notre époque», y écrit-il.
Mobilier avant-gardiste
La seconde villa d’Otto Wagner illustre sa pensée : si le plan rectangulaire et les façades immaculées sont propres à l’esthétique moderne, la bâtisse couronnée par une corniche rappelle aussi la tradition. «Les volumes simplifiés et le peu d’ornements autour des fenêtres se rapprochent du futur style de Rob Mallet-Stevens (1886-1945)», analyse Emilie Regnault, co-commissaire de l’exposition. En plus des bâtiments, il dessine du mobilier avant-gardiste comme une baignoire en verre, un lustre aux ampoules apparentes ou des bureaux aux piétements métalliques en aluminium «qui amorcent la modernité du Corbusier (1887-1965) ou de Mies van der Rohe (1886-1969)», juge Hervé Doucet. Otto Wagner marque aussi sa présence dans le paysage viennois grâce à la conception de nombreux immeubles de rapport, avec leurs façades planes ornées de mosaïques.
Marbre boulonné
L’édifice phare de sa carrière est certainement Saint-Léopold am Stainhof, l’église d’un hôpital psychiatrique autrichien élevé entre 1902 et 1907. Le bâtiment confirme une fois encore sa conception de la modernité comme évolution de la tradition. Son plan centré surmonté d’une coupole reprend l’esthétique byzantine. Mais ce qui marque particulièrement les architectes français tels que Paul Guadet (1873-1931), est le revêtement en marbre boulonné avec cabochons apparents. Cette même technique sera utilisée pour la célèbre Caisse d’épargne de la Poste de Vienne, avec son hall surmonté d’une verrière à la structure métallique qui fait écho au sol en pavés de verre. Le mobilier a également été dessiné par l’architecte, dont des lustres «qui devancent le Bauhaus». Enfin, l’urbaniste qu’était Otto Wagner a reçu la commande de dessiner les infrastructures et les stations de métro de Vienne. Il réalise aussi des études pour penser l’accroissement de la ville et publie en 1911 Die Grossstadt (La Grande ville) qui initie des pensées comme celle de Le Corbusier dans la Ville contemporaine de 3 millions d'habitants (1922).
Sibylle Aoudjhane
