Les inondations qui ont eu lieu dans le Pas-de-Calais sont-elles similaires à celles survenues dans le département voisin de la Somme en 2001 ?
Le constat est, de fait, similaire. Avec une gestion presque inexistante à l’échelle du bassin versant. Dans le Pas-de-Calais, aussi, les fortes précipitations couplées à la saturation du sol ont entraîné un ruissellement massif, submergeant rapidement les zones les plus basses.
Dans la Somme, des évolutions majeures ont eu lieu depuis 2001, notamment grâce à d’importants travaux sur les ouvrages d’évacuation d’eau et la création d’écluses. Ces efforts ont transformé les inondations potentielles en un lointain souvenir malgré les récentes intempéries de novembre 2023.
Quelles mesures d’urgence proposez-vous pour limiter les inondations ?
Il n’existe que deux moyens efficaces en urgence : les barrières anti-crues et le pompage. Les barrières qui protègent les zones habitées le long des berges sont efficaces mais leur utilisation ne s’improvise pas. Elle nécessite des solutions de logistique et de stockage coordonnées à un système d’alerte de crue précis et efficace. Le recours à un système de pompage de grande capacité se révèle être une deuxième stratégie efficace. Si, en France, ces moyens de pompage sont relativement limités, ce n’est pas le cas chez nos voisins hollandais, dont la culture et l’expérience surpassent largement les nôtres.
Il n’existe que deux moyens efficaces en urgence : les barrières anti-crues et le pompage
Les pouvoirs publics, ou des communes, auraient-ils pu déployer ces solutions ?
Tout à fait. Ces moyens auraient déjà dû être programmés en amont. Et, ils auraient aussi pu être déployés en urgence suite aux inondations de novembre dernier afin de limiter celles survenues ensuite en janvier ! J’avais ainsi prévenu, dès début novembre, le maire de Saint-Omer que les réponses mises en place n’étaient pas à la hauteur du problème qui allait leur « sauter au visage ». Je lui avait même donné des devis d’une d’entreprise hollandaise qui auraient pu venir en urgence installer des pompes de façon provisoire. Il a préféré faire confiance à la puissance d’Etat et à un pilotage orchestré depuis Paris !Ce n’est pas aux citoyens de payer pour cette mauvaise organisation. Blendecques a déjà subit des inondations en 2002. Qu’est ce qui a été fait depuis ?
Ou se situent les dysfonctionnements les plus importants ?
La responsabilité des maires est importante dans la mesure où ce sont eux qui établissent les plans locaux d’urbanisme (PLU) et délivrent les permis de construire. On peut ainsi être très interrogatif sur la compétence des élus locaux pour réaliser ces documents d’urbanisme alors qu’ils n’ont aucune formation initiale. Il en résulte souvent une urbanisation en dépit du bon sens, comme ici, avec des zones d’activités installées dans les fonds de vallées ! Et avec des situations où des PLU obligent à construire de plain-pied en zone inondables !
Les architectes sont la seule profession à être supervisée par des agents moins bien formés qu’eux
Les architectes sont la seule profession à être supervisée par des agents moins bien formés qu’eux. Imaginez des médecins dont les diagnostics seraient remis en cause par des agents municipaux !
Quels travaux de fonds peuvent être entrepris ?
Une vraie politique de gestion par bassin versant permettra de piloter des entretiens continus des fossés et cours d’eau. Le rehaussement des berges fait partie des travaux lourds à entreprendre et qui fonctionnent très bien dans la Somme. Il convient aussi d’évacuer l’eau par des systèmes adaptés de pompage préventif de grande capacité, basés sur des systèmes d’alerte qui doivent être revus. Il faudra aussi augmenter les surfaces tampon et réservoirs. Il s’agit de faire des études hydrauliques poussées pour savoir exactement où faire ces travaux. Il est possible de se faire aider, notamment par les Hollandais qui possèdent une technicité que nous n’avons pas. Enfin, il s’agit de stopper l’artificialisation des sols, notamment sur les fonds de vallée. Ce genre d’événement sera de plus en plus fréquent, il faut se préparer. Il s’agit aussi d’identifier précisément les zones qui resteront inondées périodiquement.
Il est possible de se faire aider, notamment par les Hollandais qui possèdent une technicité que nous n’avons pas
Faut-il démolir les constructions situées en zone inondable ?
Le ministre de la Transition écologique doit arrêter de dire n’importe quoi ! Le coût astronomique financier et en termes de bilan carbone du déplacement des populations et de la reconstruction dans des zones potentiellement à urbaniser ne semble pas être proportionné au problème. Ici nous ne sommes pas en zone de crue torrentielle, il n’y a eu ni mort ni blessé ! Evacuer toutes les populations n’est ni souhaitable, ni réalisable. Faut-il évacuer tous les quartiers de Paris touchés par la crue de la Seine en 1910 ? Sur ces zones situées en bord des cours d’eau, ou en bord de mer, où les gens aiment habiter, la vie n’est pas désagréable en dehors des inondations. Pour les endroits où la montée des eaux est inévitable, en cas d’épisodes exceptionnels, il faut surélever les constructions. Et non pas avoir un PLU qui impose des constructions basses !
Est-ce facile d’adapter les constructions existantes ?
Tout à fait. C’est aisément réalisable avec des structures en ossature bois et en intégrant des matériaux résistants à l’eau. Et pour les constructions neuves, il suffit de construire sur des niveaux largement plus haut que les niveaux de crue, permettant d’avoir des niveaux rez-de-chaussée, inondables et réutilisable après une crue. J’ai déjà réalisé des maisons de ce type. Il est aussi possible d’envisager des constructions flottantes. Solution qui existe déjà dans d’autres pays, mais est pour l’instant interdite en France. Et quand il y a une inondation, tous les 10 ans, on circule en barque !