Jurisprudence

Obligation de sécurité de l'employeur : la Cour de cassation étaye sa position pragmatique

Après sa jurisprudence « Air France » de 2015, la Cour de cassation vient encore d'affiner sa conception de l'obligation de sécurité de l'employeur vis-à-vis de ses salariés. Il ne s'agit plus nécessairement de faire cesser le dommage, mais bien de prendre les mesures pour l'éviter.

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Avis de la Cour de cassation

Par un arrêt du 22 septembre (1), la Cour de cassation vient de confirmer le changement de paradigme opéré via sa jurisprudence « Air France » en 2015 (2), dans son appréciation de l'obligation de sécurité de l'employeur à l'égard de ses salariés.

En l'espèce, après une altercation verbale avec le futur repreneur de l'entreprise, un salarié pose une main courante puis est placé en arrêt de travail. Estimant que, de par la survenance de ces faits sur son lieu de travail, son employeur a manqué à son obligation de sécurité, tout en affirmant avoir été victime de harcèlement moral, le salarié saisit la juridiction prud'homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur. En cours de procédure, il est finalement licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

En appel, la cour estime que "compte tenu du caractère soudain de l'altercation verbale et eu égard à l'imprévisibilité et à la brièveté des faits, il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir manqué à son obligation de sécurité". De plus, toujours selon la cour, l'employeur a "immédiatement réagi et mis en place une organisation et des moyens adaptés, en appelant (le futur repreneur) pour lui demander sa version des faits, puis en lui intimant de ne plus revenir dans l'entreprise tant que la signature, validant la reprise de l'entreprise, ne serait pas définitive et enfin en invitant le salarié à déposer, le cas échéant, une plainte."

Prendre des mesures de prévention suffit pour remplir son obligation

Pour la Cour de cassation, même analyse : pas besoin d'ergoter sur les faits dont aurait été victime le salarié. Dans un attendu de principe, la Haute juridiction estime que "ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris les mesures prévues par les articles et du Code du travail."

En clair, l'obligation de sécurité de l'employeur reste de résultat, en revanche ce résultat ne porte plus sur l'absence d'atteinte à la sécurité ou la santé du salarié, mais seulement sur le fait d'avoir bien mis en œuvre les moyens de nature à les préserver. Autrement dit, pour voir sa responsabilité écartée, il ne s'agit plus de faire cesser le dommage, mais bien de prendre les mesures pour l'éviter. Cette dernière solution jurisprudentielle devrait ainsi rassurer les entreprises – du moins celles engagées dans des politiques de prévention des risques.

Pour rappel, depuis les arrêts rendus en matière d'amiante en 2002 (3) et la temporisation de la jurisprudence "Air France", l'obligation de sécurité de l'employeur n'en finit pas d'occuper les prétoires des juridictions prud'homales. Cette obligation implique pour l'employeur de prendre "les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs", ces mesures comprenant notamment des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, mais aussi "la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés" ().? Des actions à mettre en œuvre sur le fondement de principes généraux listés par l', tels que "évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités", "combattre les risques à la source", ou encore  "prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle".

(1) Cass., soc., 22 septembre 2016, n° 1636 F-D%%/MEDIA:1211379%%.

(2) Cass., soc., 25 novembre 2015, n°14-24444, « Air France ».

(3) Cass., soc. , 28 février 2002, n° 00-11793.

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