Raymond Fondeville: "Nous n’avons jamais imaginé que Fondeville puisse disparaître"

Que prévoit le plan de continuation entériné par le tribunal ?

Nous avons voulu établir une proposition réaliste nous permettant d’honorer l’intégralité de nos dettes sans éléments extérieurs. C’est pourquoi, hormis quelques paiements cash contre abandon de créance, notre plan va s’échelonner sur 13 ans contre 10 habituellement. Ainsi, les premiers remboursements annuels restent tout à fait tenables. Plus de 95 % de nos créanciers l’ont accepté, ce qui montre à quel point ils ont cru à notre projet et à notre entreprise. Toutefois, d’ici cinq ans, nous ne nous interdisons pas de raccourcir ce plan de continuation grâce à un résultat supérieur aux perspectives ou à l’apport de nos filiales. Car si nous sommes encore vivants aujourd’hui, c’est parce que nous avons su nous diversifier.

Concrètement, que se passe-t-il sur les chantiers en cours ?

Après une nécessaire période d’adaptation notamment en termes d’approvisionnements, les chantiers ont continué normalement. Dès les premiers mois de 2019, la situation économique s’est améliorée, au-delà des prévisions modélisées avec nos cabinets conseils en restructuring.

"Sortir d’un redressement pour une entreprise du BTP est très compliqué"

Comment avez-vous réussi à redresser la barre ?

Nous avons mis en place des mesures de restructuration et un travail de terrain important avec l’ensemble de nos collaborateurs. Sortir d’un redressement pour une entreprise du BTP est très compliqué faute de trésorerie et de carnet de commande renouvelé. Notre chance a été de bénéficier de la confiance d’un certain nombre de fournisseurs, banquiers mais aussi de clients qui nous ont permis de retrouver rapidement une production normale. Certains nous avaient promis de notifier des opérations étudiées en période d’observation, le jour de la sortie du redressement : ils ont tenu parole.

Enfin, nous avons profité de l’activité de notre filiale de promotion immobilière Agir. Et pour régler les dépenses courantes et faire des propositions crédibles aux créanciers, nous avons vendu notre participation dans notre filiale d’activité hôtelière Arrelia à Oc santé.

"Nous n’avons écarté aucune solution, y compris une reprise"

Avez-vous été tenté de céder votre activité BTP ou du moins avez-vous eu des propositions en ce sens ?

Si nous nous sommes battus pour garder la partie BTP, c’est grâce au soutien sans faille de notre personnel et en mémoire de nos ancêtres et de tous ceux qui ont écrit l’histoire de cette entreprise centenaire. À aucun moment nous n’avons imaginé que celle-ci puisse disparaître. Nous n’avons donc écarté aucune solution, y compris une reprise. Mais même si plusieurs candidats se sont montrés intéressés, aucun n’a concrétisé, au vu des pertes mensuelles importantes enregistrées pendant les 12 mois précédant le redressement judiciaire.

Comment l’entreprise est-elle parvenue à une telle situation ?

Comme tant d’autres, nous avons subi les effets de la crise du BTP. Dire que nous avons ensuite été victimes d’une « fuite en avant » est une conclusion hâtive. Le très gros bas que nous avons traversé résulte d’une conjonction de problèmes, de malchances et de mauvaises décisions.

Avez-vous des regrets ?

C’est un luxe que je n’ai pas pu m’autoriser. Il a fallu avancer et se remettre en question mais cette expérience va nous servir à repartir de plus belle, sur des bases solides, avec une hiérarchie et une communication plus directes au niveau de nos différentes agences. Nous allons retrouver davantage de souplesse, d’efficacité et de foi en l’homme. Tous les dimanches, mon père m’emmenait faire le tour des chantiers.  J’ai connu nombre de difficultés et de changements dans ce métier. Le problème d’un entrepreneur n’est pas tant de se développer que de savoir s’adapter…

"Nous candidatons actuellement à des chantiers d’envergure"

Comment voyez-vous l’avenir ?

Notre objectif est de renouer rapidement avec la rentabilité. Nous candidatons actuellement à des chantiers d’envergure et travaillons sur plusieurs grosses opérations : l’hôpital privé du Grand Narbonne, l’hélistation de l’hôpital la Colombière à Montpellier ou encore la construction de plus de 400 logements sur Juvignac portée par notre filiale promotion. Nous visons ainsi un chiffre d’affaires BTP de 80 millions d’euros avec un peu plus de 250 salariés et une croissance annuelle de 5 %. Nous allons également préparer notre succession en injectant du sang neuf dans cette entreprise. Confronté au manque de personnel d’exécution qualifié, nous lancerons par ailleurs dès septembre, une campagne de recrutement et de formation… Pour aller de l’avant.