La décision du TA de Marseille vous a été notifiée le 8 août. Quel était l’état d’avancement du chantier à cette date ?
En août, nous avions réalisé 95 % des fondations des lignes aériennes et levé 90 % des pylônes. Sur les sept liaisons souterraines, dont le tracé suit majoritairement les routes, quatre sont déjà en service. On peut donc estimer que 95 % des impacts potentiels sur la faune et la flore ont déjà été effectués.
Quelles mesures avez-vous prises suite au jugement ?
Avec les services de l’Etat, nous avons identifié les chantiers sans impact sur les espèces protégées et qui nécessitaient une intervention car ils mettaient en danger la sécurité des personnes. Je pense aux chantiers de lignes souterraines. Avec la suspension, nous nous sommes retrouvés avec des tranchées ouvertes, des enrobés non refaits, etc. Par ailleurs, sur certaines opérations de lignes aériennes, nous étions en phase de déroulage de câbles avec certains d’entre eux posés de façon temporaire sur des poulies. Avec l’hiver qui approche, il n’est pas possible de les laisser en l’état : le poids de la neige risquerait de les faire tomber. Enfin, le chantier de construction du poste électrique de Pralong impose aussi d’intervenir en termes de sécurité des biens et aussi de risques de déstabilisation de l’ouvrage au stade du coulage des dalles.
Le cabinet Ecomed a analysé, mètre par mètre, chacun de ces chantiers pour qualifier l’absence de risque sur les espèces protégées ou leurs habitats. Ensuite, nous avons fourni un rapport avec photos et explications écologiques à la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et de l’environnement (Dreal). Les travaux du poste de Pralong ont ainsi repris le 1er octobre. Le 15 octobre, ont suivi des travaux de sécurisation sur deux chantiers de lignes souterraines. Il faut agir vite car, à partir du 15 novembre, tous les travaux sur route sont interdits dans les Hautes-Alpes, à cause des conditions météo.
"Nous sommes en train de constituer le dossier d’une nouvelle demande de dérogation « espèces protégées »"
Le chantier est-il retardé ?
Oui. Nous n’arriverons pas à atteindre l’objectif de mise en service totale en 2021. Nous sommes en train de constituer le dossier d’une nouvelle demande de dérogation « espèces protégées ». Nous avons également fait appel, le 17 septembre, du jugement du TA de Marseille, tout comme le ministère de la Transition écologique et solidaire, le 8 octobre. Nous retrouverons un cadre légal soit, lorsque notre appel sera jugé sur le fond, soit, lorsque nous obtiendrons une nouvelle dérogation « espèces protégées ».
Comment cela se passe-t-il pour les entreprises ?
La suspension des chantiers oblige à reporter l’équivalent de 15 millions d’euros de travaux, dont 4 millions d’euros de commandes à des entreprises des Hautes-Alpes, programmés entre septembre et décembre 2018. A cela s’ajoute la difficulté de remobiliser les moyens et matériels prévus pour le programme Haute-Durance, qui ont été affectés sur d’autres chantiers. Cela représente une centaine d’emplois au global et 1 500 jours travaillés dans les Hautes-Alpes.
Sur quoi avez-vous basé votre appel ?
Les opposants au projet estimaient que le dossier de demande de dérogation aurait dû comporter des « alternatives » intégrant une part plus importante de travaux souterrains. Or, ces alternatives avaient déjà été examinées au stade de la déclaration d’utilité publique, à travers une étude d’impact sur la faune et la flore, fondée sur 200 nuits et 600 jours d’inventaire de terrains. Ces déclarations d’utilité publique ont été confirmées fin 2017 par le Conseil d’Etat. Nous fonderons aussi notre appel sur la nécessité de terminer les travaux, pour pouvoir supprimer les lignes électriques anciennes et tirer les pleins bénéfices de ce programme de rénovation.
Un chantier contesté
RTE a démarré en 2014 le programme « Haute-Durance », un chantier de 230 millions d’euros qui doit remettre à niveau le réseau électrique au nord des Hautes-Alpes. Outre la reconstruction de 100 km de lignes électriques aériennes de 225 000 volts et 63 000 volts à l’écart des habitations, il comprend la rénovation de sept postes électriques qui changent ainsi d’échelon (de 150 000 volts à 225 000 volts), la création d’un nouveau poste de 225 000 volts, la construction de 100 km de lignes électriques souterraines de 63 000 volts et enfin la suppression de 200 km de lignes aériennes vétustes.
Réalisé à proximité du parc national des Ecrins, le chantier est contesté. Saisi par l’association Avenir Haute-Durance fin 2014, le conseil d’Etat avait rejeté fin 2017 des requêtes déposées et dirigées contre les déclarations d’utilité publique (DUP) validant la régularité des procédures — notamment l’étude d’impact — ayant conduit aux DUP précitées.