Evénement

Normes Quel impact sur les travaux ?

-Les normes évoluent et se multiplient sans cesse, sous la double pression de la construction européenne et de l'exigence des consommateurs. -La réalisation de travaux rendus obligatoires par la réglementation fournit l'occasion d'engager volontairement des travaux complémentaires d'amélioration. -L'impact financier qui en résulte n'est pas simple à appréhender car, au-delà du surcoût immédiat, l'obligation de mise aux normes augmente la durée de vie de l'ouvrage, tout en diminuant son coût d'entretien.

Dans tous les secteurs économiques, de la production aux activités de services, la normalisation gagne du terrain, sous l'impulsion notamment de l'Union européenne qui l'a adoptée comme instrument pour réaliser un marché unique. En matière de construction, le champ d'application de la normalisation est particulièrement abondant (voir encadré ci-dessus) et varié, qu'il s'agisse des produits proprement dits ou de leur mise en oeu- vre, de la conception (règles de calcul), des travaux, des règles de sécurité ou bien encore des parties d'ouvrage.

Gage de qualité pour les uns, excès de contraintes pour les autres, la mise aux normes peut-elle être appréciée objectivement d'un point de vue économique et financier ? A première vue, l'ampleur de la tâche paraît immense : sans doute cela explique-t-il qu'il n'existe aucune étude, globale ou particulière, sur le sujet. Tout au plus peut-on dire que si l'obligation de mise aux normes contraint à un surinvestissement, elle augmente la fiabilité et la durée de vie de l'ouvrage, tout en diminuant son coût d'entretien et de maintenance. Mais quelle est sa répercussion exacte sur le coût global ?

Des normes internes

Il faut d'abord distinguer les travaux neufs des opérations de rénovation ou de réhabilitation. Dans le premier cas, il est nécessaire d'être très exigeant au départ, d'autant que la durée de vie d'un bâtiment est considérablement plus longue que celle des modes de vie. Par exemple, le renforcement de la réglementation acoustique (rappelons que la NRA s'impose pour les bâtiments neufs depuis le 1er janvier 1996) était nécessaire car ensuite, une fois l'ouvrage construit, ses qualités d'isolation acoustique ne peuvent plus guère être améliorées. Pour la réglementation thermique, en revanche, il n'est pas nécessaire d'être aussi draconien car une mauvaise qualité d'isolation thermique peut se corriger plus facilement après coup.

Réglementation rétroactive

Pour les bâtiments existants, il faut considérer le cas où des normes rendues obligatoires constituent une réglementation technique rétroactive, dans la mesure où elle s'impose aux logements déjà construits au moment de son entrée en vigueur (voir entretien page 35) (ex. : réglementation relative aux portes d'ascenseurs, aux portes de garage, à l'amiante, au saturnisme...). La loi doit évidemment s'appliquer et ce n'est pas au bailleur de s'interroger sur la légitimité des obligations normatives. Plus complexe est la question de savoir ce qui se passe lorsqu'une intervention technique est effectuée sur une partie d'un ouvrage immobilier pour laquelle il n'y a pas de norme obligatoire rétroactive mais pour laquelle existe une commande de travaux. « Du fait de l'enchaînement des opérations, il est impossible, lorsqu'on fait de la réhabilitation, de s'appuyer, a priori, sur la normalisation applicable à la construction neuve, de même qu'il est impossible de se contenter du minimum, c'est-à-dire d'appliquer simplement la réglementation technique en vigueur », souligne Michel Platzer, président de la Générale de projet qui regroupe les activités techniques du groupe SCIC (en 1996, les travaux de réhabilitation sur le patrimoine propre de la SCIC -180 000 logements au total- se sont élevés à près de 600 millions de francs). Pour cette raison, la Générale de projet a mené, avec les grands organismes de contrôle technique (Socotec, Cep et Apave), une réflexion qui a abouti à l'établissement d'un « Plan sécurité-patrimoine » (concernant essentiellement le gaz, l'électricité, l'incendie et les garde-corps). « Dans tout ce qui existait, nous ne trouvions pas de référentiel satisfaisant ; alors nous avons, en quelque sorte, élaboré nos propres « normes internes », poursuit Michel Platzer. Cela a représenté un important investissement de départ, mais désormais nous disposons d'une check-list permettant de procéder, local par local, à un audit préalable à toute opération de réhabilitation ». Les avantages de la démarche sont indéniables : des prestations types peuvent être engagées (au-delà de la réglementation obligatoire en matière de sécurité mais en deçà des normes relatives à la construction neuve), qui permettent de tirer progressivement le patrimoine propre de la SCIC vers un seuil moyen minimal. Cela permet de rendre homogène le service rendu aux locataires, tout en prévenant l'obsolescence technique des immeubles. La valeur ajoutée de la Générale de projet se situe notamment dans les préconisations détaillées qui s'ensuivent pour les responsables d'audit. « Désormais, dans notre groupe, tout le monde a une base commune dans le domaine de la sécurité », conclut Michel Platzer.

Travaux complémentaires

Les travaux de mise aux normes, d'origine réglementaire, sont l'occasion d'engager des travaux complémentaires d'amélioration ou de rénovation réalisés hors de toute obligation réglementaire. Un exemple : le remplacement de plafonds à l'occasion de travaux de détection-incendie imposant la dépose des plafonds suspendus. « En ce sens, on peut dire que la mise en conformité avec la réglementation technique a un effet multiplicateur », souligne Eric Girot, directeur à Clininvest (filiale de la Compagnie de Suez, propriétaire d'une vingtaine de cliniques représentant près de 2 500 lits). Et de préciser : « Sur l'ensemble de nos travaux, 40 % (en valeur) sont des travaux de remise aux normes obligatoires, principalement dans le domaine de la sécurité des personnes et de l'hygiène des locaux, le reste correspondant à des travaux volontaires d'amélioration. Le groupe Clininvest, lui aussi, a mis au point avec le concours des Apave, un document méthodologique spécifique intitulé « Sécurisez vos cliniques », qui est à la fois un référentiel et un recueil de procédures.

Une adaptation constante

Le besoin d'établir des « normes-maison » montre à quel point les acteurs de la construction, maîtres d'ouvrage ou maîtres d'oeuvre, jouent le jeu de la normalisation. Toutefois, cette démarche n'est dictée que par une logique d'exploitation.

« Heureusement que nous avons des normes, c'est pour nous une nécessité», souligne Guy Poullain, entrepreneur d'électricité et président de la Fédération nationale de l'équipement électrique (FNEE). Dans un domaine aussi complexe que l'électricité, la normalisation permet de standardiser les matériels, les produits, les systèmes et donc d'améliorer les installations électriques (qualité, performances, sécurité d'utilisation...).

Certes, les normes évoluent, la normalisation s'accentue et des normes nouvelles apparaissent sans cesse. Mais n'est-ce pas pour répondre aux transformations de notre environnement ? Un exemple : l'essor des téléphones portables induit un développement des émissions perturbatrices et, en conséquence, il faut de nouveau adapter la normalisation des installations électriques. Les normes ne font donc que répondre aux besoins nouveaux des consommateurs, aux exigences renforcées des utilisateurs, exprimés en amont de la normalisation.

Les normes sont-elles alors, par nature, facteur de renchérissement des coûts ? « Pas du tout, affirme Guy Poullain. Dans l'instant, elles peuvent être perçues comme un synonyme de surcoût, mais à terme, c'est le contraire qui se produit : en fondant une production standardisée, les normes permettent les fabrications en grande série et l'obtention d'une baisse des prix avec des performances accrues. Et cela vaut tant pour les produits que pour les installations, car les normes nous aident à mieux préparer nos chantiers, et donc à maîtriser nos prix».

Codification d'un savoir-faire

La normalisation présente un autre avantage : celui de rationaliser les interventions des différents partenaires. Si l'élaboration des normes engendre des procédures longues et coûteuses (voir page 36), la norme, une fois publiée, se traduit par une clarification et donc par un gain de temps. «L'élaboration des normes constitue la codification d'un savoir-faire technique et non une contrainte », souligne Jean-Luc Renevier, responsable du département Produits et ingénierie de la construction à l'Association française de normalisation (Afnor). C'est au contraire l'absence de normes qui constituerait une contrainte, en rendant interminables les discussions entre le maître d'ouvrage et les entrepreneurs, les architectes et les bureaux de contrôle». On ne saurait être plus clair. De toute façon, s'agissant du coût global de la norme, c'est toujours à l'entreprise de s'adapter au prix final accepté par le client. « Les normes ne constituent pas un risque de désolvabilisation des clients, conclut Guy Poullain. Cela ne coûte pas plus cher de réaliser une installation rationnelle que n'importe quoi. Simplement, à chaque niveau de clientèle doit correspondre un niveau d'ingénierie de l'entreprise».

Les normes n'ont pas un effet mécanique sur l'augmentation du coût de la construction. Le choix d'un matériau plus performant, par exemple pour améliorer une fonction coupe-feu, n'est pas nécessairement plus coûteux. A condition que la norme soit utilisée pour ce pour quoi elle est faite : élever la qualité d'un produit et non servir d'outil de développement commercial.

A cette condition, le surcoût généré par la mise aux normes sera exceptionnel, et presque toujours légitimé par des considérations de sécurité ou de santé qui, on le sait, n'ont pas de prix.

PHOTO : «Dans notre groupe, tout le monde a une base commune dans le domaine de la sécurité»

Michel Platzer,Président de la Générale de projet

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