Les zones commerciales pourraient bien devenir le nouvel eldorado du renouvellement urbain. C'est la conviction du gouvernement qui a annoncé, le 11 septembre, un grand programme de transformation de ces icônes de la « France moche ». Dans la métropole de Nantes (Loire-Atlantique), cette question est prise à bras-le-corps depuis plusieurs années. « Avec la perspective du ZAN et alors que les projets immobiliers dans le diffus sont de plus en plus souvent contestés, ces zones représentent un enjeu majeur pour la mise en œuvre de nos politiques publiques », explique Eric Chevalier, directeur général délégué à la fabrique de la ville écologique et solidaire de Nantes Métropole jusqu'en juillet dernier.
Initié il y a une dizaine d'années, le projet Halvêque-Beaujoire-Ranzay, le long de la route de Paris, à Nantes, a été le précurseur de cette reprise en main. Sur ce périmètre de 300 ha, une trentaine d'opérations ont déjà été livrées ou sont à l'étude. Parmi les plus emblématiques : la transformation de Paridis, deuxième centre commercial de la métropole. Inauguré en 1986, il abrite, sur 20 ha, un hypermarché Leclerc, une galerie marchande et divers commerces. Entouré d'un vaste parking, il est survolé par cinq lignes à haute tension. « Lorsque Paridis a été construit, il n'y avait rien autour. Aujourd'hui, la ville a gagné cette partie de la métropole et ce modèle de centre commercial de périphérie n'est plus aussi approprié », raconte Hubert Goupil de Bouillé, chef du projet Paridis 21, porté par Pierre Chartier, propriétaire de cet ensemble, et la Compagnie de Phalsbourg, propriétaire des murs d'un magasin Décathlon et de fonciers autour.
Sans voiture en surface. Si l'objectif est d'ajouter des commerces dont un Leroy Merlin, soit 25 000 m2 supplémentaires, le projet prévoit aussi la transformation du site en un quartier mixte. « Notre principal souci a été de composer avec le centre commercial, note l'architecte Antonio Virga, dont l'agence s'est vu confier la conception du projet aux côtés d'AAVP Architecture. Face au périphérique, un gros volume abritera des commerces, des bureaux et un parking silo, tandis qu'une frange de logements s'adressera au parc et qu'une zone mixte, au centre, proposera des commerces de proximité. Avec quelque 150 000 m2 construits, le futur quartier sera apaisé, sans voiture en surface car tous les stationnements seront en sous-sol ou en silo. . » Et Hubert Goupil de Bouillé de compléter : « La métropole est rapidement arrivée dans la discussion : elle nous a invités à travailler ensemble pour mener un vrai projet urbain. Il y a une dizaine d'années, c'était précurseur. » L'intégration d'une nouvelle orientation d'aménagement et de programmation (OAP) au plan local d'urbanisme métropolitain (PLUM) en avril 2019 a joué un rôle déterminant. Elle a permis de dégager des surfaces constructives, notamment commerciales, mais aussi de garantir une part de 30 % de logements sociaux. « Mon travail consiste notamment à faire appliquer des orientations publiques, même sur les projets privés, rappelle Luc Vissuzaine, directeur territorial de l'aménagement de Nantes Métropole. Et les grands enjeux sont la ville inclusive, la ville apaisée, la ville attractive et la renaturation ». Sur cette base, les partenaires ont pu s'entendre sur une programmation. « Les maîtres d'ouvrage pensaient que six mois suffiraient, mais plus de trois ans de travail ont été nécessaires », souligne l'architecte Thomas Lastennet, directeur de projet chez AAVP Architecture.

Quatre équipes d'architectes. Lorsque les maîtres d'ouvrage ont reçu la garantie que le projet allait se faire, plusieurs équipes d'architectes ont peaufiné les différentes opérations : Antonio Virga et AAVP Architecture pour plusieurs bâtiments (dont une salle de spectacle de 1 500 places), L35 pour le centre commercial et le parking souterrain, Kengo Kuma & associés pour des logements et du tertiaire, ainsi que XTU pour une tranche ultérieure.
Le niveau de rendu et la qualité architecturale ont contribué à convaincre les élus de s'engager en votant, fin 2021, un projet urbain partenarial (PUP) pour une durée de quinze ans, le tout premier conclu par la métropole. En échange d'une exonération de la taxe d'aménagement, les deux opérateurs participeront à hauteur de 70%, soit 11 M€, au financement de l'enfouissement des lignes à haute tension et du réaménagement des espaces publics. Ils ont aussi consenti à répondre à certaines exigences de la collectivité comme le raccordement au chauffage urbain ou la création de 6,2 ha d'espaces paysagers.
Après plus de dix ans de négociations, le projet Paridis 21 est aujourd'hui dans les starting-blocks. Une enquête publique va être lancée prochainement et les permis de construire sont en cours d'instruction.
Sept opérations en lisière de la ville
Les routes de Vannes, de Rennes, de Paris, de Clisson, de Pornic, de La Rochelle, ainsi que la RN 444, qui longe le Zénith… Ces sept opérations d'aménagement et de renouvellement urbain d'entrées d'agglomération ont été déclarées d'intérêt métropolitain le 16 décembre 2022.
Une façon pour la collectivité de reprendre la main sur ces axes historiques d'accès à Nantes qui se sont développés autour de grands ensembles fonciers accueillant les zones commerciales périphériques.
« En lien avec les communes, cela permettra le pilotage global du projet par la métropole et l'élaboration d'un plan guide pour chaque axe » explique Luc Vissuzaine, chargé de mission entrées de ville à la métropole.
L'objectif vise à mettre en place des partenariats et de définir les process pour mettre fin au développement rapide et peu maîtrisé de ces zones à forts enjeux sans la pression foncière des seuls promoteurs. « La route de Paris sur laquelle nous travaillons avec l'architecte-urbaniste Jean-Marc Bichat a préfiguré cette politique. Avec Paridis 21, elle a constitué une forme de laboratoire de ces processus d'urbanisme négocié et du rôle d'ensemblier de la direction du développement urbain de la métropole », estime Luc Vissuzaine.
Informations techniques
- 450 M€ d'investissements.
- 20 ha .
- 10 ans de négociations.
- 110 000 m2 de commerces et services.
- 32 000 m2 de tertiaire.
- 15 000 m2 de loisirs.
- 370 logements.
- 4 500 places de stationnement.
« Un vaste territoire de projet de 300 ha », Jean-Marc Bichat, architecte-urbaniste du grand projet Route de Paris pour l'atelier Germe & Jam
« Au départ, l'objectif de la métropole était de rééquilibrer le développement économique vers le nord-est. Les études préliminaires ont révélé un territoire de projet de 300 ha composé de grandes emprises foncières à vocation économique.
Sur ce périmètre Halvêque-Beaujoire-Ranzay, la transformation s'est d'abord organisée par touches sur la base d'une armature d'équipements. Il y a sept ans, il est apparu que l'axe de la route de Paris portait d'énormes emprises foncières d'activités commerciales et tertiaires de 10 à 20 ha, dont le modèle économique et/ou immobilier appelait une mutation. La zone commerciale Paridis est une pièce majeure de cet énorme puzzle.
La création d'un pôle d'échanges multimodal à la Haluchère, à proximité de Paridis, a été déterminante, tout comme la méthode employée : l'urbanisme négocié. La collectivité guide et coordonne les projets privés comme dans le cadre d'une ZAC mais en jouant sur les outils réglementaires avec la dynamique propre des porteurs de projets. Ce processus a conduit à un projet urbain partenarial (PUP) permettant de financer et de créer de nouveaux espaces publics, condition indispensable des projets. »