« Moins de 320 000 logements seront mis en chantier cette année», selon Michel Mouillart, professeur d’économie à Paris X-Nanterre

Michel Mouillart, spécialiste du secteur du logement, analyse l’état du marché au vu des chiffres du premier trimestre publiés récemment. Il estime notamment que les ménages jeunes et modestes sont désormais exclus du marché de l’acquisition d’un logement neuf, faute d’apport personnel. Ce qui pèse lourdement sur l’activité de construction.

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Michel Mouillart, professeur d’économie à Paris X-Nanterre

Comment la production de crédits a-t-elle évolué en début d’année par rapport à 2012 ?

Michel Mouillart : La production de crédits a continué à reculer dans le neuf au premier trimestre 2013 par rapport à 2012 (-11,3% en année glissante), selon les dernières données de l’Observatoire Crédit Logement/CSA. On pourrait toutefois avoir atteint un point bas au vu des données pour le mois d’avril, qui semble marquer le début d’un redressement (-6,2% sur un an).

Comment expliquez-vous ce recul continu ?

MM :Ce mauvais début d’année était prévisible. Il résulte de l’anticipation d’un certain nombre d’opérations au quatrième trimestre 2012 avant des changements réglementaires annoncés (PTZ+ et RT 2012). Le retrait est toutefois d’ampleur.

Les conditions de crédit sont pourtant très favorables.

MM : Oui, les conditions de crédit en tant que telles sont favorables : les taux sont historiquement bas et les durées se stabilisent. Mais les conditions d’accès au crédit ont changé depuis deux ans. Les banques cherchent à renforcer leurs fonds propres et sont encouragées par les autorités monétaires à exiger davantage d’apport personnel (27% du montant d’une opération aujourd’hui).

Est-ce la seule explication ?

MM : Non. Le resserrement du PTZ+, qui permettait jusque là aux primo-accédants d’alléger leur taux d’effort, sur les seules zones tendues (A et B1) en janvier 2013 impacte sensiblement la production : après un bond au quatrième trimestre 2012 avec 34 000 prêts accordés (contre 17 000 au premier et au deuxième trimestres), l’année 2013 devrait s’achever sur 50 000 PTZ+ signés (à comparer à 100 000 en 2011).

L’allongement du différé d’amortissement du PTZ+, demandé par plusieurs fédérations professionnelles du secteur, est-il une solution ?

MM : Certes, l’allongement du différé d’amortissement permet de lisser la charge de remboursement sur la durée. Il n’en reste pas moins que sans apport, les ménages ne peuvent pas accéder au marché, même en zone non tendue.

Qui en pâtit ?

MM : Faute d’apport personnel, les ménages jeunes et modestes ont aujourd’hui les pires difficultés pour équilibrer leur plan de financement. Cela se traduit très nettement dans la structure de la clientèle des emprunteurs. 50% des emprunteurs ont moins de 35 ans (contre 52% en 2009) et 34% gagnent moins de trois Smic (contre 44% en 2009). Ces populations sont aujourd’hui exclues du marché.

Comment se profile l’année 2013 en termes d’activité?

MM : Au total, compte tenu des conditions peu favorables d’évolution du pouvoir d’achat au cours des prochains trimestres et faute de soutiens publics, pas plus de 175 000 ménages devraient acheter dans le neuf cette année (contre 225 000 en 2011) et moins de 320 000 logements seront mis en chantier. On aura perdu 100 000 mises en chantier en deux ans, dont la moitié dans l’accession à la propriété. »

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