Avant la fin mars, Rouen (Seine-Maritime) ouvrira le bal des Radar. Sous ce nom, SNCF Gares & Connexions propose en effet une boîte à outils au service de la transformation des 600 gares recensées dans les 24 territoires pressentis pour accueillir les Services express régionaux métropolitains (Serm). Leur labellisation, au début de l'été 2024, a ouvert une phase d'approfondissement de dix-huit mois à l'issue de laquelle l'Etat pourra confirmer la maturité des projets et contribuer à leur financement. Pour éclairer les collectivités associées, les études Radar dérouleront un diagnostic et des scénarios de planification des investissements en gare pour un total de 3,7 Mds €. « Une somme assez modeste, si on la met en regard des 2 à 4 Mds € nécessaires pour développer chacun des Serm labellisés dans sa globalité », commente Stéphane Lerendu, directeur des grands projets de SNCF Gares & Connexions. Les réhabilitations domineront ces chantiers, mais les travaux neufs et les réouvertures occuperont une place significative, avec 82 cas identifiés.
Annoncées pour le premier semestre 2025, les études du gestionnaire des gares du réseau adapteront une méthode déjà rodée grâce à « l'Atlas bioclimatique des gares parisiennes », feuille de route des grands chantiers en cours élaborée en 2023 par Arep, filiale de maîtrise d'œuvre de Gares & Connexions. L'étape rouennaise complète la modélisation du concept autour d'un cas représentatif des 24 candidats : harmonisation avec une future LGV, réponse aux besoins du fret, franchissements d'un fleuve tortueux, reprise d'études consacrées au potentiel du tram-train, etc.
Pôles d'échanges multimodaux innovants. Dans le sillage de Radar, SNCF Gares & Connexions met à disposition plusieurs autres facettes de son offre d'ingénierie : « En cours de finalisation, notre étude Asset Management recensera les 300 000 équipements de nos 3250 gares, leur occupation et l'échéance de leur transformation potentielle », indique Stéphane Lerendu. Anticiper la conversion des parkings en parcs à vélo fait partie des principales applications de cet outil que l'opérateur entend mettre au service de la sobriété foncière. En complément, une convention signée à Libourne (Gironde) désigne la gare de cette ville, située dans le périmètre du Serm de Bordeaux, comme un laboratoire des pôles d'échanges multimodaux innovants.
Parmi les pistes explorées, Stéphane Lerendu cite les quais bioclimatiques, la vidéosurveillance intelligente ou les « hôtes à distance », des bornes équipées de logiciels d'intelligence artificielle pour répondre aux questions des voyageurs. La problématique du changement climatique justifie par ailleurs une autre étude, « Végétalisation des parvis de gares », finalisée fin 2024 par Arep. Dans ce document de 200 pages, le groupe SNCF cherche à démontrer l'adaptation de son approche globale aux réalités locales : Arep a identifié cinq types de climats qui déterminent autant de palettes végétales.
Fil conducteur des mutations des gares ferroviaires, l'intermodalité guidera également les projets de haltes routières des futurs Serm. Strasbourg (Bas-Rhin) le démontre depuis novembre dernier : sur l'ex-autoroute A351 devenue M351 lors de son transfert à l'Eurométropole, l'arrêt Paul-Eluard connecte les autocars de la ligne régionale vers Wasselonne avec le réseau du tram. Et le long de l'A10 à Tours (Indre-et-Loire), un chapelet de gares en cours d'étude concourra au même objectif que le concessionnaire Cofiroute développe en ces termes : « Alors qu'elles pèsent 1 % du réseau routier national, les autoroutes contribuent à 25 % des émissions de gaz à effet de serre issues des transports. L'amélioration de ce bilan passe par la mise en place des Serm », estime Pierre Landau, directeur du développement. La filiale de Vinci Autoroutes décline à Tours un savoir-faire en cours de déploiement au sud de Paris, avec le succès de la desserte cadencée par autocars sur l'A10 également, entre la gare TGV de Massy et Dourdan (Essonne). Sur ce tronçon également desservi par le RER C, une commande du ministère des Transports conduit le concessionnaire à étudier une nouvelle gare autoroutière à Forges-les-Bains, en complément des arrêts déjà en place à Massy, Orsay, Longvilliers et Dourdan.
Statut des rocades urbaines. Après avoir participé à la conversion de l'A480 aux transports publics en site propre dans la périphérie de Grenoble (Isère) pour le compte de la Société des autoroutes Paris Rhin-Rhône (APRR, groupe Eiffage), le paysagiste Alfred Peter, spécialiste des mobilités décarbonées, identifie une demande croissante : « Les concessionnaires et les métropoles s'intéressent à la reconversion des rocades urbaines que l'Etat ne parvient pas à moderniser et à convertir à la multimodalité. Ces projets conduisent à questionner le statut autoroutier de ces infrastructures. » Au sud de Montpellier (Hérault), l'A709 présente un cas de figure similaire, intégré aux études du Serm de la métropole. Cette perspective prometteuse pèsera lourd dans les négociations à venir, à l'approche de l'échéance des contrats autoroutiers.

« En cinq ans, on compte huit fois plus de voyageurs », Christian Dupessey, maire d'Annemasse (Haute-Savoie) et président du Pôle métropolitain du Genevois français.
« La nouvelle gare construite par la SNCF en vue de la mise en service du RER transfrontalier Léman-Express en 2019 a marqué le troisième moment ferroviaire de l'histoire d'Annemasse. L'arrivée du train, à la fin du XIXe siècle, puis sa connexion au réseau national après 1945 avaient marqué les deux premiers.
En cinq ans, le nombre de voyageurs est passé de moins de 10 000 par jour à plus de 80 000, au lieu des 50 000 à 60 000 projetés. Cette affluence place Annemasse en quatrième position de la région Auvergne-Rhône-Alpes, derrière les deux grandes gares lyonnaises et celle de Grenoble. Outre l'esplanade François-Mitterrand, cette mutation a nécessité plusieurs aménagements dédiés à l'intermodalité : construction de parkings-relais, stationnements vélo et accueil du réseau de bus. Illustré par le quartier de l'Etoile en cours de réalisation du côté de la gare, opposé au centre historique, le renforcement d'attractivité ne se limite pas à Annemasse. Autorité organisatrice des mobilités, le pôle métropolitain du Genevois français [qui réunit 117 communes d'Isère et de l'Ain, NDLR] s'emploie à diffuser cet impact, de Divonne à Thonon ».