Trouver la bonne formule pour donner de la cohérence aux actions menées sur 1 350 ha, répartis entre six communes (1), où s'entremêlent entreprises, universités, sites hospitaliers et logements. C'est ce qui a poussé à la création en 2016 de l'opération d'intérêt métropolitain (OIM) Bordeaux Inno Campus (BIC), à Bordeaux Métropole (Gironde), renforcée par la signature d'un projet partenarial d'aménagement (PPA) en janvier 2020.
Et le défi est de taille. « Il s'agit de zones d'activités vieillissantes avec de forts enjeux de requalification. Beaucoup d'investissements publics y ont été programmés : l'opération Campus, le programme de renouvellement urbain de Domofrance Saige à Pessac, les projets du CHU et du Crous, les transports, etc., détaille Emeline Dumoulin, directrice de l'OIM à Bordeaux Métropole. Le choix de ce montage s'explique par les conjonctions d'enjeux d'aménagement, de mobilité et d'activités économiques : il permet d'y consacrer des moyens et d'organiser une gouvernance. » Aux yeux de Franck Raynal, maire de Pessac, « il fédère les collectivités et d'autres acteurs publics. C'est un rappel des objectifs de chacun, il permet de gagner en réactivité vis-à-vis des acteurs économiques. » Un point important car les entreprises qui grossissent ont besoin de trouver des sites métropolitains ad hoc pour que les activités de production restent sur place. L'OIM permet aussi de sortir du monofonctionnalisme économique et de créer des ponts entre voisins.
L'année 2023 marquera l'affirmation d'une culture commune, selon les principes de l'urbanisme négocié, avec l'objectif de créer 10 000 emplois (48 500 à ce jour), d'accueillir 10 000 étudiants supplémentaires (66 000 aujourd'hui) et autant de nouveaux ménages, d'ici à 2035. « Les acteurs joueront le jeu s'ils ont le sentiment d'en tirer une valeur ajoutée, estime Emeline Dumoulin. Nous devons être des facilitateurs de projets. » Cette approche s'incarne dans BIC extra-rocade (maîtrise d'œuvre urbaine : HDZ, Base, Suez, Transitec, ON et Zefco), une première opération sur 542 ha, dont les procédures réglementaires se sont achevées en 2022. Financée par une taxe d'aménagement majorée, elle repose sur la globalisation des autorisations environnementales portées par Bordeaux Métropole, et la mutualisation des compensations écologiques. « Nous proposons de créer des synergies entre les projets et apportons une expertise sur mesure, afin d'aller vers une opération vertueuse », précise Baptiste Hernandez, directeur de HDZ. L'agence accompagne même les entreprises dans leurs plans de déplacements. « Nous allons au-delà du projet d'aménagement, c'est tout le sens de ce partenariat », estime l'urbaniste.
Obligations et expérimentations. Des réflexions similaires sont menées dans les secteurs de l'intra-rocade. Ainsi, chaque porteur de projet devra mettre en œuvre les obligations de la métropole, cheffe d'orchestre de l'OIM. Cet outil va aussi les pousser à expérimenter. Une démarche facilitée par le soutien en ingénierie qu'apporte le centre de recherche appliquée Nobatek/Inef4.
Cette vision globale convient à l'université de Bordeaux. « Après l'opération campus qui s'achève, nous souhaitions développer un projet urbain, faire ville, expose Eric Genay, le directeur de l'aménagement urbain. Il s'intègre tout à fait dans le PPA qui apporte des forces et une vision métropolitaine. » L'opportunité aussi de valoriser un patrimoine immobilier dont l'université a la gestion depuis 2019. Eric Genay salue cette intelligence collective qui permettra de créer des logements étudiants, en profitant, notamment, du démarrage de la rénovation urbaine du quartier de Saige (1 500 logements), au cœur de BIC. Domofrance prévoit d'y réaliser 180 logements étudiants et d'accueillir des activités économiques. Une fois libérée, une des tours pourrait notamment accueillir des entreprises, et donc des emplois. « Cette dynamique décloisonne les opérations, estime Marie Huguet, directrice de l'aménagement et du renouvellement urbain à Domofrance. C'est une chance pour le quartier. » Pour autant, les opérateurs n'attendent pas la métropole. Le Crous livrera ainsi, fin 2023, la surélévation d'un bâtiment avec 115 logements étudiants
de plus (groupement Bouygues Construction - Atelier des Architectes Mazières & Associés), à Talence. Si le directeur général du Crous ne ressent pas l'impact de BIC dans les projets qu'il mène actuellement, il se réjouit que le logement étudiant ne soit plus l'affaire du seul Crous et que le développement économique trouve sa place dans les campus.
- 1 350 ha, dont 796 ha à Pessac.
- 540 000 m2 de nouvelles surfaces de plancher destinés aux entreprises.
- 2 Mds € d'investissements publics et 10 000 nouveaux ménages attendus d'ici à 2035.
- 3/4 de l'offre hospitalière de la métropole dans le secteur de BIC.
« De cette vision globale naissent des opportunités pour les partenaires », Franck Raynal, maire de Pessac, pilote de l'OIM Bordeaux Inno Campus pour Bordeaux Métropole.
« Initialement, nous avions uniquement perçu l'intérêt économique de cette zone où se côtoyaient des entreprises dans le secteur de la santé, de l'optique laser et de l'électronique et informatique. Il a ensuite paru évident de changer d'échelle en incluant l'université et les sites hospitaliers. Et puis nous avons relié ces points au logement, aux transports et à la restauration de l'environnement. L'hétérogénéité du site justifie l'aspect partenarial. Cela a demandé un effort pour fédérer des énergies qui auraient eu intérêt à travailler dans leur coin, mais de cette vision globale naissent des opportunités pour chacun des partenaires.
Nous voulons faire de ce territoire un terrain d'expérimentation. Ainsi, un chercheur en chimie de l'université a créé une peinture photoluminescente intelligente à Pessac. Il a recruté d'anciens étudiants pour créer sa société et a pu mener une expérience sur 2 km de piste cyclable, à proximité de l'entreprise. C'est une illustration de ce qui peut être fait dans ce secteur. Il ne s'agit pas de créer un quartier, mais des porosités entre des fonctions spécialisées. »
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La mobilité, un enjeu majeur pour Bordeaux Métropole
« Les nouvelles opérations ne doivent pas apporter de véhicules supplémentaires », insiste Emeline Dumoulin, la directrice de l'OIM. Un enjeu fort pour la métropole qui élabore un schéma de déplacements tous modes. Ce chantier stratégique vise à recenser l'ensemble des actions sur les mobilités nécessaires à la décongestion du territoire et à leur donner une programmation opérationnelle quand elle n'existe pas encore : résorption des discontinuités cyclables, développement et sécurisation de la marche et du vélo, déploiement des bus express… Cette politique se concrétise, dès cette année, à travers la création d'une passerelle au-dessus de la rocade entre Pessac et Gradignan cet été (HDZ avec GTM, Soletanche, Matière, Moter), la requalification des voies dans la zone d'activités pour créer des itinéraires cyclables et piétons, puis, à partir de 2024, par le déploiement de lignes de bus express (presqu'île d'Ambès/ campus universitaire et une autre entre Le Haillan et Pessac-Bersol).
(1) Bordeaux, Canéjan, Gradignan, Mérignac, Pessac et Talence.