Marseille : union sacrée autour de la lutte contre l'habitat indigne

L'Etat, la métropole et la Ville se coordonnent pour requalifier 1 000 ha dans le centre-ville.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Sur les 1?000 ha du périmètre du PPA se déploient une série de dispositifs dont il faudra coordonner l’action pour plus de cohérence?: opération d’intérêt national (OIN) Euroméditerranée, aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine, opération Grand Centre-Ville (OGCV)… Il inclut également les quatre îlots prioritaires traités par la SPLA-IN.

La mort de huit personnes suite à l'effondrement d'un immeuble, survenu ce 9 avril rue de Tivoli dans le quartier du Camas à Marseille (Bouches-du-Rhône), a ravivé les souvenirs d'une autre catastrophe. Le 5 novembre 2018, huit autres victimes avaient été ensevelies sous les décombres de leur logement, rue d'Aubagne, dans le quartier populaire de Noailles. Mais la comparaison entre les deux événements s'arrête là. Si le gaz semble être en cause dans l'accident le plus récent, c'est bien un bâti dégradé qui a occasionné l'effondrement de l'immeuble de la rue d'Aubagne. Ce drame a d'ailleurs servi d'électrochoc, révélant l'ampleur du fléau de l'habitat indigne. L'échec des politiques à l'œuvre dans le centre-ville depuis près de vingt ans ont obligé l'Etat, la métropole Aix-Marseille-Provence et la Ville à fédérer leurs compétences.

Cette démarche a abouti à la signature, le 15 juillet 2019, d'un projet partenarial d'aménagement (PPA) d'un périmètre de 1 000 ha d'une durée de quinze ans. Sont également parties prenantes dans ce contrat le département, la Banque des territoires, l'EPF Provence-Alpes-Côte d'Azur, l'EPA Euroméditerranée, l'association régionale des HLM, l'Anah et l'Anru. Cette dernière va ainsi financer à hauteur de 200 M€ les premières opérations de réhabilitation d'habitat dégradé, de création d'équipements de proximité et de requalification d'espaces publics. Cette somme permet aujourd'hui à la société publique locale d'aménagement d'intérêt national (SPLA-IN), née du PPA, d'entrer en action sur quatre îlots prioritaires (voir carte) . « Au sein de chacun d'eux sera testée une méthode de renouvellement urbain appelée à être étendue demain à l'ensemble du périmètre du PPA. Nous partirons d'outils existants comme l'OPAH-RU qui a été prolongée [de 2022 à 2024, NDLR]. La SPLA-IN s'appuiera sur les six équipes de maîtrise d'œuvre sélectionnées pour régénérer 30 immeubles sur les 450 à traiter dans cette première phase », explique David Ytier, président de la SPLA-IN et vice-président à la métropole délégué au logement, à l'habitat, à la lutte contre l'habitat indigne.

Comité de pilotage. Prioritaire, la requalification de l'habitat n'est qu'un pan du PPA qui poursuit cinq autres objectifs : l'attractivité et la qualité résidentielle, le maintien des habitants dans leur quartier, la restauration du patrimoine bâti, la redynamisation des fonctions économique et commerciale ainsi que la concertation et l'information des acteurs du territoire. Sur ce dernier point ont été installés un comité de pilotage, coprésidé par David Ytier et Mathilde Chaboche, adjointe au maire de Marseille en charge de l'urbanisme et du développement harmonieux de la ville, ainsi qu'un collège des maîtrises d'usage réunissant collectifs, associations, habitants et commerçants. S'y ajoutent un comité scientifique d'experts, en cours de constitution, et des comités de pilotage restreints et techniques. Enfin, une équipe projet composée de trois techniciens se consacre au PPA.

Le schéma d'orientations stratégiques élaboré par l'équipe d'assistance à maîtrise d'ouvrage conduite par Acadie (1) sera validé cet automne et constituera une étape importante du PPA. Il doit en effet permettre de coordonner les nombreuses opérations d'urbanisme en cours dans la cité phocéenne, comme par exemple l'OIN Euroméditerranée ou le grand plan de rénovation des écoles, dont les chantiers débuteront en 2024. Acadie poursuivra ensuite sa mission pendant trois ans pour veiller à la mise en œuvre opérationnelle du schéma. « Notre rôle est d'articuler les modalités d'intervention publique, avec pour finalité la réparation mais aussi l'ambition de transformations plus profondes de ce centre singulier, populaire et mosaïque, ouvert sur son port et sa métropole, dont les atouts sont fragilisés par un tissu urbain dégradé. Tout cela en intégrant les enjeux du changement climatique et de l'inclusion », précise l'urbaniste François Déalle-Facquez, directeur d'études chez Acadie.

« Le PPA est la bonne réponse »

« Le PPA oblige à la mise en cohérence de nos politiques publiques et à construire un espace de dialogue qui a permis, par exemple, d'identifier 66 immeubles vacants dont nous étions propriétaires, la Ville, la métropole et l'Etat, pour les céder ensuite à la SPLA-IN.

Ensemble, nous avons défendu devant l'Anru le projet porté par le PPA avec, à la clé, des subventions dédiées aux équipements et espaces publics, ainsi qu'à l'habitat. C'est à la fois du rattrapage, comme dans le cas des écoles que nous mettons à niveau, et du déploiement pour améliorer le cadre de vie, tels les projets de gymnases ou de bibliothèques. Le PPA est vraiment la bonne réponse. Un autre point important pour moi est la préservation du bâti marseillais et l'adaptation au changement climatique dans un centre-ville où les températures vont frôler les 50 °C. Le schéma d'orientations stratégiques nous aidera à poser les enjeux en termes d'implication des acteurs privés, de pacification et de végétalisation des espaces publics, ou bien encore de dynamisme commercial et de développement économique. »

%%MEDIA:2324591%%

Une démarche au service des opérations complexes

Créé par la loi Elan, le projet partenarial d'aménagement (PPA) est un contrat liant l'Etat, les collectivités ainsi que des acteurs locaux publics et/ou privés afin de faciliter les opérations d'aménagement complexes. Il fixe une feuille de route des interventions et responsabilités de chacun, ainsi qu'un plan de financement des actions : amélioration de l'offre de logements, déploiement d'activités économiques ou réalisation d'équipements publics. Le PPA dit « de préfiguration » porte sur la mise en place des conditions de réalisation du projet. Le PPA dit « opérationnel » concerne quant à lui la mise en œuvre effective d'opérations d'aménagement. Celui de Marseille a la particularité d'être les deux à la fois et d'intervenir sur du tissu existant. Par ailleurs, il délimite un périmètre de grande opération d'urbanisme (GOU) de 300 ha, au nord et à l'est de la gare Saint-Charles, qui permet d'appliquer des dérogations ainsi que la mobilisation de certains outils juridiques.

(1) Avec Leclercq Associés, Une Fabrique de la Ville, Res publica, Une autre ville, Concorde, Atelier Roberta, Base commune, Sémaphores et Magellan.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !