Maîtriser les consommations - L'impact des économies déjà sensible

Depuis environ dix ans, la consommation d'eau baisse, surtout dans le tertiaire. Le potentiel de développement d'équipements économes est toutefois encore loin d'être atteint. Reste pour les services d'eau à mieux maîtriser cette évolution, sous peine de déséquilibres financiers.

La tendance s'est dessinée à la fin des années 80 : le consommation d'eau, qui augmentait jusqu'alors constamment, a diminué au cours dans la dernière décennie.

Ce phénomène a, dès 1996, fait l'objet de réunions au sein de l'Association générale des hygiénistes et techniciens municipaux, entre des res- ponsables des ministères, les agences de l'eau, les distributeurs, des associations, des chercheurs. Deux questions étaient abordées : les facteurs de la baisse et leur impact ; l'importance et l'évolution de cette baisse. Ces interrogations s'imposaient car la plupart des équipements mis en service avant ce phénomène ont été dimensionnés en prévision d'une croissance de la consommation.

La chute de la demande appelle des questions. En termes sanitaires tout d'abord, puisque la réduction des volumes livrés se traduit par une augmentation du temps de séjour dans les canalisations, d'où une dégradation de l'eau transportée. Elle remet aussi en question les projets d'équipements, notamment ceux liés à la qualité de l'eau ou à la sécurité d'approvisionnement. Surtout, ce fléchissement fait s'interroger sur l'équilibre financier des services d'eau et des organismes qui soutiennent les équipements (agences de bassins, Fonds national pour le développement des adductions d'eau).

Des chutes parfois brutales

L'analyse fine du cas parisien - la consommation a baissé de 14 % de 1990 à 1998 - a fait apparaître les grands comptes (grands magasins, banques, hôtels...) comme plus économes que les bailleurs sociaux. Les arrondissements les plus résidentiels et populaires totalisent une baisse de consommation inférieure à 10 %, alors que ceux à forte activité de bureaux affichent en moyenne plus de 20 % de baisse. A la Générale des eaux, Alain Tiret, directeur général adjoint pour l'Ile-de-France explique : « Le secteur tertiaire a développé une démarche de maîtrise des coûts des services centraux. » Yvon Mogno, directeur des relations contractuelles, précise qu'un« changement de process dans l'industie peut diviser par deux, par trois, voire supprimer une fourniture d'eau si elle se dote d'un prélèvement. »

Agir sur les parties communes

Pour le résidentiel et les logements sociaux, la chute est plus progressive, et la démarche repose sur la volonté des syndics et des bailleurs de rationaliser la gestion. La crise a été l'occasion pour les bailleurs sociaux de réfléchir aux moyens de diminuer les charges. Et d'agir sur la facture d'eau. A la Lyonnaise des eaux, Jean-Luc Trancard, directeur de la clientèle, souligne que les actions d'économie réellement efficaces sont celles menées contre le gaspillage dans les parties communes.

Les expériences menées en Bretagne dès de 1995 ont aussi permis de valider des actions tant dans le domaine résidentiel, que dans les locaux scolaires, les maisons de retraite ou les piscines publiques. La ville de Rennes a ainsi pu vérifier que la pose de réservoirs de WC à faible capacité, les compteurs individuels, les régulateurs de pression et les robinets à moindre débit contribuaient à réduire de 20 % la consommation des ménages. Dans les écoles, les baisses ont varié de 30 % à 80 %.

« On peut considérer comme positive la baisse de consommation, déclare Yvon Mogno. La France était en état d'équipement optimisé avant la baisse, avec probablement 20 % de réserve de capacité. On repousse ainsi les échéances ou on les oublie. » Au Sedif, Michel Mercier, directeur technique, se dit satisfait d'avoir lancé les chantiers d'équipement de production d'eau potable ou d'interconnexion des réseaux dans les années 80. « Nous n'avions pas anticipé la baisse de la consommation d'eau potable. Nous avions uniquement conscience de la difficulté que nous aurions à produire de l'eau. Et si nous ne l'avions pas fait, nous aurions des difficultés d'approvisionnement. »

Un risque de déséquilibre

Mais ces investissements fragilisent la structure financière du service de l'eau. Avec des charges fixes importantes pour l'abonné, les distributeurs peuvent réagir à la baisse de la consommation par une hausse du prix au mètre cube. Un cas de figure délicat puisque l'augmentation de 80 % du prix a produit une baisse de 20 % des consommations ces dix dernières années. L'élasticité du prix de l'eau montre ses limites. Mais, assure Jean-Luc Trancard, les formules de révision des contrats intègrent cette baisse depuis plusieurs années.

La reprise économique a eu pour effet de relancer la consommation. Mais les années à venir devraient voir un retour des comportements d'économie. D'autant que « tout le potentiel de réduction des gaspillages d'eau n'a pas été exploité », souligne Sophie Cambon-Gruau, docteur aux Ponts et Chaussées qui a travaillé sur le cas parisien.

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