Loi mobilités: un acte II à la rentrée

Le 10 juillet, députés et sénateurs ne sont pas parvenus à se mettre d'accord sur le projet de loi d'orientation des mobilités. La commission mixte paritaire a échoué, les principaux griefs tournant autour de la question du financement des infrastructures et des autorités organisatrices de mobilités. Une deuxième lecture est donc prévue à la rentrée.

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ELISABETH BORNE Ministre chargée des Transports

Rendez-vous pour un deuxième acte à la rentrée ! Réunis en commission mixte paritaire (CMP) le 10 juillet, députés et sénateurs ne sont pas accordés sur une version commune du projet de loi d'orientation des mobilités. Une deuxième lecture au Parlement sera donc nécessaire avant d'adopter définitivement le texte.

Comme l'on pouvait s'y attendre, les blocages se sont concentrés sur le volet financier du projet de loi. Du côté des sénateurs et des groupes d'opposition, les critiques se focalisent depuis plusieurs mois sur la quasi-absence de moyens supplémentaires pour permettre d'une part la programmation des infrastructures, d'autre part la prise de compétences par les autorités organisatrices de mobilité (AOM), qui couvriront l'ensemble du territoire d'ici à 2021.

Toujours pas de pistes pour les AOM

C'est surtout ce deuxième aspect qui semble avoir fait basculer l'issue de la CMP. En effet, la majorité LR au Sénat souhaitait réintroduire un article que les députés avaient supprimé. Il consistait à flécher une part de TICPE aux AOM qui ne bénéficient pas d'un potentiel fiscal dynamique.

« Nous avions proposé de flécher une partie de la taxe sur les carburants, qui frappe en grande partie les habitants des territoires ruraux, pour qu’en retour il leur soit permis d’avoir accès à des services de transports pratiques et innovants, et que le recours à la voiture individuelle soit progressivement moins indispensable. C’était un système vertueux pour désenclaver les zones rurales », a réagi Didier Mandelli, sénateur LR de la Vendée et rapporteur du projet de loi au Palais du Luxembourg.

Et Hervé Maurey, sénateur UC de l'Eure et président de la commission développement durable, d'ajouter : « Pour un projet de réforme dont l’ambition première était de lutter contre l’enclavement des territoires ruraux, il n’était pas concevable pour le Sénat de donner aux collectivités territoriales de nouvelles missions sans leur apporter les moyens de les exercer véritablement. Sans de telles ressources, il serait impossible pour les intercommunalités de concrétiser le droit à la mobilité, promis par le Gouvernement et attendu par nos concitoyens. »

Des ressources complémentaires nécessaires pour le volet programmation

Concernant le volet programmation des infrastructures, il convient tout d'abord de rappeler que celle-ci prévoit 13,4Mds€ d'investissements de la part de l'Etat sur le quinquennat d'Emmanuel Macron (2017-2022), via l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (Afitf). Soit 40% de plus que sur le quinquennat précédent, martèle le gouvernement. Jusqu'en 2019, l'augmentation de ce budget passer par des réaffectation au sein du budget de l'Etat. Mais à partir de 2020, il faut trouver 500M€ de recettes nouvelles pour figer la trajectoire.

Quelques billes ont été ajoutées lors des débats parlementaires. Conservée par l'Assemblée nationale, les sénateurs avaient ainsi permis "l’affectation intégrale à l’Afitf du produit de l’augmentation de 2 centimes d’euro par litre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole pour les véhicules légers et de 4 centimes pour les poids lourds". Ce qui permet de sécuriser 1,2Md€ dans le budget de l'agence (contre 1Md de recettes en 2018). Cependant, le produit des amendes radars reversé à l'Afitf étant fluctuant, cette somme ne permet pas à proprement parler de rapporter 200M€ supplémentaires... mais de compenser, en tout cas sur 2019, la baisse de cette dernière recette. Il manque donc toujours 500M€.

Les députés ont également décidé de commencer à faire contribuer le domaine de l'aérien au financement d'infrastructures plus propres et durables. Ils ont ainsi adopté l'affectation du surplus de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, dite "taxe Chirac", au budget de l'Afitf. A la clé, entre 30 et 50M€ par an. Toujours insuffisant donc, les autres propositions ayant été systématiquement rejetées en débat au Palais Bourbon, la ministre des Transports, Elisabeth Borne, et la majorité présidentielle renvoyant à chaque fois la question des nouvelles ressources au projet de loi de finances pour 2020.

Le gouvernement commence à avancer des propositions

Il semblerait que la ministre des Transports espérait tout de même pouvoir présenter des arbitrages lors des débats parlementaires sur le projet de loi mobilités. Cependant, elle ne les a obtenus que récemment, les dévoilant la veille de la CMP, le 9 juillet, à l'issue du Conseil de défense écologique. Deux mesures ont ainsi été avancées, pouvant rapporter 320M€ par an.

D'un côté, Elisabeth Borne a évoqué l'instauration d'une écocontribution sur les billets d'avion au départ de la France (excluant les vols à destination de la Corse et de l'Outre-mer). Comprise entre 1,50 et 18€ par billet, elle doit rapporter 180M€ dès 2020. De l'autre, la ministre souhaite que "le remboursement partiel dont bénéficie le transport routier de marchandises sur le gasoil [soit] réduit de deux centimes par litre, ce qui représente une contribution de 140 M€ en année pleine". Mais même si ces deux mesures sont confirmées en projet de loi de finances, il manque toujours une centaine de millions d'euros.

"Stratégie de blocage"

Pour les sénateurs, et au regard de ces éléments, "la promesse du gouvernement d'un droit à la mobilité pour tous ne serait pas tenue". La majorité LREM-Modeme à l'Assemblée nationale, de son côté, considère que leurs collègues du Sénat ont "choisi une stratégie de blocage", et "une posture sans fondement qui a pour unique effet de retarder la mise en oeuvre des nombreuses mesures attendues". Elle regrette aussi que "l'important travail de concertation" qui aurait permis de "lever l'ensemble des désaccords" n'ait pas porté ses fruits jusqu'au bout.

La ministre des Transports a également regretté cet échec, estimant que les "préoccupations concernant le financement de la compétence mobilité par les intercommunalités et de la programmation des infrastructures" avaient trouvé "des réponses complètes et concrètes", grâce aux dernières annonces. "Le gouvernement et la majorité sont déterminés à aboutir à une adoption rapide du texte", à la rentrée, après une nouvelle lecture au Parlement.

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