L'approche de la fiscalité des revenus et des plus-values liés aux activités de location meublée n'est pas des plus aisées. La matière est traditionnellement présentée selon une grille de lecture dichotomique distinguant la location meublée professionnelle (LMP) et la location meublée non professionnelle (LMNP). Ces deux régimes comportent leurs spécificités propres, dont un aperçu non exhaustif et pratique est ici proposé.
En raison de leur fin programmée, cet article n'évoque pas les exonérations prévues à l' (CGI), applicables aux bailleurs louant en meublé une ou plusieurs pièces de leur habitation principale. Ces deux régimes prendront fin, respectivement, le 15 juillet 2025 et le 31 décembre 2023.
Il n'évoque pas non plus la situation spécifique des loueurs en meublé n'ayant pas leur résidence fiscale en France.
Différents types de location meublée pour une seule catégorie fiscale de revenus
En pratique, le terme générique de « location meublée » recouvre une grande variété de types de location, notamment, la location meublée de longue durée, constituant la résidence principale du locataire, la location saisonnière, de courte durée, la location dite des meublés de tourisme, qui font l'objet d'un classement1 ou encore la location en chambre d'hôtes2.
Toutes ces locations, qui ont pour objet de fournir, en sus des locaux d'habitation, « tous les éléments mobiliers indispensables à une occupation normale par le locataire »3, ont pour point commun de générer des revenus qualifiés par la loi fiscale de bénéfices industriels et commerciaux (BIC) selon l'article 35 I 5°bis du CGI.
Il est à noter que lorsque l'activité de location meublée est exercée au sein d'une société civile immobilière (SCI), société translucide fiscalement, cette société se trouve assujettie de plein droit à l'impôt sur les sociétés conformément à l'.
De manière schématique, les bénéfices imposables tirés de ces locations sont déterminés selon les régimes distincts suivants4 : tableau 1
Un seuil et un ratio pour déterminer si l'activité de location est professionnelle (LMP) ou non professionnelle (LMNP)
Ce BIC est qualifié de non professionnel ou de professionnel en fonction des recettes générées annuellement par cette location, mais aussi en fonction des autres revenus du bailleur. Cette dichotomie est importante puisqu'elle a des conséquences sur le traitement des déficits éventuellement générés par l'activité de location meublée, ainsi que sur le régime applicable aux plus-values dégagées lors de la revente des biens immobiliers ayant été loués.
L'activité de location meublée est dite professionnelle si les deux conditions édictées par l' sont cumulativement réunies. À savoir, les recettes annuelles toutes taxes et charges comprises, selon l'interprétation de l'administration fiscale, générées par l'activité de location meublée, par l'ensemble du foyer fiscal, excèdent 23 000 euros.
La seconde condition exige que ces mêmes recettes soient supérieures aux autres revenus nets après abattement, et déduction des abattements et charges éventuelles d'activité professionnelle7 du foyer fiscal. En pratique, il s'agit des revenus relevant des catégories suivantes : traitements et salaires, BIC autres que ceux de la location meublée en question, bénéfices agricoles (BA), bénéfices non commerciaux (BNC) et rémunération des gérants et associés visée à l'.
Cette définition est tout à fait spécifique puisque la réunion de ces deux seuls critères suffit à qualifier l'activité de professionnelle, dérogeant en la matière à l'exigence de principe d'une « participation personnelle, directe et continue à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité » par le contribuable8.
A contrario, l'activité de location meublée est donc non professionnelle lorsqu'une de ces deux conditions n'est pas remplie.
Bien entendu, ces deux sous-catégories de BIC (BIC professionnel et BIC non professionnel) sont déterminées selon les critères objectifs de seuil et de ratio ci-dessus. Elles ne constituent donc en aucun cas une option pour le contribuable.
Par ailleurs, ces critères distinctifs ne sont bien sûr applicables que pour l'activité exercée par les personnes physiques et les sociétés de personnes fiscalement translucides. Dans ce dernier cas, le montant des recettes et des revenus d'activité professionnelle à prendre en compte pour déterminer la prépondérance de l'activité de location meublée au sein du foyer fiscal, est celui revenant à chaque associé au prorata de ses droits dans les bénéfices sociaux.
Lorsque la location meublée est exercée par une société assujettie à l'impôt sur les sociétés (IS), les revenus et les plus-values de cession des biens ne font pas l'objet du même traitement et sont passibles de l'IS selon les règles de droit commun.
Les revenus de l'activité de location non professionnelles sont, quant à eux, passibles des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine au taux global actuel de 17,2 %.
« LMP » : un régime bénéficiant de certains avantages, sous certaines conditions
Les déficits éventuellement générés par la location professionnelle sont imputables sur les revenus globaux du contribuable sous réserve de la limitation liée aux amortissements prévue par l'. Si un reliquat de déficit subsiste après imputation sur les revenus globaux de l'année, ce reliquat est reporté sur les revenus des six années suivantes9.
Quant à l'éventuelle plus-value dégagée par la revente du bien immobilier jusqu'alors donné en location, celle-ci est imposée selon les règles du régime des « plus-values professionnelles »10.
Cette plus-value peut, sous les conditions propres à ces dispositifs notamment, conditions de seuils de chiffres d'affaires, d'ancienneté de l'activité, de durée de détention des biens, etc., bénéficier des exonérations totales ou partielles applicables aux plus-values professionnelles, notamment :
- le régime dit des « petites recettes » () ;
- le régime d'abattement pour durée de détention (article 151 septies B du CGI, aboutissant à une exonération totale de cette fraction long terme de la plus-value, au terme d'une détention de quinze ans) ;
- le régime d'exonération pour départ à la retraite (article 151 septies A du CGI).
Les régimes de report puis exonération d'imposition en cas de transmission à titre gratuit (articles 41 151 nonies du CGI) et d'apport en société (article 15 octies du CGI).
Cette plus-value professionnelle n'est pas « purgée » par une transmission à titre gratuit. La donation de biens loués en meublé ou de parts d'une société de personnes exploitant l'activité ou bien la transmission par succession de ces mêmes biens ou parts sont donc susceptibles de donner lieu à l'imposition immédiate de la plus-value latente sur ces biens et parts. L'analyse préalable des critères de l' est donc indispensable pour s'assurer de l'exigibilité de cette plus-value ou pour vérifier la possibilité de revendiquer un des dispositifs de report ou d'exonération ci-dessus cités.
Selon ces dispositifs, l'exonération de la plus-value est acquise lorsque « l'activité est poursuivie pendant au moins cinq ans à compter de la date de la transmission à titre gratuit », ce qui signifie que les donataires ou les héritiers doivent eux-mêmes maintenir le caractère professionnel de la location meublée pendant cette période post-transmission.
Cette exigence n'est pas toujours possible puisque leur situation de revenus et d'activité professionnelle peut être différente de celle de leur donateur ou parent défunt.
« LMNP » : un régime patrimonial incitant à un placement de moyen à long terme
De manière logique et à l'inverse du mécanisme propre au régime professionnel, les déficits générés par la location meublée non professionnelle ne peuvent pas être imputés sur les revenus globaux du contribuable.
Ils ne sont imputables que sur les revenus de même catégorie, c'est-à-dire sur les autres revenus de location meublée non professionnelle soit les BIC non professionnels. Si un reliquat de déficit subsiste après imputation sur ces revenus, ce reliquat est reporté sur les BIC non professionnels de location meublée des dix années suivantes.
Tout aussi logiquement, la plus-value dégagée par la revente du bien immobilier ayant fait l'objet d'une location meublée non professionnelle est soumise au régime dit des plus-values immobilières des particuliers, prévu à l'. L'assiette de la plus-value bénéficie d'un abattement pour durée de détention, qui aboutit à une exonération totale d'impôt sur le revenu au terme d'une détention d'au moins vingt-deux ans et à une exonération totale de prélèvements sociaux au terme d'une détention d'au moins trente ans.
Contrairement au régime des plus-values professionnelles, le régime des plus-values des particuliers n'a pas pour effet de revenir sur l'avantage obtenu par la déduction fiscale des amortissements pratiqués pour la détermination des revenus imposables. Le loueur en meublé non professionnel est donc susceptible de bénéficier à la fois de règles de détermination de revenus supposément favorables (les règles des BIC) et de règles de plus-values qui incitent à la détention longue du bien.
Quid de la plus-value en cas de changement de catégorie de revenus, en cours de location
L'administration fiscale traite cette question avec pragmatisme. Elle admet d'abord que le passage d'une location non professionnelle à une location professionnelle ou inversement n'entraîne pas l'exigibilité de la plus-value latente sur le bien11 .
Elle considère ensuite que le régime applicable à la plus-value de cession est celui dont l'activité relève au jour de la cession :
- le régime des plus-values professionnelles sera applicable si, au jour de la cession du bien, la location est professionnelle ;
- le régime des plus-values immobilières des particuliers sera applicable si, au jour de la cession du bien, la location est non professionnelle.
Par ailleurs, lorsque le loueur en meublé professionnel cesse cette activité pour se livrer à une activité de location nue, l'imposition de la plus-value sur le bien selon le régime des plus-values professionnelles devient immédiatement exigible.
À l'inverse, le passage d'une location meublée non professionnelle à une location nue ne doit pas entraîner l'imposition de la plus-value latente, puisque le régime des plus-values immobilières des particuliers ne s'applique qu'en cas de cession à titre onéreux, conformément à l'.
Le régime fiscal de location meublée n'est pas applicable à la location para-hôtelière
Par un renvoi, sujet à contestation, aux critères propres au régime de la TVA sur les loyers, l'administration fiscale considère que la location meublée accompagnée de prestations para-hôtelières au sens de l’article 261 D 4° 12 du CGI ne relève pas du régime de la location meublée évoqué jusqu’ici13.
Aux termes de l'article précité ne sont pas exonérées de TVA les locations meublées comportant « en sus de l'hébergement, au moins trois des quatre prestations suivantes (…) : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle ».
Ainsi, la location para-hôtelière alors analysée en louage de services constitue une activité commerciale dont les revenus sont imposables en tant que BIC dans les conditions de droit commun sans l'application des règles de limitation d'amortissement de l' et au titre de laquelle la plus-value est imposable selon le régime des plus-values professionnelles, sans distinction de seuil de recettes et de prépondérance par rapport aux autres revenus professionnels du contribuable.
1 .
2 .
3 BOI-BIC-CHAMP-40-10 du 5 février 2020, no 1.
4 Selon les seuils déterminés pour 2023.
5 Il revient au contribuable, sous sa responsabilité, de ventiler la valeur des actifs immobiliers entre terrain et constructions seules les constructions pouvant être amorties.
6 « Le montant de l'amortissement de ces biens (…) est admis en déduction du résultat imposable, au titre d'un même exercice, dans la limite du montant du loyer acquis (…) diminué du montant des autres charges afférentes à ces biens ou parts ». Ce dispositif empêche de générer un déficit par le seul biais de l'amortissement des constructions.
7 L'administration fiscale indique qu'il s'agit des revenus nets. Les revenus exonérés n'étant pas pris en compte.
8 .
9 Article 156 I 1° bis du CGI.
10 La fraction « court terme » de la plus-value (intégrant les amortissements pratiqués jusqu'à la revente) est imposée au barème progressif de l'impôt sur le revenu ; la fraction « long terme » de la plus-value est imposée au taux forfaitaire de 30 % (comprenant l'impôt sur le revenu au taux de 12,8 % et les prélèvements sociaux sur les revenus du capital au taux de 17,2 %).
11 En ce sens, BOI-BIC-CHAMP-40-20 du 23 février 2022, no 450 ; avec, pour point de départ de la durée de détention du bien, la date de son acquisition, sans prendre en compte le fait que le bien ait alternativement fait partie du patrimoine privé et du patrimoine professionnel du contribuable.
12 Lire également l'article Vers une révision des critères de taxation à la TVA dans la para-hôtellerie ? de Gaëtan Berger-Picq publié dans le présent dossier.
13 En ce sens, BOI-BIC-CHAMP-40-10 du 5 février 2020, no 20.
Olivier Giacomini, notaire Étude Cheuvreux
