Lille : la rue du Molinel prend un virage verdoyant

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C'est sec, fonctionnel et moche ! La rue du Molinel à Lille (Nord) est symptomatique de l'espace public dont nous avons hérité des “30 Pas-glorieuses” en urbanisme, résume Alfred Peter, le paysagiste-urbaniste en charge de la métamorphose des 742 mètres linéaires - soit 23 000 m² - de cette voie très passante. Connectée à la gare Lille Flandres, celle-ci fait la couture entre le secteur sauvegardé et la partie plus récente de la ville.

« Au début, il s'agissait uniquement pour la Métropole européenne de Lille (MEL) de remodeler la rue pour faire passer la Liane [bus à haut niveau de service, NDLR], raconte Eric Lefebvre, directeur général adjoint adjoint (DGAA) espace public et nature à la mairie. Nous en avons profité pour aller plus loin : nous avons lancé un appel d'offres pour challenger les équipes de maîtrise d'œuvre afin de passer d'une logique de tuyau à celle d'espace public réinventé. » Il estime que ce projet sera le plus abouti du mandat en matière de reconfiguration de rues anciennes.

2 300 m2 déminéralisés. Couloir de bus et piste de vélo bidirectionnelle continus, déminéralisation, plantations d'arbres, noues, infiltration des eaux pluviales, suppression des places de stationnement… « Ce sera sans doute un modèle pour la rue du XXIe siècle. Il rééquilibrera les usages et réduira l'outrecuidante place de la voiture. Nous allons améliorer la circulation des bus, des vélos et des piétons tout en rajoutant une couche climat », met en avant Alfred Peter. La part des véhicules motorisés passera de 56 % à 20 %, dont 12 % pour les bus en site propre, celle des espaces verts grimpera de 0,2 % à 10,5 %.

« La gestion des eaux pluviales, via des noues, et les 150 futurs arbres d'espèces variées, offrant 10 000 m² de canopée, devraient baisser la température de 7 à 8 °C en période de canicule », estime le maître d'œuvre. Eric Lefebvre souligne que réaliser dans l'ancien ce qu'on sait déjà faire dans les ZAC est complexe, à cause notamment de l'enchevêtrement de réseaux accumulés au fil des ans : « Quand on regarde sous le bitume, on se demande comment tout peut fonctionner ! Dans ce contexte, réaliser 100 % d'infiltration des eaux à la parcelle nécessite une grande expertise. » Il s'agit ainsi de créer des noues assez larges et profondes pour stocker et infiltrer l'eau, même en cas de pluies abondantes, le tout sans risques pour les réseaux, y compris électriques, situés à proximités. Ici, 2 300 m² seront déminéralisés pour permettre cette infiltration. Ces réseaux complexifient aussi les plantations. Pour gagner quelques centimètres carrés, une convention a été signée avec Enedis et Dalkia afin de réduire les distances minimums entre plantes et tuyaux.

Contraintes climatiques. Pour les services de la Ville, le choix des essences d'arbres est guidé par leur capacité à répondre aux contraintes climatiques actuelles et futures. « En interne, un “Monsieur arbre” travaille sur ces questions avec des pay-sagistes et des écologues.

L'enchevêtrement des réseaux complexifie l'infiltration des eaux à la parcelle

Nous gérons 67 000 arbres dont 43 000 hors micro-boisement », met en avant Eric Lefebvre. Il souligne aussi l'importance de bien définir le rôle de chacun en matière de gestion de ces rues qui deviennent aussi des espaces verts et des ouvrages de gestion des eaux.

Enfin, le projet a aussi une dimension archéologique. « Nous allons marquer dans le paysage l'endroit où nous avons trouvé les fondations d'une tour et d'un petit pont suite aux fouilles réalisées », souligne Rodolphe Liaigre, responsable des aménagements des espaces publics de la Ville de Lille.

Les premiers travaux, lancés en juin 2022 et achevés début 2023, ont permis d'intervenir sur les réseaux. En septembre a démarré le chantier de la voirie mené par la MEL et la Ville en co-maîtrise d'ouvrage mais avec des marchés séparés réalisés par les entreprises Jean Lefebvre, Eurovia, et VPN. La MEL investit 7,6 M€ TTC - dont 1,2 M€ sur l'assainissement - et Lille 795 000 euros. Cet aménagement, qui s'étalera au moins jusqu'à fin 2024, « montrera que nous avons changé de siècle en matière d'espace public », projette Alfred Peter.

100 M€ pour les espaces publics lillois

Le plan pluriannuel d'investissement (2022-2026) sur l'espace public lillois (hors ZAC) s'élève à 100 M€, dont 64 M€ portés par la métropole. « Pour mener à bien ces projets devenus bien plus complexes face aux enjeux climatiques, nous disposons en interne d'un bureau d'études des espaces publics. Créé en 2018, il regroupe quatre compétences de la Ville qui existaient déjà - plantations, écologie, mobilier urbain et jeux - afin d'acquérir une vision transversale », souligne Eric Lefebvre, DGAA à la Ville. Il ajoute que 90 % de ces programmes sont menés en co-maîtrise d'ouvrage avec la MEL. Plusieurs autres opérations de métamorphose des espaces publics devraient être achevées avant la fin du mandat : la rue Solférino, la rue Pierre-Mauroy, la place du Maréchal-Leclerc…

Se profile ensuite l'avenue du Peuple-Belge « avec pourquoi pas un marché de travaux unique MEL-Ville », projette le DGAA.

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