«C'est une expérience absolument nécessaire et obligatoire pour les clients concernés. Comme les autres pays industrialisés, la France doit monter dans le train du réseau électrique intelligent », expose d’emblée Jean-François Quinchon, directeur territorial d’ERDF pour la Touraine. Avec la ville de Lyon, c’est en effet dans cette région (département d’Indre-et-Loire) qu’ERDF expérimente le compteur communicant Linky en tant qu’organe de mesure délocalisé du « smart grid » à la française. Encadré par la CRE (Commission de régulation de l’énergie), le projet vise à généraliser les techniques de télérelève et de télégestion des installations électriques, avec, à la clé, le passage aux consommations réelles et la disparition de la plupart des interventions humaines à domicile (relève, changement de puissance, mise en service, clôture de contrat…).
Capable d’enregistrer la puissance active et réactive ainsi que les coupures et excursions de tension, Linky a aussi été pensé comme un véritable outil de surveillance du réseau électrique en chaque point de livraison. « L’idée, c’est que le distributeur puisse anticiper les pannes et intervenir avant que le client ne soit pénalisé. C’est d’autant plus important qu’avec les EnR, on passe progressivement d’un simple réseau de soutirage électrique à un véritable réseau d’échange d’énergie », ajoute Eric Laurent, chef de projet Linky.
Résistance au changement
Malgré ses atouts, ce programme au départ consensuel est peu à peu devenu prétexte à critiques, surtout depuis les premiers retours terrain, au printemps dernier. En cause, de supposés dysfonctionnements pointés par les associations de consommateurs et, en dépit des contestations, la volonté affichée par les autorités de « faire vite ». Tout en reconnaissant avoir sous-estimé les aspects pédagogiques et sociologiques du dossier, ne serait-ce que la résistance au changement, ERDF réfute en bloc les critiques d’ordre organisationnel et technique. « Il est faux par exemple de dire que les installations disjonctent plus facilement avec Linky qu’avec les anciens compteurs. La vérité, c’est qu’autrefois, le réglage des disjoncteurs triphasés était souvent plus généreux que les contrats ne le prévoyaient. Le disjoncteur est dorénavant dédié à la protection électrique et ce n’est plus lui qui règle la puissance souscrite mais le compteur, grâce à son organe de coupure », explique Eric Laurent. En pratique, cet organe se déclenche en cas de surintensité avec la même courbe de réponse qu’un disjoncteur traditionnel, mais sans aucune tolérance… Les détracteurs de Linky lui ont également reproché de ne pas être aussi intelligent et communicant que prévu. « Les trois quarts des compteurs sur lesquels nous avons testé la fonctionnalité sont compatibles avec la télérelève, répond Jean-François Quinchon. Pour le quart restant, nous sommes face à des instabilités du système d’information tout à fait normales en phase de mise au point. »
L’interactivité pour l’instant limitée du compteur incombe par ailleurs au maillage insuffisant de la zone à ce stade de l’expérimentation. Chaque compteur jouant également un rôle de répéteur pour les signaux issus des appareils voisins, il faut en effet atteindre une certaine « masse critique » pour que l’ensemble du dispositif fonctionne de façon satisfaisante, surtout en zone rurale.
Visualiser une dizaine d’index
Restent enfin les déceptions relatives aux promesses de maîtrise de la demande d’énergie (MDE). « L’afficheur fournit déjà de nombreuses informations utiles à l’utilisateur, notamment la possibilité de visualiser une dizaine d’index correspondant à différents tarifs et plages horaires. Mais encore faut-il les lire, ce qui n’est pas évident en effet lorsque le compteur est situé à l’extérieur du logement », concède Jean-François Quinchon. S’il le souhaite, un port USB permet toutefois à l’utilisateur de transmettre ces informations où bon lui semble (afficheur déporté, ordinateur...). Pour l’instant, la fonction délestage se résume, quant à elle, à un contact sec, généralement utilisé pour l’eau chaude sanitaire, sauf branchement d’un boîtier supplémentaire, hélas non fourni, sur la sortie « téléinformation » du compteur. « Le délestage ne fait pas partie de l’expérimentation, se défend Eric Laurent. Ceci dit, un bilan technique sera fait à la fin de l’expérience et il est probable que le compteur qui sera déployé par la suite dans toute la France, pour un minimum de vingt ans, ne soit pas tout à fait celui que nous testons actuellement. La MDE pourrait être renforcée mais il est encore trop tôt pour le dire. »
De fait, il reste un peu plus de quatre mois avant la fin du chantier de pose, programmée pour le début du printemps 2011. « Après quelques semaines difficiles, les cinq entreprises retenues suite à l’appel d’offres ont atteint les rythmes d’installation prévus, à savoir 8 compteurs par poseur et par jour, soit 500 à 600 compteurs quotidiennement », indique Jean-François Quinchon.
Pour les aider, ERDF a développé un mode opératoire traitant de façon simple les problèmes d’adaptation mécanique, de recâblage d’asservissements, et même les risques de litiges avec les clients avec l’enregistrement de photos (index, configuration…) dans certains cas précis. La pierre angulaire du dispositif reste toutefois l’assistant personnel (PDA) au moyen duquel les techniciens accèdent par GPRS à la base de données clients pour programmer le compteur Linky sans risque d’erreur. Selon ERDF, le taux d’installations défectueuses serait inférieur à 1 % et le taux de satisfaction de la clientèle supérieur à 90 %.




