Les ports sont-ils prêts pour accueillir les projets éoliens à venir ? Beaucoup d’efforts ont été faits dans les infrastructures à l’image de Brest, qui a construit un nouveau polder de 50 hectares, de Cherbourg qui propose désormais un quai lourd acceptant jusqu’à 50 t/m2 ou de Port-la-Nouvelle, qui s’est équipé d’un nouveau bassin. Et les projets se poursuivent puisque le port occitan envisage la création de nouveaux quais et de terre-pleins supplémentaires tandis que Nantes-Saint-Nazaire vient d’achever la concertation autour de son projet de plateforme d’assemblage d’éoliennes Eole. De futurs chantiers qui pourraient recevoir le soutien de l’Etat à travers l’appel à projets « Infrastructures portuaires métropolitaines pour l’industrie de l’éolien flottant » ouvert jusque fin janvier 2025.
Une question de survie
C’est que l’enjeu est massif : « La transition énergétique remet en cause 70 % des activités des grands ports maritimes », indiquait Jean-Rémy Villageois, président du directoire du grand port maritime Nantes-Saint-Nazaire lors des assises des énergies marines renouvelables (EMR) début décembre à Paris. « L’implication des ports dans le soutien aux EMR est une voie de sortie, c’est une question de survie et de soutenabilité de notre modèle économique », martèle le dirigeant qui rappelle : « A Nantes-Saint-Nazaire, c’est dix ans de travaux, 100 millions d’euros d’investissements et c’est ce qui a permis le déploiement des premiers champs éoliens posés ».
Une part dans la chaîne de valeur
Mais ces moyens conséquents « ne sont durables que s’ils sont rentables car aucun soutien financier étatique ne saurait remplacer la productivité des investissements », estime Jean-Rémy Villageois pour qui les ports doivent sortir de leur modèle économique classique, à savoir la location de leurs infrastructures – quais, plateformes et grues. « Il faudra aller beaucoup plus loin dans l’exploitation de ces sites de façon à ce que les ports puissent prendre une part dans le marché et dans la chaîne de valeur, c’est cela qui va permettre de fiabiliser le développement sur le long terme », insiste le dirigeant.
Un modèle à inventer
« Il y a un modèle économique complet à inventer pour les ports qui ne seront plus une zone de transit de marchandises mais une zone de création de valeur », estime de son côté Frédéric Grizaud, directeur de la business unit énergies marines aux Chantiers de l’Atlantique qui s’inquiète : « Combien de temps faudra-t-il à des institutions aussi grandes pour le mettre en place et offrir un service aux développeurs qui doivent remettre des réponses à des appels d’offres sur l’éolien flottant de façon massive dans les 18 mois qui viennent ? ».
2 GW chaque année
Et les industriels ont besoin de réponses : à quelles conditions le fabricant de flotteurs sélectionné par un lauréat pourra-t-il s’installer sur le port ? Comment réserver des surfaces alors que les appels d’offres n’ont pas encore été attribués ? Comment réactualiser les tarifs proposés lors de la phase de candidature ? « La mécanique de contractualisation de cette chaîne de valeur est compliquée et l’on ne voit pas d’indications de l’Etat », s’inquiète Frédéric Grizaud. Or le temps presse : à partir de 2025, l’Etat prévoit d’attribuer 2 GW d’éolien en mer chaque année.