Jurisprudence

Les maîtres d’ouvrage désormais mieux protégés par la décennale en cas d’installation de pompes à chaleur

La Cour de cassation a rendu un arrêt important le 15 juin. Elle accepte l’application de la garantie décennale à des désordres affectant une pompe à chaleur installée sur existant.

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Pompe à chaleur
Marchés privés

La décision sera « publiée au Bulletin ». Un signe qui ne trompe pas pour les juristes, qui savent que la Cour de cassation marque, ce faisant, l’intérêt jurisprudentiel majeur de son arrêt. De fait, la décision rendue le 15 juin 2017 dissipe un certain flou autour de l’application du régime de garantie décennale aux désordres liés à l’installation de pompes à chaleur.

Eléments d'origine ou installés sur existant

En l’espèce, le propriétaire d’une maison avait confié à une entreprise la fourniture et la pose d’une pompe à chaleur air-eau. Invoquant des dysfonctionnements, il a attaqué (notamment) le liquidateur de ladite entreprise.

Mais les juges d’appel lui ont refusé le bénéfice de la garantie décennale des constructeurs, au motif que « les éléments d’équipement bénéficiant de la garantie décennale sont ceux qui ont été installés au moment de la réalisation de l’ouvrage, ce qui n’est pas le cas de la pompe à chaleur considérée […] ».

Décision censurée par la Cour de cassation, qui se fend d’un considérant de principe : « En statuant ainsi, alors que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination, la cour d’appel a violé [l’article 1792 du Code civil relatif à la responsabilité décennale] ».

Impropriété à destination de l'ouvrage dans son ensemble

Les choses sont donc claires, désormais : la garantie décennale peut jouer pour un tel élément d’équipement dans le cas de travaux sur existant. Ici, « la Cour confirme que l’installation d’une pompe à chaleur dans un ouvrage existant constitue un ouvrage en soi, susceptible de donner prise à la garantie décennale, explique François-Xavier Ajaccio, juriste spécialisé. La jurisprudence concernant les pompes à chaleur était jusqu’à présent hétérogène. »

Une condition toutefois doit - classiquement - être remplie pour que la responsabilité décennale soit déclenchée, rappelle la Cour : il faut que les désordres affectant les éléments d’équipement rendent l’ouvrage impropre à sa destination. Là aussi, l’arrêt apporte une précision intéressante, souligne François-Xavier Ajaccio : « Il admet qu’il y a impropriété à la destination lorsque la défectuosité de l’équipement rend impropre l’ouvrage dans son ensemble et pas seulement l’équipement lui-même. La jurisprudence était inconstante sur ce point également ». Ici, ce sera à la cour d’appel de renvoi d’apprécier l’existence d’une telle impropriété à destination.

Sécurisation des travaux d'amélioration énergétique

Au final, cette décision très courte – quelques lignes seulement – devrait avoir un impact important. Pour François-Xavier Ajaccio, « elle prend tout son sens dans le contexte du Grenelle de l’environnement et de ses suites. Elle vise à protéger les maîtres d’ouvrage pour les travaux d’amélioration énergétique ».

Sur le plan de la technique juridique, ajoute-t-il, la Cour marque aussi ici « sa volonté de s'appuyer davantage sur les termes généraux de l'article 1792 du Code civil (1) que sur ceux des articles 1792-2 et 1792-3 pour favoriser la garantie de l'équipement, indépendamment de la notion de travaux neufs ou sur existant et de son caractère dissociable ou non de l’ouvrage. »

C. cass. 3e civ., 15 juin 2017, n°16-19640

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