Interview

«Les étudiants ne sont pas associés à la redéfinition en cours des études d’architecture», Hugo Franck

Le président du Syndicat de l’architecture signale que des groupes de travail sont organisés depuis février dernier, sous l’égide du ministère de la Culture, pour actualiser le contenu des diplômes délivrés par les écoles. Hugo Franck déplore que les étudiants ne soient pas entendus sur ce point précis, alors même que les élèves des Ensa, désormais rejoints par ceux des écoles du paysage de Versailles et de Blois, réclament une meilleure formation. La semaine prochaine, une délégation des Ensa en crise devrait être entendue par des représentants du ministère.
 

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Hugo Franck, qui préside le Syndicat de l'architecture, souhaite que les étudiants en lutte dans les Ensa soient associés à la redéfinition de leurs diplômes actuellement à l'étude.

Vous suivez avec attention le mouvement de protestation qui agite les Ensa depuis plusieurs semaines…

Cette crise que nous voyons prendre de l’ampleur, me renvoie à celle que j’ai vécue pendant mes propres études. A l’époque, entre 2004 et 2005, nous protestions contre l’application du système LMD (licence/master/doctorat) aux études d’architecture et la création de la HMONP (NDLR. Habilitation à la maîtrise d’œuvre en son nom propre, qui permet de s’inscrire à l’Ordre, d’exercer le métier d'architecte et de porter le titre) en remplacement du Diplôme d’architecte DPLG. Nous ne savions pas alors où nous allions, en termes de contenu de formation et d’acquisition des compétences nécessaires à l’exercice de la profession.

Lacunes

Aujourd’hui, les étudiants sont dans la même situation. En plus du manque de moyens, ils pointent eux-aussi les lacunes du contenu de leur formation par rapport aux enjeux cruciaux que représentent la transition écologique ou les évolutions sociales. Les études d’architecture doivent donc être revalorisées. Et cependant, personne ne songe à associer ces étudiants aux échanges qui sont en cours actuellement entre les différents acteurs de la profession, au sujet de la redéfinition des études d’architecture.

Sur quoi portent exactement les discussions que vous évoquez ?

Depuis le mois de février, le Syndicat de l’Architecture et les autres organisations représentatives de la profession sont invités par le ministère de la Culture à participer à des groupes de travail qui sont chargés d’actualiser pour les cinq prochaines années les fiches du Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP). Ces documents constituent les référentiels des diplômes délivrés dans les écoles d’architecture et déterminent notamment les contenus et les compétences qui doivent être acquises.

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Nous devons donc, d’ici la fin de l’année, redéfinir les contours de la licence et du master. Et définir entièrement ceux de la HMONP puisque depuis plus de 15 ans qu’elle a été instaurée, aucune fiche n’a jamais été rédigée. Il serait donc opportun de convier ces étudiants en lutte à nos travaux, pour qu’ils puissent faire part de leurs attentes.

De votre point de vue, quels changements doivent être apportés au déroulement des études ?

Aujourd’hui le cursus reste un véritable tunnel, contrairement aux objectifs du système LMD. Il faut donner la possibilité, à celles et ceux qui le souhaitent, de s’arrêter après l’obtention du master ou de la licence, et de se professionnaliser au plus tôt. Aujourd’hui, si vous vous arrêtez en Licence 3, vous aurez du mal à trouver un emploi en agence d’architecture.

Compétences

A la fin du master, vous pourrez très difficilement prétendre à un poste de chef de projet. Et si vous n’effectuez pas votre HMONP, vous ne pouvez pas être architecte. Alors même qu’en vous engageant dans un cursus complet (HMONP comprise), vous n’aurez même pas la garantie d’acquérir un vrai surplus de compétences.

Les métiers de l’architecture sont nombreux. L’offre de formation doit donc tenir compte de l’aspiration de certains des étudiants qui, s’ils souhaitent évoluer dans cet univers, ne souhaitent pas forcément architecte stricto sensu.

Quel serait, pour le Syndicat de l’architecture, l’articulation idéale du cursus ?

Pour nous, la licence, d’abord, doit permettre d’une part d’effectuer davantage de stages dès la deuxième année, afin que les étudiants aient une vision plus éclairée de la profession. Ensuite, elle doit offrir la possibilité, à ceux qui le souhaitent, de pouvoir entrer dans la vie active à l’issue de ce premier cycle et donc permettre d’acquérir plus de savoirs immédiatement professionnalisants. Il faudrait par exemple généraliser le fait de pouvoir effectuer sa L3 en alternance pour s’orienter vers des professions supports de l'architecture. Des ponts devraient être également possibles vers d’autres domaines, pour celles et ceux qui souhaiteraient se réorienter.

Enjeux

Concernant le master, il doit de même délivrer des compétences élargies, permettant de s’engager vers les métiers de l’architecture au sens large. Ce deuxième cycle doit notamment apporter des connaissances sur le développement de projet.

Enfin, une majorité s’accorde à dire que la HMONP ne fonctionne pas et qu'elle devrait s’effectuer non plus en un mais en deux ans et représenter un vrai plus par rapport au master. Dès lors, s'agit-il de conserver le système actuel, renforcé en deux ans, ou de mettre en place un diplôme de troisième cycle qui comporterait, en plus de la mise en situation professionnelle, un complément de cours et de travaux dirigés au sein des écoles ?

Cette question est pour nous centrale au regard des enjeux à relever par les architectes. Ceux-ci doivent être suffisamment armés. Ils se doivent de peser dans un écosystème de plus en plus soumis aux intérêts du privé. Ainsi, ils pourront assurer pleinement les missions qui sont les leurs et qu’on tend aujourd’hui à leur retirer.

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