Sur les hauteurs de la colline de Fourvière, la maison de Pauline Jaricot présente au moins un double intérêt : outre sa situation privilégiée découvrant l'une des plus belles vues privées sur Lyon, elle fut habitée par celle qui devint une personnalité du monde catholique à Lyon. Mais surtout, la maison - dite de la Bréda - et rebaptisée Lorette par Pauline Jaricot, reste un élément important du patrimoine historique et architectural de la ville. « Cette demeure, réalisée probablement avant 1515, est un exemple unique pour la ville de Lyon », note ainsi Nathalie Mathian, maître de conférence en histoire de l'architecture. Ce témoignage du passé a traversé les siècles avec plusieurs propriétaires privés et des ajouts de bâtiments. Malgré tout, la maison présente une silhouette pratiquement inchangée. Issue d'une famille de riches soyeux lyonnais, Pauline Jaricot (1799-1862), marquée par la révolte des canuts et animée par une philanthropie ouvrière, a acquis, en 1832, la Bréda et les terrains environnants pour en faire le centre de son oeuvre religieuse et missionnaire de la Propagation de la Foi/Le Rosaire vivant. Depuis 1975, la Maison de Lorette est propriété des OEuvres pontificales missionnaires (OPM).
Conserver un lieu de mémoire
La réhabilitation actuelle vise à conserver un lieu de mémoire pour redécouvrir l'oeuvre sociale de Pauline Jaricot. Ce futur « centre d'interprétation » destiné au grand public sera équipé de technologies interactives et fait l'objet actuellement d'une étude muséographique. La maison sera aussi un lieu de prière à vocation diocésaine et à rayonnement national et international.
« L'objectif est de retrouver la maison dans son état du XIXe siècle, mais lorsque l'on a commencé les travaux en janvier 2003, on est allé de surprise en surprise », remarque Anne-Sophie Robin, architecte des Bâtiments de France (ABF). Ainsi, lors du piquage des enduits ciments des façades, plusieurs traces d'anciennes d'ouvertures ont été découvertes. C'était notamment le cas pour les fenêtres à meneaux, deux petites ouvertures sculptées, dont une gothique, et neuf tirs en croix situées sur les façades Nord et Est, et sur les pans obliques de la tour octogonale, toutes du XVIe siècle.
La découverte d'ouvertures historiques, masquées dans le projet initial du permis de construire de mai 2002, a conduit à arrêter les travaux en façades pour permettre des relevés effectués par le service archéologique municipal. Puis les représentants de l'ABF et de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), en novembre 2003, ont proposé au maître d'ouvrage de modifier le projet pour mettre en valeur les nouveaux éléments. Une décision entérinée en février 2004 par l'inscription de Lorette à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques. La poursuite des travaux a permis de rouvrir les baies anciennes et restituer les traverses et meneaux supprimés à partir de la trace et du modèle précis subsistant. Une deuxième étape verra l'installation de châssis à vitraux en verres clairs soufflés mis en plomb. Ce procédé sera aussi adopté sur des menuiseries de type XIXe siècle des fenêtres des extensions.
Volumes reconstitués
Bâtiment étroit de 700 m2 sur quatre niveaux, Lorette a été maintes fois modifiée. « Aujourd'hui, toutes les reprises de structures ont été effectuées concernant les différences de niveaux, les volumes reconstitués et la répartition des fonctions », précise Anne-Sophie Robin. Au centre de la maison, le deuxième étage sera ouvert au public avec une salle d'exposition sur la vie et l'oeuvre de l'illustre propriétaire, et une autre réservée à la chambre originelle réaménagée de Pauline Jaricot. Les autres étages seront affectés à l'accueil et à l'hébergement des résidents. La réhabilitation extérieure s'achève pour les façades avec un enduit clair et sera suivie par la reprise des murs de soutènement, un chantier important dans le contexte de dénivelé de la colline et en bordure de la montée du Rosaire permettant l'accès à Fourvière. Les jardins, terrasses et diverses installations (préaux, escaliers) vont être mis en état. Dans le prolongement des terrasses, des caves creusées dans la roche seront aménagées en lieu de culte avec des baies en orangerie.
La rénovation intérieure nécessite une intervention complète (gros oeuvre, électricité, plomberie, chauffage) avec la création d'un ascenseur (installé) et des travaux de restauration destinés à retrouver les plafonds, planchers et murs dans leur état d'origine. « Les plafonds à la française sont globalement corrects », précise Anne-Sophie Robin. Une remarque qui vaut également pour les murs dont l'enlèvement de sanitaires et de placards a permis de retrouver des décors du XVIIIe siècle en panneaux répétitifs.
MAITRISE D'OUVRAGE : OEuvres pontificales missionnaires.
ASSISTANCE MAITRISE D'OUVRAGE : Apave (bureau de contrôle) ; service d'archéologie municipal, Nathalie Mathian, maître de conférence en histoire de l'architecture.
MAITRISE D'OEUVRE : Didier Repellin, architecte en chef des monuments historiques ; Joël Jermer, économiste ; Sletec.
PRINCIPALES ENTREPRISES : Comte (maçonnerie-pierre de taille, échafaudages) ; Bourgois (charpente-couverture) ; Marc Blanc (menuiserie) ; Vial (plomberie-chauffage) ; Eleg (électricité) ; Koné (ascenseur).
BUDGET : 2,65 millions d'euros, dont 1,8 million par opm, 520 000 euros de subventions (Drac, Anah, ville de Lyon), Le solde par appel de dons.
SUPERFICIE : 700 M2.
LIVRAISON : printemps 2005.
PHOTOS :
Les anciens bureaux du diocèse de Lyon deviennent le centre d'accueil d'une communauté religieuse
Les travaux de restauration intérieure ont pour objet de retrouver l'architecture dans son état d'origine, avec les fenêtres à meneaux et les tirs en croix.
1. Un des neuf tirs en croix et des fenêtres à meneaux restaurés. Ces ouvertures du XVIe siècle obturées ont été découvertes sous l'enduit. Leur remise en valeur a été effectuée à la suite d'une modification du permis de construire.
2. Plusieurs peintures ont été retrouvées sous les aménagements modernes. Les décors aux motifs répétitifs seront restaurés d'ici à la fin 2004.
3.L'escalier à grande vis de la tour extérieure, auparavant obstrué par des dalles, a été restitué dans son ensemble sur les quatre étages.
4. Restauration des corniches sur la surélévation XVIIIe siècle de la maison, un rajout qui, selon les experts, ne perturbe guère la lecture de la façade principale.
5. La maison de Pauline Jaricot offre l'un des plus beaux panoramas sur Lyon avec vue sur la basilique de Fourvière, la cathédrale Saint-Jean, la presqu'île, la colline de la Croix-Rousse. En bas à gauche, le toit de la chapelle Sainte-Philomène, voulue par Pauline Jaricot pour sa guérison miraculeuse et construite par l'architecte Chenavard en 1839.
6. Sur la colline de Fourvière traversée par des sources, le bâtiment a subi des mouvements qui ont entraîné un abaissement du niveau et des déformations des murs. L'ensemble a été conforté par une coque en béton armé dans la cave voûtée. Celle-ci, restaurée, servira de hall d'accueil du public avec une entrée (visible devant les échafaudages) sur la Montée Saint-Barthélemy.