« Les barrages sont des infrastructures multi-usages, indispensables pour relever les défis de la transition énergétique et du changement climatique ». Le message est asséné par les ingénieurs de la Commission internationale des grands barrages (CIGB) réunis en congrès à Marseille, du 27 mai au 3 juin 2022. D’ailleurs, ils préfèrent désormais parler du réservoir d’eau que crée le barrage que de l’ouvrage en lui-même, trop critiqué. « Les barrages ont servi les sociétés depuis l’Antiquité, mais nous n’avons pas tout réussi, assume humblement le président du Comité français des barrages et réservoirs, Michel Lino. Nous avons beaucoup appris ces trente dernières années et maîtrisons mieux désormais les impacts de nos constructions, tant sur le plan social qu’environnemental ».
Le développement socio-économique mondial repose sur un accès à une eau de qualité, en quantité suffisante, que ce soit pour l’irrigation ou la consommation, ainsi que sur un approvisionnement adéquat en énergie. Des ressources que des barrages « correctement planifiés, conçus, construits et entretenus » contribuent « significativement » à produire et à préserver. A Marseille, les experts du monde entier partagent leurs expériences dans ce sens. Il y est évidemment question de sécurité : la robustesse de ces édifices qui atteignent parfois 300 mètres de hauteur fait l’objet de toutes les attentions. De nombreuses recherches scientifiques se focalisent notamment sur les matériaux les plus à même de limiter leur érosion interne.

Les organisateurs du congrès de la Commission internationale des grands barrages défendent le rôle parfois controversé des ouvrages. © C.G.
Le complément durable au solaire et à l’éolien
Mais la valorisation des usages plus récents est également débattue. « Les barrages épaulent parfaitement la montée en puissance de l’énergie solaire et éolienne, explique le président du comité technique Nouveaux challenges de la CIGB, Luc Deroo. Tout en produisant eux-mêmes une énergie hydraulique renouvelable, ils s’adaptent à l’intermittence des autres ENR ». Leur flexibilité d’usage leur permet de démarrer rapidement pour produire une importante quantité d’énergie et au contraire, de retenir leur production quand les autres sources d’approvisionnement fonctionnent. Et la multiplication de panneaux solaires flottants sur les réservoirs renforce encore leur rôle dans le développement des énergies renouvelables. « L’association entre l’électricité solaire et hydraulique est naturelle : l’électricité solaire est abondante, peu chère, renouvelable, mais intermittente ; l’électricité hydraulique est renouvelable, stockable, mais limitée. La combinaison des deux peut fournir une électricité abondante, à un coût raisonnable, et stockable », résume Luc Deroo.
Des expérimentations d’hybridation entre ces deux électricités sont menées, par exemple en France, sur la Durance, avec le projet SoFlex’Hy porté par EDF qui cherche des solutions pour résoudre les congestions sur le réseau et équilibrer le système électrique, ou au Portugal, où le plus grand parc solaire flottant d’Europe s’apprête à entrer en service, sur le réservoir d’Alqueva. En Inde, c’est le premier projet intégré de stockage d’énergie renouvelable combinant la production d’énergie électrique à partir du photovoltaïque, de l’éolien et du stockage-pompe qui est en construction, sur le barrage de Pinnapuram.

Le barrage de Bimont (Bouches-du-Rhône) en rénovation, en 2019. © C.G.
Ne plus entraver les cours d’eau
Les recherches se poursuivent aussi pour préserver la biodiversité des cours d’eau entravés par des barrages. « La continuité écologique qui permet le transit sédimentaire et des poissons est un axe de travail important », assure encore le président du comité technique qui fait état d’opérations de restauration écologique engagées sur le Rhône ou le Rhin. Pour pallier ces écueils, les nouveaux réservoirs sont d’ailleurs conçus en dehors des rivières, remplis par prélèvement lorsque les débits sont forts, en hiver, pour disposer de la ressource en été ou lors d’épisodes de sécheresse. En France, les projets les plus importants de ce type sont prévus à La Bassée, pour l’atténuation des crues sur la Seine ou sur le Canal Seine-Nord Europe, pour la navigation à grand gabarit.
Enfin, le rôle des barrages dans la gestion des crues n’est plus à démontrer. Les inondations qui ont meurtri le nord de l’Europe durant l’été 2021 conduisent à des réflexions en Belgique, au Luxembourg ou en Allemagne sur l’intérêt de se doter de nouveaux équipements.