Le sous-traitant de second rang peut demander la résiliation de son contrat aux torts exclusifs du sous-traitant de premier rang dès lors que ce dernier a fait appel, à son insu, à une société tierce

Vente et contrats spéciaux -

Cass. 3e Civ. , 19 octobre 2023, n° 22-16.569

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Faits

Une entreprise principale en charge de la construction d'un nouveau bâtiment pour le ministère de la Défense a sous-traité la fourniture et la pose d'armatures pour béton armé à un sous-traitant (ci-après le « sous-traitant n° 1 »).

Ce dernier, sous-traitant de premier rang, a lui-même sous-traité la pose des armatures à un sous-traitant de second rang (ci-après le « sous-traitant n° 2 ») et a en parallèle également confié des travaux de pose de ces armatures à une société tierce.

Se prévalant notamment d'un défaut de paiement et de l'intervention d'une société tierce pour exécuter son marché, le sous-traitant n° 2 a suspendu l'exécution de son contrat et assigné la sous-traitant n° 1 en résiliation du contrat de sous-traitance aux torts de celui-ci, en paiement du solde du prix des travaux exécutés et en indemnisation de ses préjudices.

Les premiers juges puis les juges d'appel ont fait droit à ces demandes en relevant qu'il n'était pas possible pour un donneur d'ordre de confier à une société tierce, la réalisation des mêmes prestations que celles déjà confiées à un cocontractant s'il n'est pas démontré que ce dernier a manqué à ses obligations notamment en refusant de réaliser certains travaux ou en déployant des effectifs insuffisants.

Un pourvoi en cassation est formé par le sous-traitant n° 1.

Question

Un intervenant à un chantier, qui a sous-traité une partie de ses missions à un sous-traitant, peut-il concomitamment et sans en informer ce dernier, conclure un marché de travaux avec un tiers ayant pour objet la réalisation des mêmes travaux que ceux sous-traités ?

Décision

La Cour de cassation répond par la négative en rappelant d'abord que « la conclusion d'un marché de travaux interdit au donneur d'ordre de s'immiscer, lui-même ou en faisant intervenir un tiers, dans les missions dévolues au cocontractant, sans l'accord de celui-ci ».

Faisant application de ce principe au cas d'espèce, la haute juridiction relève d'une part que les travaux confiés à l'entreprise tierce avaient un objet identique à ceux confiés au sous-traitant n° 2, de sorte que l'intervention simultanée de deux entreprises pour les mêmes travaux conduisait à « une désorganisation du chantier et à des conflits rendant impossible l'exécution de son marché » par le sous-traitant n° 2.

La Cour de cassation relève d'autre part que le sous-traitant n° 2 n'avait ni refusé de réaliser une partie des travaux convenus ni déployé des effectifs insuffisants.

Dans ces conditions, la décision du sous-traitant n° 1 de confier une partie des travaux objets du marché conclu avec le sous-traitant n° 2 à une entreprise tierce, constitue un manquement grave « à ses obligations contractuelles, ce qui justifiait de prononcer à ses torts exclusifs la résiliation du contrat. ».

Commentaire

La sous-traitance en chaîne est fréquente dans les opérations d'une certaine ampleur ; la question de la responsabilité entre sous-traitants de rangs différents n'est donc pas nouvelle. À cet égard, il est de jurisprudence constante que le sous-traitant peut, sur le fondement de l', engager une action en réparation contre son propre sous-traitant à raison des fautes commises par celui-ci dans l'exécution de ses travaux. L'arrêt commenté rappelle que le corollaire à cette responsabilité contractuelle qui pèse sur le sous-traitant de second rang, est que son donneur d'ordre ne doit pas s'immiscer dans l'exécution des missions qu'il lui a confiées. Dans le cas contraire, le sous-traitant de second rang, empêché d'exécuter les travaux conformément à la prestation commandée, est fondé à demander la résiliation de son marché ainsi qu'une indemnisation des préjudices causés par le sous-traitant de premier rang.

Par cet arrêt, la Cour de cassation reproduit donc le régime applicable à la relation maître d'ouvrage - entrepreneur principal dans laquelle le second peut, parmi d'autres sanctions contractuelles, demander la résiliation du contrat aux torts exclusifs du premier en cas d'immixtion fautive de celui-ci.

Cette solution nous semble logique dans la mesure où pèse sur le sous-traitant (au même titre que l'entrepreneur principal), vis-à-vis de son donneur d'ordre, une obligation de résultat lui imposant de livrer des travaux exempts de vices et dont il ne peut s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère.

8 Cass. 3e Civ., 18 janvier 2024, 22-22.781, inédit.

9 Cass. 3e Civ., 17 décembre 2014, 13-17.485, inédit.

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