Le régime des meublés touristiques au sein des immeubles en copropriété

Les locations saisonnières de courte durée pratiquées par des particuliers ont pris leur essor au début des années 2010. Après avoir subi un coup d'arrêt brutal avec la crise sanitaire et la raréfaction des touristes, la location de meublés touristiques semble reprendre des couleurs, avec une accélération attendue à l'approche des Jeux olympiques et paralympiques organisés en France en 2024. Comment les copropriétaires peuvent-ils agir pour lutter contre ces occupations parfois très dérangeantes ?

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La location saisonnière de courte durée n'est pas en soi nouvelle. Elle est définie dès 1970 dans la loi dite Hoguet comme « la location d'un immeuble conclue pour une durée maximale et non renouvelable de quatre-vingt-dix jours consécutifs. »

Le Code du tourisme s'y intéresse pour sa part dès sa promulgation en 2006 en intégrant la notion de meublés de tourisme qu'il définit comme « des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage, qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois. »

Avant la crise sanitaire de 2020, on comptait 88 000 annonces de locations touristiques de courte durée émanant de particuliers pour la seule Ville de Paris, alors qu'elles étaient « seulement » 20 000 en 2011, selon le rapport de l'Institut Paris Région publié le 27 mai 2021 et commandé par la région Île-de-France. Le site Airbnb totalisait à lui seul 80 % des annonces.

Le phénomène, qui a d'abord concerné les grandes villes, a progressivement mué pour atteindre désormais toutes les régions touristiques et notamment l'arc méditerranéen et la côte Atlantique.

Un impact fort sur la tranquillité des copropriétés

À douze mois des Jeux olympiques et paralympiques, les offres se multiplient, et les tarifs augmentent parfois de manière sensible. Une telle inflation des offres influe mécaniquement sur les loyers pratiqués dans le secteur locatif classique : plus l'offre de meublés touristiques est importante, moins il y a de logements disponibles sur le marché locatif classique. Alors que la législation s'est développée ces dernières années pour permettre aux communes de réglementer - afin d'en restreindre la pratique - le droit de la copropriété résultant de la loi du 10 juillet 1965 est pour sa part muet sur le sujet, malgré une tentative échouée de réforme à l'occasion des discussions ayant conduit à la parution de la du 24 mars 2014.

Les copropriétaires se trouvent dès lors souvent démunis face à des occupants parfois peu scrupuleux et peu soucieux de la tranquillité de leurs voisins de palier.

Les décisions de justice viennent quelquefois combler cette lacune, mais le remède est tardif puisque, bien souvent, lorsque la sanction tombe, les copropriétaires subissent depuis plusieurs années les troubles de voisinage générés par l'occupation touristique.

Autorisation par défaut de la location meublée en copropriété

À la différence des outils juridiques mis à la disposition des communes, le droit privé apparaît comme le parent pauvre.

Les règles tenant aux restrictions d'affectation des lots ou à la définition de la destination de l'immeuble telles qu'elles résultent du règlement de copropriété sont beaucoup plus générales et ne permettent pas toujours de s'opposer à l'implantation d'un meublé touristique. Une résidence principale peut aisément être transformée en meublé touristique dans la limite de cent vingt jours par an.

Les obligations en matière de location meublée de courte durée, liées au régime de la copropriété, résultent tout d'abord de la lecture combinée de deux articles de la loi du 10 juillet 1965.

L'article 8 de la loi prévoit que le règlement de copropriété détermine l'usage des parties privatives ainsi que les conditions de leur jouissance. Il ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui se trouveraient justifiées par la destination de l'immeuble telle qu'elle est définie aux actes.

L'article 9 de son côté ajoute que chaque copropriétaire use et jouit librement de son appartement à la condition de ne porter atteinte ni à la destination de l'immeuble ni aux droits des autres copropriétaires.

Ainsi, en l'absence de dispositions spécifiques dans un règlement de copropriété, la location meublée de courte durée est a priori autorisée au sein de l'immeuble.

Clause d'habitation bourgeoise au secours des copropriétaires

Toutefois, comme le prévoit la loi de 1965, la destination de l'immeuble, c'est-à-dire son usage, mais également son standing, sa situation ou encore ses qualités architecturales et ses éléments de confort, peut justifier de restreindre les droits des copropriétaires, selon que le règlement de copropriété contient ou non une clause d'habitation bourgeoise stricte.

La clause d'habitation bourgeoise stricte prohibe l'exercice de toute profession ou activité commerciale au sein de l'immeuble. En d'autres termes, l'immeuble est alors exclusivement réservé à un usage d'habitation.

En présence d'une telle clause, pour savoir si l'activité de location saisonnière est autorisée ou non dans l'immeuble, il convient de différencier le cas d'une location saisonnière pratiquée de manière habituelle, qui deviendrait alors la destination principale du bien, des locations occasionnelles et temporaires, qui constituent une activité accessoire.

Alors que la première est interdite, la seconde en revanche devrait pouvoir être autorisée dès lors que son caractère occasionnel ne peut être assimilé à une activité commerciale.

Les tribunaux considèrent en effet que la location saisonnière de courte durée pratiquée de manière habituelle constitue une activité commerciale. Cette appréciation se justifie au regard de la définition légale de la résidence principale, autrement dit le lieu où l'on établit son domicile.

La loi du 6 juillet 1989 - relative aux baux d'habitation - définit la résidence principale « comme le logement occupé au moins huit mois par an sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure ».

Ainsi il est permis de louer sa résidence principale dans une limite de cent vingt jours par an sans que cette pratique puisse être considérée comme une activité commerciale.

En définitive, des locations occasionnelles et temporaires de résidences principales, constitutives d'une activité civile, ne portent en principe pas atteinte à la clause d'habitation exclusivement bourgeoise d'un immeuble.

En présence d'un règlement de copropriété qui autorise l'exercice d'une profession libérale et l'activité commerciale, la location saisonnière peut être librement pratiquée, sans limitation du nombre de nuitées, à la condition toutefois qu'elle ne nuise pas à la tranquillité et à la bonne tenue de l'immeuble.

Les limites jurisprudentielles à la location meublée de tourisme

Les juridictions posent toutefois quelques limites à la faculté de louer sa résidence principale en meublé de tourisme.

Il a notamment été jugé le 14 juin 2019 par la chambre de la copropriété du tribunal de grande instance de Paris que, même si l'activité de location touristique de courte durée est considérée comme une activité commerciale et que le règlement de copropriété autorise la possibilité d'usage commercial dans un immeuble, ladite location n'en est pas moins contraire à la destination de celui-ci dès lors qu'elle cause des troubles de jouissance.

Plus récemment, le 12 mai 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, prenant en considération l'existence de nuisances répétées, a ordonné sous astreinte la cessation de l'activité de « location saisonnière, exploitation para-hôtelière, prestations d'hébergement fournies dans des conditions proches de l'hôtellerie ».

La dichotomie entre le caractère commercial ou civil de l'activité se trouve confirmée par les décisions récentes, qui ont tendance à considérer que l'activité de location saisonnière occasionnelle et temporaire est de nature civile sauf si elle s'accompagne de services annexes comme le ménage, la fourniture de literies, ou encore le transfert vers les aéroports, qui apparentent cette exploitation à une activité commerciale.

En conclusion, il existe deux types de location saisonnière meublée : celle continue, qui constitue une activité commerciale, et celle occasionnelle et temporaire dans la limite de cent vingt jours par an, qui constitue une activité civile.

Dans le cas d'un immeuble à destination exclusivement bourgeoise, la location saisonnière continue est proscrite alors que la location saisonnière occasionnelle et temporaire sans fourniture de services est admise. Dans un immeuble à destination mixte, habitation et commerce, les deux types de location saisonnière sont possibles sous réserve de ne pas générer de nuisances.

Les décisions de justice en la matière, abondantes ces dernières années, ont ainsi pu juger que constituait une activité commerciale contraire à la destination exclusivement bourgeoise de l'immeuble la location par une société de studios et d'appartements à la journée ou à la semaine ().

Le 8 mars 2018 la troisième chambre civile de la Cour de cassation (no 14-15.864) a considéré qu'un immeuble « principalement à usage d'habitation, avec possibilité d'usage mixte professionnel et habitation et à l'exclusion de toute activité commerciale » interdit « les locations pour de très brèves périodes, ou même des longs séjours, dans des studios meublés avec prestations de services ».

La cour d'appel de Paris, le 11 septembre 2013 estimait que constituait une activité commerciale incompatible avec la clause d'occupation bourgeoise stipulée au règlement de copropriété la location de studios meublés de manière habituelle, pour de courtes durées.

La même juridiction ajoutait, dans une décision du 15 juin 2016, qu'une location en meublé n'était pas, en elle-même, contraire à la destination bourgeoise d'un immeuble, à moins qu'elle ne s'exerce pour des locations de courte durée avec fourniture de services annexes qui apparentent cette exploitation à une activité commerciale et non plus civile, étant observé que si l'activité de loueur en meublé est juridiquement civile, elle est fiscalement commerciale.

L'impossible modification du règlement de copropriété interdisant la location meublée

Tout d'abord, il convient de rappeler que la modification du règlement de copropriété ne peut résulter que d'une décision prise par l'assemblée générale des copropriétaires.

Le juge n'a le pouvoir de modifier le règlement que dans des cas bien spécifiques tenant notamment à l'existence de clauses illicites. Il s'agit d'hypothèses étrangères au meublé de tourisme.

Les modifications du règlement de copropriété qui concernent la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes relèvent de la majorité qualifiée des copropriétaires en nombre représentant au moins les deux tiers des voix. Une seconde possibilité de vote, en deuxième lecture à la majorité absolue des voix de tous les copropriétaires est envisageable.

Cependant, insérer dans le règlement de copropriété une clause pour interdire la location des appartements en meublés touristiques ne concerne pas la jouissance des parties communes ou l'administration de l'immeuble au sens de la loi de 1965.

Il s'agit bel et bien de limiter les droits des copropriétaires sur leurs lots.

Aussi, les locations saisonnières de courte durée, en ce qu'elles portent sur des lots privatifs, ne sauraient être restreintes par le biais d'une modification du règlement de copropriété adoptée à la majorité qualifiée susvisée.

Il n'est en effet pas question ici de modifier le règlement de copropriété à propos de l'usage des parties communes mais bien de restreindre les facultés des copropriétaires quant à l'usage autorisé de leurs parties privatives.

Il faut ici rappeler, d'une part, que les restrictions apportées par le règlement de copropriété doivent être justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation, et, d'autre part, que l'assemblée générale ne peut en aucun cas imposer à un copropriétaire une modification de la destination de ses parties privatives ou des modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété.

Par conséquent, si une clause nouvelle affecte les droits des copropriétaires sur leurs parties privatives, touche à leurs droits de propriété, modifie le contrat de départ ou encore porte atteinte à des droits acquis, elle relève d'un vote à l'unanimité de tous les copropriétaires.

À cet égard, le projet de avait envisagé, en 2014, d'insérer, dans le Code de la construction et de l'habitation, une disposition autorisant l'assemblée générale d'un immeuble relevant du statut de la copropriété à décider de soumettre à son accord préalable « toute demande d'autorisation de changement d'usage d'un local destiné à l'habitation faisant partie de la copropriété par un copropriétaire aux fins de le louer pour des courtes durées à une clientèle de passage ».

En d'autres termes, les copropriétaires auraient ainsi pu modifier, à la majorité absolue des voix de tous les copropriétaires, le règlement de copropriété s'agissant des modalités de jouissance des parties privatives.

Cette modification aurait alors eu pour unique objet d'insérer dans le règlement de copropriété l'obligation de former une demande préalable avant de recourir à la location saisonnière de courte durée.

Cette autorisation aurait elle-même été soumise aux conditions de majorité simple, c'est-à-dire à la majorité des voix exprimées des copropriétaires participant à l'assemblée générale.

Dans une décision rendue le 20 mars 2014, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition du projet de loi en retenant qu'elle portait une atteinte disproportionnée au droit de propriété, droit naturel et imprescriptible en vertu de l'article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Il est donc constant, en l'état des dispositions législatives, que l'insertion d'une clause dans le règlement de copropriété destinée à restreindre la possibilité de louer un local à usage d'habitation à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, pour de courtes durées, implique un vote unanime de tous les copropriétaires. De fait, le meublé touristique a encore de beaux jours devant lui dans les immeubles à destination mixte, d'habitation et de commerce. Seuls les outils récents mis à la disposition des communes permettent à ce jour d'encadrer l'activité.

Jérôme Chamard, avocat à la Cour

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