Des investissements pour un total de 200 millions d’euros vont se concentrer sur le port de Strasbourg (Bas-Rhin) pendant 10 ans, déclenchés par le « Projet stratégique 2024-2028 »que la structure au statut d’établissement public a adopté au début de l’été et dévoilé il y a quelques jours. L’objectif d’une multimodalité accrue structure ce schéma de développement. Deuxième port fluvial de France (avec un peu plus de 6 millions de tonnes transportées en 2023, l’équivalent du port maritime de Bordeaux), Strasbourg entend marcher de plus en plus sur deux jambes, en faisant du ferroviaire un pilier d’avenir, reposant sur un important réseau interne de 100 kilomètres de voies. « Nous ambitionnons de doubler ce trafic en dix ans pour le porter à 2 millions de tonnes, or nous manquons des infrastructures pouvant absorber cette croissance », expose Claire Merlin, directrice générale.
La réponse vient de la construction d’un « hub multimodal » au sud du port strasbourgeois qui accueillera un second terminal ferroviaire, faisant le pendant du nord. Ce projet concentre 70 millions d’euros d’investissements. Ses études s’achèvent de sorte à pouvoir lancer les travaux pour « la mise en exploitation d’une première phase en 2026 ou 2027 », selon Claire Merlin, avant d’atteindre la pleine capacité quelques années plus tard.

Le doublement visé du trafic ferroviaire va occasionner la construction d’un second terminal dédié, pour un montant de 70 millions d’euros. © Port de Strasbourg
Potentiel de développement au nord
Au total, les développements d’infrastructure concentrent les deux tiers de l’enveloppe d’investissements, soit 131 millions d’euros. Leur autre objet principal consiste à aménager la plate-forme portuaire et le terminal du site de Lauterbourg, une « annexe » à l’extrémité du nord de l’Alsace qui gagne en fait une importance croissante, de par la disponibilité de terrains pour l’activité industrielle, plus à l’écart de l’urbanisation que le siège strasbourgeois de plus en plus entouré par l’essor du nouveau quartier Deux-Rives. C’est par exemple à Lauterbourg, ainsi, que la société Viridian Lithium compte investir 250 millions d’euros pour une usine à 250 emplois de raffinage de cette ressource stratégique de l’électrification des véhicules – elle a signé la promesse d’achat de 14 hectares en juillet avec le port de Strasbourg.
En ajoutant la modernisation d’infrastructures existantes, la partie « développement » du projet stratégique aboutit à un total de 142 millions d’euros, qui vise un financement à hauteur de 80 millions d’euros par les subventions publiques : Contrat de plan Etat-région et Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) de l’Union européenne, eu égard à la localisation de Strasbourg au bord de la principale « autoroute fluviale » européenne, le Rhin (environ 200 millions de tonnes transportées par an). « Notre mode opératoire peut aussi passer de plus en plus par les leviers, d’une part des appels à projets – 15 sont lancés pour des implantations logistiques – et, d’autre part, de la prise de participation minoritaire, comme celle dans la société d’exploitation du récent terminal de Lauterbourg », complète Claire Merlin.
Réseaux de chaleur
Les Ports de Strasbourg (PAS) souhaitent également, entre autres, consacrer 5,5 millions d’euros annuels pendant une décennie aux travaux de maintenance (quais, voies ferrées, bâtiments, etc.) et 5 millions d’euros à l’aménagement d’une nouvelle gare fluviale pour la navigation touristique.
Son plan quadriennal entend, de façon générale, répondre au « défi de la décarbonation ». La zone portuaire bénéficie, à ce titre de la labellisation de l’Ademe Zibac (zone industrielle bas carbone). « Nous serons actifs aussi dans des rôles plus neufs pour nous, comme la production et la distribution d’énergies renouvelables », annonce la présidence du port, Anne-Marie Jean. Sur ce thème, l’établissement strasbourgeois reste toutefois prudent quant au développement d’infrastructures pour l’hydrogène, en raison de sa situation en milieu urbain. Il mise avant tout sur les réseaux de chaleur, par la récupération des calories excédentaires d’industriels très consommateurs dans sa zone comme le papetier Blue Paper et la création de conduites pour alimenter le reste de l’agglomération. Le réseau « R-PAS » tisse ainsi progressivement sa toile, sous le pilotage de l’énergéticien local Réseaux de chaleur urbains d’Alsace (R-CUA).