En 1932, une fondation cède à une société un ensemble immobilier, en se réservant « la jouissance ou l'occupation » des locaux dépendant de cet immeuble dans lesquels elle était installée. Il est stipulé dans l’acte qu’en cas de nécessité, la société peut, avec l’approbation de la fondation, demander à récupérer les locaux, sous réserve d’en édifier d’autres de même importance dans l’immeuble.
Devant l’accroissement de son activité, la société demande à récupérer les locaux occupés par la fondation, qui refuse malgré les diverses solutions de relogement proposées. La société assigne la fondation en expulsion et une indemnité pour occupation des locaux sans droit ni titre.
Les juges du fond, qui se prononcent sur renvoi après cassation, rejettent la demande de la société, considérant que le droit réel conférant la jouissance spéciale des locaux à la fondation, lui a été concédé pour la durée de son existence et qu’elle est donc légitime à se maintenir dans les lieux.
La société se pourvoit de nouveau en cassation et critique la décision des juges du fond au motif que :
- le droit réel de jouissance spéciale conféré à la fondation le temps de son existence, a une durée perpétuelle, alors qu’il aurait dû être, conformément aux dispositions du Code civil, stipulé dans la limite de 30 ans ;
- la faculté contractuelle donnée au propriétaire de proposer des locaux de remplacement à la fondation, ne peut, être mise en œuvre, la réglementation en matière d’urbanisme interdisant que de nouveaux locaux soient érigés dans l’immeuble du propriétaire. Cette faculté contractuelle est, en toutes hypothèses, sans incidence sur le caractère perpétuel du droit réel de jouissance spéciale dont l’assiette est simplement modifiée et reportée sur un autre bien du propriétaire.
La Haute cour approuve la décision des juges du fond et considère que le droit de réel de jouissance spéciale a été concédé à la fondation pour la durée de son existence, et non à perpétuité, et que ce droit n’est pas régi par les dispositions du Code civil imposant une limite trentenaire.
Stella Mariani, avocate
Cour de cassation, 3e civ., 8 septembre 2016, Société des auteurs et compositeurs dramatiques c/Fondation Maison de poésie, n° 14-26953%%/MEDIA:1127984%%