Le Covid, 5 ans après (2/5) - Un logement pour mieux respirer...et télétravailler

Les immeubles d’habitation conçus durant le confinement sont livrés en ce moment. Leurs utilisateurs devraient ne plus être confrontés au manque d’air et d’espace extérieur qu’ils avaient pu ressentir lors de la crise du Covid, car les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre en ont tiré des leçons.

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Sur les ondes ou comme ici sur les balcons, le message « Restez chez vous ! » était relayé partout en France au printemps 2020, durant la crise sanitaire liée au Covid-19.

« Restez chez vous ! » Tout le monde se souvient de cette consigne diffusée en France à partir du 17 mars 2020, le premier jour d’un confinement national destiné à lutter contre la propagation du SARS-CoV-2, le virus responsable du Covid-19. Hormis certains professionnels autorisés à circuler, chaque habitant - résidant seul, en couple, en famille ou en colocation - voit alors sa vie restreinte au périmètre de son logement, 23 heures sur 24, pendant huit semaines consécutives.

Durant ce laps de temps, les qualités et les défauts des appartements et maisons se révèlent au grand jour. Surface habitable, espace extérieur privatif, luminosité, ventilation naturelle ou encore coin bureau sont autant de points forts ou faibles selon leurs proportions. Une enquête menée à chaud par l’Institut des hautes études pour l’action dans le logement (Idheal) apporte, par la voix de sa déléguée générale Catherine Sabbah, cet éclairage : « S’ils devaient à nouveau subir une période similaire de confinement, les habitants voudraient que leur logement compte davantage de mètres carrés, une pièce ou un espace extérieur en plus. »

« Renverser le rapport intérieur/extérieur »

Lors du déconfinement, en mai 2020, la rédaction du « Moniteur » interroge les architectes sur la conception future de l’habitat à venir dans le dénommé alors « monde d’après ». Sophie Delhay imagine « renverser le rapport intérieur/extérieur qui nous a tant manqué ». Elle prend ainsi l’exemple d’un appartement de trois pièces dans lequel, « au lieu de proposer l’habituelle surface de 65 m² avec un espace extérieur de 9 m², on aurait une pièce de 9 m² et un plateau extérieur de 65 m² permettant une vaste relation avec la ville et le paysage. Cette terrasse pourrait être progressivement occupée, en fonction des besoins. »

Sa consœur Marjan Hessamfar plaide au même moment pour la généralisation des appartements traversants ou d’angle, afin de pouvoir correctement les ventiler, Covid ou pas. « Cela fait dix ans qu’on nous demande d’installer la VMC à double flux, constate-t-elle. Est-ce que ce sera encore le cas après la pandémie ou bien va-t-on revenir à l’ouverture manuelle des fenêtres pour renouveler l’air ? » La conceptrice s’appuie alors sur les recommandations en la matière rédigées par Suzanne Déoux, médecin ORL, et relayées sur le site web du Conseil national de l’ordre des architectes.

Augmenter la superficie et la hauteur sous plafond

Un an tout juste après le confinement, Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement, charge François Leclercq, architecte-urbaniste, et Laurent Girometti, directeur général de l’établissement public d’aménagement Epamarne/Epafrance, d’une mission sur la qualité de l’habitat qui puisse servir de référentiel. Le rapport qu’ils lui remettent en septembre 2021, détaillé en exclusivité au « Moniteur », propose notamment d’augmenter la superficie de certaines pièces  - salon, cuisine, chambre - et la hauteur sous plafond - 2,70 m au lieu de 2,50 m - dans les bâtiments neufs. Et cela, de manière à ce que le logement soit « plus adapté à la vie quotidienne de ses habitants ».

Ce rapport, Laurent Girometti en entend toujours parler aujourd’hui, en 2025. « Il a eu plus de retentissement que ce à quoi l’on pouvait s’attendre, indique-t-il. Beaucoup d’aménageurs et de collectivités locales l’ont repris à leur compte dans l’élaboration de leurs chartes. Notre référentiel ne visait pas et ne vise toujours pas à donner la recette miracle d’un logement, car chaque opération est singulière. Je pense qu’il faut plutôt le prendre comme un outil de dialogue entre les divers intervenants d’un projet, afin de produire, collectivement, un habitat de qualité. »

Chasser les mètres carrés intérieurs superflus

L’architecte Raphaël Gabrion, interrogé ce mois-ci (lire l’intégralité de l’entretien), se souvient avoir discuté avec ses confrères du rapport Girometti-Leclercq lorsque celui-ci est sorti. « Nous n’étions pas tous d’accord sur l’augmentation de la surface qui, quelle que soit la qualité de l’édifice, coûte cher à réaliser (fondations, matières, etc.), remarque-t-il. Après tout, est-il réellement intéressant de construire des logements plus grands s’ils ne s’avèrent pas meilleurs ? Selon moi, il faut faire le tri entre les espaces utiles ou non, comme les couloirs qui, achetés ou loués, n’ont souvent qu’une valeur séparative entre deux pièces, et que nous commençons à bannir de nos projets. »

Le groupe immobilier Altarea, à travers sa marque phare Cogedim, chasse aussi les mètres carrés intérieurs jugés superflus depuis qu’il a pris, en 2021, dix engagements pour répondre aux nouvelles aspirations de ses clients. « Nous optimisons les espaces servants - l’entrée et les dégagements - au profit des espaces extérieurs et, si possible, des pièces nobles », détaille Marie-Catherine Chazeaux, directrice du pôle produit et architecte de formation. A noter qu’entre-temps, « la guerre en Ukraine a renchéri les coûts des matériaux et la hausse des taux a réduit le pouvoir d’achat de nos clients de 20 à 30% environ », rappelle Matthieu Mayer, directeur général délégué chargé de la promotion au sein du groupe Altarea. Ses filiales (Cogedim, Woodeum, etc.) ont vendu l’an dernier 7601 logements, contre 11521 en 2021.

Définir le coin bureau

S’il est un espace qui s’est révélé nécessaire pendant et après le confinement, c’est celui dédié au télétravail. Car une grande partie des salariés du tertiaire le pratique désormais un ou plusieurs jours par semaine, dans leur résidence principale ou secondaire. « L’univers du travail a changé en s’invitant à la maison, observe l’architecte François Brugel. Et nous, concepteurs, nous interrogeons sur cette bulle du bureau qui se déplace à l’intérieur de l’habitat. Qu’en faire ? Alors qu’elle ne relève pas de l’intime. Et comment définir la pièce ? Puisqu’en réalité, il suffit d’une prise de courant pour brancher son ordinateur. » Afin d’avoir plus de confort, certains choisissent de retourner sur leur lieu de travail.

Selon Raphaël Gabrion, le mélange entre vie professionnelle et vie privée se poursuit cinq ans après le confinement, et il sème encore la confusion dans le logement, ce qui pousse à le réorganiser. « Les rapports sociaux, qui étaient auparavant concentrés dans le séjour et la cuisine, ont été remis en cause par la pandémie, explique-t-il. On s’est mis à travailler et étudier dans nos chambres, connecté aux autres via nos ordinateurs et nos téléphones. A l’avenir, la répartition entre les pièces de jour et de nuit pourrait être bousculée. Et il faut, dès à présent, réfléchir à comment ouvrir l’espace pour tous, tout en ménageant l’intimité pour chacun. Mais les changements se ne feront pas du jour au lendemain. »

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