Interview

«Le bâtiment doit se préparer à affronter les nouveaux acteurs du numérique»

Rodolphe Deborre, directeur "innovation et développement durable" de Rabot Dutilleul. Le groupe familial multiplie les initiatives et les partenariats sur le plan de la transition énergétique, afin d'en tirer un avantage compétitif.

 

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Rodolphe Deborre, directeur innovation et développement durable du groupe Rabot Dutilleul.

L’économie circulaire est-elle un critère qui commence à intéresser vos clients ?

Tout à fait, alors que ce n’était pas vraiment le cas en 2012, date de ma prise de fonctions ! Aujourd’hui les trois sujets qui avancent bien en matière de développement durable sont la transition numérique, la transition énergétique et l’économie circulaire. Pour progresser sur ces sujets, que nous suivons de près depuis longtemps, nous nouons des partenariats avec des start-up, comme Effipilot (efficacité énergétique) et tout récemment avec Néo-Eco, spécialiste de l’économie circulaire, qui connaît bien, notamment, les problématiques des déchets du BTP.

Ces entreprises sont agiles et vont très vite. Aujourd’hui nous n’avons pas peur de nos pairs mais le bâtiment doit innover et se préparer lui aussi à affronter la concurrence des « barbares », que sont les nouveaux acteurs du numériques. Ils débarquent aussi dans le BTP : pour le meilleur ou pour le pire !

Comment va se traduire ce partenariat avec Néo-Eco ?

L’objectif est de pouvoir recycler un maximum de matériaux, que ce soit sur le même chantier ou sur un autre chantier. Il s’agit de garder un maximum de gros œuvre, de démonter et remonter ce qui est possible et/ou de transformer les gravats en nouvelle matière première. Nous pensons qu’il est nécessaire de lever les freins psychologiques pour changer d’échelle. Avec Néo-Eco, nous pourrons présenter sur chaque projet les options d’économie circulaire et aussi leurs avantages d’un point de vue économique. Nous voyons ainsi d’un bon œil l’émergence de plates-formes qui font du commerce de ces nouvelles matières premières, nous en soutenons plusieurs.

Et sur la transition énergétique quels sont vos objectifs ?

Nous voudrions arriver à des garanties de performance réelle. Pouvoir dire si la performance n’est pas atteinte : nous payons. La promesse est belle mais pour l’instant c’est difficile à mettre en œuvre. Nous commençons à avoir des marchés sur ce modèle, notamment via des PPP, mais notre plus belle réussite, c’est le projet Energiesprong avec Vilogia qui garantie autant d’électricité produite que consommée.

"Les sujets "bien-être" et "santé" ont du mal à percer"

Quels sont les sujets autres sujets qui intéressent vos interlocuteurs ?

Contre toute attente, les sujets « nature en ville » fonctionnent bien. Nous travaillons avec la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux, NDLR) sur ce thème et obtenons de très beaux résultats. Nous observons cependant le besoin de programmer cela dès le début des projets, jamais à la fin, sinon c’est considéré comme « de trop ». Par ailleurs pour progresser sur la préservation de la biodiversité sur les chantiers nous travaillons sur un guide de 40 pages financé par EGF BTP et qui devrait sortir cette année. Il y a plein de choses à dire et à faire !

Quels sont les points qui bloquent ?

La mobilité. Pour l’instant, il est très dur de réduire la place de la voiture. Tout le monde s’étripe sur ce sujet. Les seuls exemples où ça marche vraiment sont en Allemagne où les voitures ont été repoussées en périphérie de deux quartiers pour des raisons de... sécurité.

Les sujets bien-être et santé ont aussi du mal à percer alors que c’est pourtant, au final, ce qui compte. Il est difficile de dire : ce projet est 20 % plus sain qu’un autre ! Pour progresser sur ces critères de bien-être en ville nous avons lancé un think tank travaillant sur comment intégrer davantage de sciences humaines au service du bien être en ville : Expériences Urbaines.

"500 chantiers ont déjà utilisé notre outil d'écoconception"

Quelle est la philosophie du groupe Rabot Dutilleul en matière de développement durable ?

Les familiaux, les actionnaires, les entrepreneurs veulent la pérennité de la société tout en développant leur territoire. Pour atteindre ces deux objectifs, ils ont lancé très tôt une politique de développement durable ambitieuse. En 2008, au sortir du Grenelle de l’environnement, dont le secteur du BTP a été le grand gagnant, beaucoup d’initiatives ont été lancées par le groupe, cela collait bien avec la culture d’entreprise.

Chez Rabot Dutilleul, nous avons en effet la conviction profonde que l’on peut imaginer et construire un monde meilleur, plus humain et plus durable, en toutes circonstances. Notre mission, que nous avons définie via des ateliers internes, est d’oser s’engager avec bienveillance et pertinence, rassembler, inspirer, pour que les projets de chacun s’accomplissent et se subliment. En 2011, j’ai commencé à organiser les initiatives du groupe par priorité et mis en évidence le besoin d’un outil d’écoconception de nos produits.

Comment fonctionne cet outil d’écoconception ?

Dès 2012, nous avons testé chez Nacarat ce premier outil d’écoconception systémique, avec 15 thématiques clefs. La première thématique étant la préservation du sol et donc la limitation de l’étalement urbain. Dans le groupe tout le monde est formé à cet objectif qui implique de reconstruire la ville sur la ville. Cette philosophie a eu un gros impact. Par exemple Rabot Dutilleul construction est passé de 0 % de réhabilitation à 30 % de son activité. Les autres thématiques sont la mobilité, la nature en ville, la justice sociale, la réduction des consommations d’énergie, santé bien-être, eau potable, effluents, économie circulaire, etc.

Cet outil est très opérationnel et nous permet de proposer à nos parties prenantes d’intégrer un ou plusieurs de ces thèmes dans les projets. Plus de 500 chantiers ont utilisé cet outil que Rabot Dutilleul construction utilise aussi désormais avec 150 chantiers livrés ou en cours.

"Sur les bureaux, les critères d'écoconception sont devenus indispensables"

Cette offre d’écoconception fait-elle la différence pour remporter des marchés ?

Cela fonctionne assez bien, notamment auprès des collectivités, soucieuses de leur territoire. Cela nous donne un argumentaire solide en matière de développement durable et nous permet aussi de travailler avec certains architectes de renom. Cela nous permet aussi d’être hyper innovant.

Ensuite, l’impact est différent selon les types de projets. Par exemple, sur les bureaux, ces critères d’écoconception sont presque devenus indispensables alors que sur le logement vendu aux particuliers, ils ne font pas vraiment de différence. Cela dépend aussi des pays, en Belgique et en Allemagne cela nous aide à faire la différence alors qu’en Pologne c’est plus dur, le prix restant là-bas le critère quasi unique.

Abonnés
Baromètre de la construction
Retrouvez au même endroit tous les chiffres pour appréhender le marché de la construction d’aujourd'hui
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires