La voiture cède sa place à l'histoire

Espace public -

A Evreux, la suppression d'un parking a permis de remettre au jour une rivière et des vestiges.

 

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PHOTO - L’aménagement d’un quai bas, longeant l’emplacement de l’ancien moulin, permet d’accéder au plus près de la rivière..jpg

Jusqu'à récemment, la place Sepmanville, à Evreux (Eure), était plate, minérale, banale. Pratique comme peut l'être un parking de 70 places situé au plus près de l'hôtel de ville, mais triste. Rien, alors, ne venait rappeler les richesses enterrées sous cette croûte d'enrobé. Depuis un an, le site a retrouvé la mémoire. L'aménagement, achevé en décembre 2019 par le groupement de maîtrise d'œuvre emmené par l'agence de paysage et d'urbanisme HYL, a permis de le remodeler par la mise au jour de vestiges de la ville médiévale et la redécouverte du cours de l'Iton.

Cet affluent de l'Eure est un élément constitutif majeur d'Evreux. Ses divers bras, creusés pour servir à l'assainissement ou faire tourner l'industrie locale, bordent de part et d'autre les quartiers du centre. Cependant, au lendemain de la seconde guerre mondiale, qui a vu la ville en grande partie détruite, la ri-vière a été comblée ou busée en de nombreux points, au profit notamment de la circulation automobile. « Depuis le début des années 2000, la philosophie d'aménagement repose sur la réappropriation des espaces urbains, où la voiture est rendue à sa juste place, et sur la redécouverte du cours d'eau », explique Olivier Bourhis, le directeur des paysages, de la nature et des espaces verts à la Ville. D'année en année, l'Iton a donc resurgi et, en 2014, le temps était venu de faire sauter son couvercle sur la place Sepmanville.

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Anciens remparts. Le sous-sol ne recelait pas que de l'eau, mais aussi des traces de ce qu'avait été la ville. Aujourd'hui, ce n'est donc plus le stationnement qui impose sa loi mais les vestiges restaurés, dont l'origine remonte au XVe siècle, qui dictent les contours des lieux : les parties basses des anciens remparts en grosses pierres taillées de calcaire blanc et des arrondis de la porte entrée est de la ville, dite la Porte peinte, le socle d'une avant-place (une barbacane) ou encore le bourrelet rustique, en moellons de craie et mortier de tuileau, d'un batardeau qui canalisait la rivière. Une réflexion a été conduite pour choisir les éléments du patrimoine à mettre en valeur et ceux à laisser, bien protégés, sous terre. La présence d'un ancien moulin, par exemple, est seulement évoquée par son empreinte en trapèze, en proue sur la rivière.

Le défi pour HYL, mandaté en 2016 dans le cadre d'une procédure négociée, a été d'appréhender cette superficie modeste de 5 360 m² et de se glisser entre tous ces pans d'histoire pour faire place publique. « Il ne fallait pas que le lieu se transforme en musée, avec barrières et vitrines, explique ainsi la paysagiste cheffe de projet, Elise Ratcliffe. Nous avons cherché à composer un ensemble cohérent à partir des éléments présents et à créer un lieu appropriable. » Un gradin pavé et courbe a ainsi été construit pour établir une liaison avec le niveau bas de l'aménagement. Le public peut venir y profiter d'un petit espace vert, constitué de surfaces simplement engazonnées. En surplomb, la barbacane est devenue un belvédère qui permet d'embrasser l'ensemble du site mais aussi la mairie, le beffroi ou encore les édifices de la reconstruction. C'est l'un des rares espaces du projet qui a pu être arboré. Ailleurs, les racines auraient endommagé les vestiges encore enfouis.

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Rendre la rivière aux habitants. Et puisqu'il s'agissait de rendre leur rivière aux habitants d'Evreux, HYL leur a permis de s'en approcher jusqu'à pouvoir la toucher. Un quai bas a été aménagé dans le prolongement d'une cale longeant l'avancée de l'ancien moulin. Des îlots placés dans le cours de l'Iton permettent d'assurer un niveau suffisant des eaux, dans cette portion où la rivière s'élargit. Le lieu ainsi repensé n'est plus une place à proprement parler, ni complètement un jardin, mais il est singulier et réellement attachant.

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