La vente avec faculté de rachat

Vente et contrats spéciaux - 20 questions sur -

La vente avec faculté de rachat, aussi appelée « réméré », est un type de cession atypique qui peut séduire les propriétaires de biens immobiliers en temps de crise. Cette vente s’organise en deux temps. D’abord, la vente de son bien permet au vendeur d’en encaisser le prix. Puis il peut, s’il le souhaite, en recouvrer la propriété pour un montant et dans un délai prédéterminés. Ce montage transitoire recèle des conséquences fiscales et juridiques à connaître. Décryptage.

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1 Qu’est-ce que la vente avec faculté de rachat ?

Du latin « redimo », racheter une chose vendue, le réméré apparaît dans les écrits dès le Moyen Âge avant d’être codifié dans le code civil de 1804. L’article 10 de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures en transforme la dénomination. Depuis l’entrée en vigueur de ce texte, la « vente à réméré » est officiellement dénommée « vente avec faculté de rachat ». Elle est définie par les articles 1659 et suivants du code civil. Il s’agit d’un contrat par lequel le propriétaire d’un bien vend celui-ci, tout en se réservant, dans une clause particulière, la possibilité de le racheter ultérieurement.

Comme n’importe quel acte juridique entre deux parties, la vente avec faculté de rachat est soumise aux règles générales de formation des contrats synallagmatiques. Dès qu’un accord est trouvé sur la chose et le prix, la vente avec faculté de rachat est parfaite (article 1583 du code civil). L’acquéreur est alors propriétaire du bien vendu. Le vendeur n’est pas obligé de le racheter, il dispose d’une simple faculté de le faire. Par conséquent, il peut ne pas rembourser les sommes mises à sa disposition sous forme de prix de vente et perdre définitivement la propriété de son bien.

2 Comment distinguer la vente avec faculté de rachat d’un prêt sur gage immobilier ?

La vente avec faculté de rachat ne doit pas être confondue avec un prêt garanti par un gage immobilier (articles 2387 et s. du code civil). Dans ce type d’engagement, le prêteur ne devient pas propriétaire du bien dès la signature de l’acte, et l’emprunteur est tenu d’acquitter sa dette envers le prêteur. Faute d’être remboursé, celui-ci n’obtient l’attribution ou la saisie-vente du bien remis en garantie qu’après avoir mis en œuvre son droit réel accessoire (le gage immobilier). Ce n’est qu’au terme de la procédure qu’il récupère l’argent qu’il a prêté. La ministre de la Justice et des Libertés s’est prononcée dans ce sens le 11 janvier 2011 à la question écrite du député Sébastien Huyghe n° 91920 : « Le transfert de propriété inhérent à la vente en réméré exclut que cet acte puisse être assimilé à un contrat de prêt. »

3 Dans quel délai est enfermée la vente avec faculté de rachat ?

La vente est révocable par l’effet du rachat du bien, qui doit intervenir dans une période déterminée ne pouvant jamais excéder cinq ans. Si un délai plus long est stipulé ou si aucun délai n’est prévu, la durée de la faculté de rachat est réduite de plein droit à ce terme (article 1660 du code civil). Le délai légal ne peut jamais être prorogé, même par un juge (). S’il est fixé pour une période inférieure à cinq ans, il peut être prorogé avant la fin du terme, dans la limite de la durée légale. La faculté de rachat peut être consentie à titre pur et simple ou sous condition. Dans ce cas, le vendeur est tenu d’accomplir certaines obligations, comme d’entretenir le bien, de payer les taxes pendant la durée du réméré ou de verser une indemnité d’occupation pour demeurer dans les lieux s’il s’agit d’un bien immobilier. À défaut de respecter ces obligations, il perd son droit de rachat.

4 Sur quels biens porte la vente avec faculté de rachat ?

La vente avec faculté de rachat peut porter sur des biens mobiliers : parts de société, œuvres d’art, mobilier, pierres précieuses, tableaux de maîtres, machines professionnelles… Il peut aussi concerner des biens immobiliers. Tous les types d’habitation peuvent être vendus avec faculté de rachat : les appartements neufs, anciens, rénovés ou à rénover, les villas, les maisons avec ou sans terrain, les immeubles de rapport, les châteaux ou les hôtels particuliers, les logements en cours de construction ou en état futur d’achèvement, les programmes immobiliers complets ou partiels, achevés ou en cours d’achèvement. Les locaux tertiaires peuvent également faire l’objet d’un réméré : les bureaux, les commerces, les locaux d’activité ou les entrepôts, les hôtels ou les résidences hôtelières. Les propriétés vinicoles, agricoles ou forestières, ou encore les terrains constructibles peuvent être vendus avec une clause de rachat. Dans la pratique, la vente avec faculté de rachat vise des biens valorisables et facilement négociables sur un marché. Lorsqu’elle porte sur un immeuble, la vente est obligatoirement conclue devant un notaire pour être opposable aux tiers. Si l’acte de vente avec faculté de rachat porte sur des parts entraînant la jouissance d’un immeuble, l’acquéreur à réméré non professionnel dispose du délai de rétractation de sept jours (article L271-1 du code de la construction et de l’habitation).

5 Quels intérêts le réméré présente-t-il pour le vendeur ?

La réponse ministérielle précitée du 11 janvier 2011 (question 2) précise que la vente avec faculté de rachat peut être utilisée « pour contrôler la destination du bien vendu ou pour garantir une opération de crédit en transférant au profit du créancier la propriété du bien offert en garantie ». Le réméré est mis en œuvre le plus souvent pour procurer des fonds au vendeur sans recourir au système bancaire, soit en raison de son profil bancaire, qui lui interdit l’accès au crédit (interdiction d’émettre des chèques ou inscription au fichier de la Banque de France), soit du fait d’un niveau d’endettement dépassant les normes fixées par les établissements de crédit, soit enfin par manque de confiance de la banque. Pratiquement, la vente avec faculté de rachat peut servir à fournir des liquidités et régler des droits de succession ou les conséquences d’un redressement fiscal, lancer un nouveau projet ou sauver son entreprise d’un dépôt de bilan, ou encore se substituer à un prêt relais. Par exemple, un promoteur immobilier pourra céder en réméré une queue de programme difficile à vendre pour dégager la trésorerie nécessaire à une nouvelle opération. Il écoulera ensuite les appartements restant sans perte et en prenant le temps nécessaire.

6Quels bénéfices retire l’acheteur de la vente à réméré ?

Les intérêts du vendeur et de l’acquéreur sont distincts. Pour l’acheteur d’un bien immobilier, le réméré peut constituer un placement opportun. Lors du rachat, il récupère intégralement son prix d’acquisition augmenté, d’une part, de tous les frais et coûts liés à l’opération et, d’autre part, le plus souvent d’une marge. Celle-ci peut aller jusqu’à 20 % du prix initial pour des appartements et des maisons, et jusqu’à 30 % pour des biens commerciaux. À défaut de rachat, il bénéficie d’un immeuble acquis à un prix inférieur aux conditions du marché. De surcroît, pendant toute la durée du réméré, la formule procure souvent à l’acheteur/investisseur, si le bien est loué, un revenu annuel locatif aux alentours de 5 à 10 % par an du montant investi. Lorsqu’elle accompagne une opération de crédit, la vente avec faculté de rachat est une technique qui garantit l’acquéreur/prêteur. En cas de faillite du vendeur, ses créanciers ne pourront remettre en cause la vente qu’en cas de négligence ou de faute.

7 Le vendeur peut-il continuer à occuper le bien vendu ?

Outre le double intérêt, d’une part d’apurer les dettes et d’autre part d’obtenir la mainlevée des interdictions bancaires pour emprunter les sommes nécessaires au rachat du bien, cette technique juridique procure un autre avantage au vendeur de son habitation. Celui-ci peut continuer d’occuper les lieux pendant toute la durée d’exercice de la faculté de rachat. À cet effet, le vendeur en réméré signe une convention d’occupation précaire de son logement. Relative à la résidence principale, elle peut cependant être requalifiée en bail d’habitation et soumise à la protection de la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs. En effet, la Cour de cassation ne reconnaît pas le réméré comme une cause objective de précarité et n’admet pas que des circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties justifient l’occupation précaire (Cour de cassation, 3e ch. civ., 29 avril 2009, n° 08-10506). Pour échapper à ce risque, l’acquéreur en réméré fera signer au vendeur occupant, après la signature de l’acte incluant la clause de rachat et la convention d’occupation précaire, un acte sous seing privé séparé. Ce document contiendra son renoncement express à se prévaloir des dispositions de la loi de 1989 et la reconnaissance que l’occupation lui est consentie à titre précaire en raison de la faculté de rachat qui lui est offerte.

8 La loi Hoguet s’applique-t-elle à la vente en réméré ?

Le professionnel qui cherche un acquéreur/investisseur en vue de réaliser une opération de réméré sur un immeuble appartenant à un tiers est soumis à la loi du 2 janvier 1970 (loi Hoguet) et à son décret d’application du 20 juillet 1972. En effet, l’expression « vente avec faculté de rachat » contient le mot « vente » et la loi s’applique « aux personnes physiques ou morales qui, d’une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d’autrui et relatives à l’achat, la vente, l’échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d’immeubles bâtis ou non bâtis » (article 1 de la loi de 1970). Impossible d’y déroger, elle est d’ordre public. Par conséquent, l’intermédiaire dans une vente avec faculté de rachat doit être titulaire d’une carte professionnelle, délivrée par le préfet, précisant les opérations qu’il peut accomplir (article 3 de la loi). C’est la carte Transactions sur immeubles et fonds de commerce, dite « T », qui est nécessaire à l’exercice de cette activité (article 1 du décret). Le professionnel justifie d’une garantie financière et d’une assurance garantissant sa responsabilité civile professionnelle.

En outre, il ne peut agir pour chercher un acquéreur et négocier les conditions de la vente avec faculté de rachat que sur mandat express et écrit du propriétaire du bien (article 6 de la loi), limité dans le temps (article 7 de la loi) et dûment inscrit sur le registre prévu à cet effet.

9 Quels sont les inconvénients de la vente avec faculté de rachat ?

La vente avec faculté de rachat est une technique simple et efficace sans piège particulier. Cependant elle présente des inconvénients liés, pour le vendeur, à son régime juridique et, pour l’acquéreur, à l’aléa de l’exercice de rachat.

Pour le vendeur

La vente avec faculté de rachat manque de souplesse : sa durée est limitée à cinq ans et le prix de rachat n’est versé qu’après l’exercice de la faculté de rachat, ce qui empêche tout amortissement du prix par échéances successives pendant la durée du réméré. Le vendeur ne rachète son bien que s’il peut le financer in fine. Il peut donc en perdre la propriété de façon définitive. Enfin, c’est un cadre rigide qui limite la somme d’argent mobilisable par le vendeur, ses besoins de financement devant être inférieurs à la valeur réelle de son bien.

Pour l’acquéreur

Le transfert des risques accompagne le transfert de propriété. Tant qu’il est propriétaire, l’acquéreur supporte les risques. Si l’immeuble disparaît dans un incendie ou que les règles d’urbanisme changent pendant la durée du réméré, rendant inconstructible un terrain vendu à bâtir par exemple, le vendeur ne procédera pas au rachat. Et l’acquéreur ne pourra pas l’y contraindre. Le schéma est identique si le vendeur se trouve dans l’impossibilité de financer le rachat de son bien au terme de l’opération. Alors que le cessionnaire n’a pas vocation à rester propriétaire, il peut devoir conserver un bien sans aucun intérêt pour lui, notamment s’il s’agit d’un bien professionnel. Par ailleurs, la rémunération de l’acquéreur est aléatoire et dépend de l’usage du bien, de l’encaissement de loyers et de la marge sur le prix de rachat. Le gain de l’investisseur n’est donc pas certain, notamment si le bien n’est pas racheté à terme.

10 Quelle est la nature juridique de la clause de faculté de rachat ?

Sur le plan juridique, la faculté de rachat fait partie intégrante de la vente, même quand elle est conclue par un acte séparé. La clause de réméré s’analyse en une condition résolutoire légale qui replace les parties en l’état où elles se trouvaient avant la conclusion de la vente (Cour de cassation, 3e ch. civ., 20 décembre 2006, n° 06-13078). La faculté laissée au vendeur de racheter son bien est un droit de créance qui lui permet d’en exiger, de façon unilatérale, la restitution et, par voie de conséquence, de demander la résolution de la vente. Elle ne constitue pas un droit de préférence. En effet, le mécanisme juridique de préférence ne confère au vendeur le droit de racheter son bien qu’au cas où l’acquéreur décide de le revendre à un tiers (Cour de cassation, 3e ch. civ., 1er décembre 2010, n° 09-16126). La seule volonté de son titulaire ne suffit pas à l’exercice d’un droit de préférence. Elle diffère également d’une promesse unilatérale de vente qui est un contrat autonome par lequel le propriétaire s’engage à vendre son bien à un candidat acheteur (le bénéficiaire) à un prix déterminé. Il lui donne ainsi en exclusivité une option d’achat pour un temps limité de deux à trois mois. Durant cette période, il lui est interdit de renoncer à la vente ou de proposer le bien à un autre acquéreur. Quant au candidat acheteur, il bénéficie de la promesse pour décider s’il souhaite acheter ou non. Les conséquences de la réalisation d’une promesse et d’une faculté de rachat les différencient clairement. Par le jeu du rachat, le retour rétroactif à la situation avant la vente se réalise sans opérer une nouvelle mutation (Cour de cassation, 3e ch. civ., 31 janvier 1984, n° 82-13549).

11 Quelles sont les caractéristiques de la clause de faculté de rachat ?

S’agissant d’un droit de créance, la faculté de rachat est incluse dans le patrimoine du vendeur à réméré. Elle est cessible et transmissible. Ainsi, sauf si cela lui est expressément interdit dans l’acte de vente, le vendeur à réméré peut-il céder son droit de rachat à un tiers. Dans ce cas, les formalités prévues à l’article 1690 du code civil doivent être exécutées. Le vendeur fait signifier par huissier la cession à l’acquéreur de l’immeuble, ou en obtient l’acceptation par l’acquéreur dans un acte authentique. La cession du droit de réméré est enregistrée au droit fixe de 125 euros et peut être publiée à la conservation des hypothèques au taux de 0,715 %.

En cas de décès, elle intègre la succession. Si le décès survient avant l’écoulement de la période ouvrant droit au rachat de son bien, l’administration fiscale n’impose pas aux héritiers de déclarer et d’évaluer le droit de rachat qu’ils recueillent. En revanche, s’ils viennent à céder le droit à réméré à un tiers, ils doivent souscrire une déclaration complémentaire dans le délai légal décompté du jour de la cession et acquitter l’impôt sur le prix. Les dispositions relatives au droit de rétraction (article L271-1 du code de la construction et de l’habitation) ne s’appliquent pas à l’occasion de l’exercice, par le vendeur, du rachat.

Avant l’expiration du délai fixé, le vendeur peut renoncer à son droit. Cette renonciation peut être expresse ou tacite, à titre gratuit ou onéreux. À l’issue du délai convenu ou, à défaut, de l’écoulement de cinq années, l’acquéreur demeure irrévocablement propriétaire du bien vendu si le droit à réméré n’a pas été mis en œuvre (article 1662 du code civil).

12 Quelle est l’étendue des droits de l’acquéreur sur le bien vendu ?

Comme l’acquéreur d’un bien vendu à réméré en est propriétaire à part entière, tous les droits attachés à la propriété de ce bien lui sont transférés dès la conclusion du contrat. Il jouit de tous les attributs attachés à sa qualité tant que la faculté de rachat n’a pas été exercée (article 1665 du code civil). Il peut librement disposer du bien vendu, le louer, l’hypothéquer sous la condition résolutoire du réméré et même le revendre dans la limite de ses propres droits. Dans ce dernier cas, la clause de réméré s’impose au nouvel acheteur, la vente initiale ne devenant irrévocable qu’à l’expiration du délai pour exercer le réméré. Le vendeur en réméré peut ainsi exercer son droit de rachat sur le bien à l’encontre du sous-acquéreur, même si l’acte de revente ne mentionne pas l’existence de cette faculté (article 1664 du code civil). L’acquéreur a le droit de purger définitivement les hypothèques et privilèges existants sur l’immeuble du chef du vendeur. Il peut également « prescrire contre le véritable maître » c’est-à-dire obtenir, à l’échéance d’un délai légal, l’extinction d’une charge ou la création d’un droit sur la chose vendue (article 1665 du code civil). Il peut opposer aux créanciers du vendeur le bénéfice de la discussion défini à l’article 2298 du code civil (article 1666 du code civil) en exigeant, par ce moyen, qu’ils poursuivent d’abord la réalisation des autres biens du vendeur. En cas de décès de l’acheteur à réméré pendant le délai d’exercice de la faculté de rachat, le bien vendu est inclus dans sa succession. Si le retrait du réméré est exercé après le décès et avant le dépôt de la déclaration de succession, les héritiers devront déclarer à l’administration fiscale la somme remboursée par le vendeur.

13 L’acquéreur peut-il surveiller les comptes de son vendeur ?

En pratique, un investisseur qui se porte acquéreur d’un bien en réméré est plus intéressé par le revenu qu’il tire de l’opération que par la propriété du bien proprement dite. Aussi, pour s’assurer que le vendeur rachète bien l’immeuble au terme du réméré, l’acquéreur peut-il être tenté de contrôler sa faculté financière. Pour se prémunir de l’application des principes protégeant la vie privée et le secret bancaire qui empêchent toute vérification de cette sorte, une clause contractuelle peut être insérée dans l’acte de vente avec faculté de rachat. Celle-ci oblige le vendeur à fournir, périodiquement et jusqu’au terme du réméré, tout justificatif (relevé bancaire ou attestation de la banque) prouvant qu’il n’a souscrit aucun nouveau prêt ; de quoi sensibiliser le vendeur à ne pas obérer l’avenir mais pas suffisant à protéger l’acquéreur à 100 % car, à défaut d’apporter les justificatifs demandés ou en cas de conclusion d’un emprunt, le vendeur sera immédiatement sanctionné… En perdant sa faculté de rachat.

14 Comment s’exerce le droit de rachat de l’immeuble ?

Le rachat doit être exercé par le vendeur ou, lorsqu’il a cédé son droit, par le cessionnaire, à l’intérieur du délai fixé dans l’acte de vente. Cet exercice se déroule en deux temps :

1. Le vendeur doit faire part à l’acquéreur, ou directement au tiers détenteur en cas de revente de l’immeuble ou de transmission à titre gratuit, de la mise en œuvre de sa faculté. C’est au vendeur de prouver qu’il a actionné le réméré (Cour de cassation, ch. com., 2 juin 1992, n° 90-18381). Par conséquent, il notifiera sa décision par tout moyen (lettre recommandée avec accusé de réception ou signification par huissier) lui permettant d’en justifier. Cette notification lui permet de se prémunir contre toute forclusion. Elle l’empêche également de renoncer au rachat sans le consentement de l’acquéreur.

2. Le vendeur doit restituer le prix principal et rembourser toutes les dépenses liées à la vente (article 1659 du code civil). Le rachat n’est réalisé qu’après le paiement effectif de ces sommes (Cour de cassation, 3e ch. civ., 20 décembre 2006, n° 06-13078).

L’exercice de la faculté de rachat peut avoir des conséquences spécifiques lorsque le bien appartient à plusieurs propriétaires, notamment suite à une succession. Les articles 1668 à 1671 du code civil distinguent, pour l’exercice du rachat, le cas d’une cession de part divise par propriétaire (vendeur pris individuellement) de celui d’une vente conjointe. Un héritier vendeur qui veut racheter sa part indivise peut être obligé de se porter acquéreur de l’intégralité du bien si le cessionnaire au réméré l’a acquis de façon contrainte sur enchère publique (article 1667 du code civil). De son côté, l’article 1672 traite de la situation d’un acquéreur au réméré qui laisse des héritiers. La déclaration de rachat est effectuée auprès de chaque héritier, chacun pour sa part indivise, si le bien est en indivision entre les cohéritiers de l’acquéreur, ou pour sa part divise en cas de partage (article 1672, al. 1 du code civil). Si, à la suite d’un partage, le bien a été mis dans le lot d’un copartageant, l’intention de rachat est déclaré à celui qui s’est vu attribuer le tout (article 1672, al. 2 du code civil).

15 À quel prix se réalise la cession du bien vendu à réméré ?

Le principe s’appliquant en matière de vente avec faculté de rachat est que le prix de la transaction est librement déterminé entre les parties (article 1591 du code civil). Toutefois un équilibre entre les prestations à la charge du vendeur et celles dues par l’acheteur est nécessaire. Dans la pratique, la cession d’un bien immobilier en réméré s’effectue à un prix décoté par rapport au prix du marché. Une attention particulière doit être apportée à la détermination des montants auxquels est cédé l’immeuble en raison des conséquences juridiques s’attachant à l’insuffisance du prix de vente par rapport à la valeur vénale du bien ou au déséquilibre entre les prix de vente et de rachat.

Rescision pour lésion

S’il existe une différence significative entre le prix de vente d’un bien immobilier et celui auquel il pouvait être cédé sur le marché local, il peut y avoir lésion. Ce sera le cas si l’écart est supérieur aux 7/12e de la valeur réelle du bien (article 1674 du code civil), appréciée en fonction de son état et de sa valeur au moment de la vente (article 1675 du code civil). Cette protection d’ordre public, à laquelle il n’est pas possible de renoncer, s’applique exclusivement au vendeur en réméré (article 1683 du code civil). Celui-ci peut agir en rescision pour lésion devant les juges pour obtenir, soit l’annulation de la vente et la restitution du prix payé, soit le paiement d’un supplément de prix qui sera versé avec intérêts (articles 1681 et 1682 du code civil). Son action doit être portée devant le tribunal de grande instance dans un délai maximal de deux ans à compter de la vente (article 1676 du code civil). Par exemple, la cession en réméré d’un immeuble d’une valeur de 500 000 euros à un prix inférieur à 208 000 euros peut donner lieu à une action en rescision pour lésion. La preuve de la lésion est apportée au juge par un rapport établi par trois experts concluant majoritairement au caractère lésionnaire de la vente (article 1678 du code civil).

Vileté du prix

Si le prix de vente est dérisoire comparé à la valeur vénale de l’immeuble, le vendeur peut agir devant un tribunal pour vileté du prix sans avoir à respecter le délai de deux ans imposé dans le cadre de l’action en rescision pour lésion (Cour de cassation, 3e ch. civ., 15 décembre 2010, n° 09-16838). Cette procédure est valable quelle que soit la nature du bien objet du réméré, mobilière ou immobilière. Elle doit être intentée dans les cinq ans de la vente (article 1304 du code civil).

16 À quel prix s’effectue le rachat du bien vendu à réméré ?

Le bien vendu ne revient dans le patrimoine du cédant que moyennant, « la restitution du prix principal » et le remboursement des « frais et loyaux coûts de la vente, réparations nécessaires, et celles qui ont augmenté la valeur du fonds, jusqu’à concurrence de cette augmentation » (articles 1659 et 1673 du code civil). Par combinaison de ces deux articles, l’acquéreur reste propriétaire tant que le vendeur n’a pas satisfait à ces deux obligations. Les juges de la Cour de la cassation ont affirmé depuis longtemps que la résolution de la vente (Cour de cassation, ch. des req. 14 janvier 1873) comme le transfert de propriété (Cour de cassation, ch. des req., 19 octobre 1904) n’interviennent qu’après le règlement complet des prix, coûts et charges relatifs à la vente en réméré. Le vendeur doit rembourser le prix qu’il a reçu et non pas celui que vaut le bien au jour du rachat. Néanmoins, il est possible de convenir dans l’acte de vente à réméré que la somme à restituer sera inférieure (Cour de cassation, ch. des req., 15 avril 1872) ou supérieure au prix principal (Cour de cassation, 3e ch. civ., 13 novembre 1970, n° 68-13109). Dans la pratique, le vendeur d’un immeuble qui exerce sa faculté de rachat verse à l’acquéreur :

? le prix principal du bien majoré de la marge de l’investisseur ;

? l’ensemble des frais de mutation, des émoluments du notaire et des frais de diagnostics techniques (surface, amiante, saturnisme, parasites, électricité, gaz et performance énergétique) ;

? le montant des impôts locaux, les charges de copropriété et les primes d’assurances couvrant le bien immobilier ;

? les honoraires des experts et tous les coûts liés à l’opération.

En moyenne, une opération de réméré immobilier présente une charge annuelle de l’ordre de 15 % du prix de la vente initial pour le vendeur.

17 Quels sont les risques d’un prix de rachat très supérieur au prix initial ?

La première conséquence d’une majoration très forte du prix principal à restituer est financière, avec l’impossibilité pour le vendeur de racheter son bien. En effet, il n’est pas certain, surtout s’il se trouve dans une position économique fragile, qu’il puisse emprunter pour acquérir son bien. La seconde conséquence est purement juridique. L’acte de vente avec faculté de rachat peut être requalifié en prêt avec pacte commissoire. Ce contrat, interdit jusqu’à récemment, est légal depuis l’ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés. Il autorise un créancier à conserver, sous certaines conditions, un bien remis en gage si le débiteur ne remplit pas son obligation (article 2348 du code civil). Toutefois, en présence d’éléments tels qu’une différence significative entre les prix, la vileté du prix de vente, la location du bien au vendeur, l’habitude de ces opérations usuraires et des achats fréquents par l’acquéreur, le juge peut requalifier l’opération en prêt usuraire et prononcer la nullité de la vente. Le risque est accru en matière de résidence principale, le pacte commissoire restant toujours purement et simplement interdit (article 2459 du code civil). Pour se prémunir de ce risque, les parties comme les intermédiaires immobiliers prendront soin de fixer des prix de rachat et de vente cohérents, sans disproportion par rapport au marché, notamment en recourant à l’expertise d’un professionnel (inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel). In fine, c’est le juge qui apprécie les conditions de l’opération pour définir la nature réelle du contrat.

18 Quel est le régime fiscal appliqué à l’acte de vente avec faculté de rachat ?

La vente à réméré d’un immeuble est taxée comme une vente pure et simple. Elle en produit tous les effets fiscaux habituels.

Plus-values

Le vendeur à réméré sera éventuellement taxé sur le montant des plus-values dégagées à l’occasion de la cession de son bien dans les conditions de droit commun. Si le vendeur est un particulier, l’administration fiscale admet, au moment du retour du bien dans son patrimoine, que le redevable obtienne, sur réclamation, la restitution totale ou partielle de l’impôt correspondant à la plus-value initialement réalisée (instruction fiscale du 4 août 2005, BOI 8 M-1-05, n° 21). En cas de revente ultérieure du même immeuble, la plus-value imposable est calculée sur la base du prix d’acquisition initial ; de même, la date d’acquisition de l’immeuble à retenir correspond à la date d’entrée d’origine du bien dans le patrimoine du cédant (réponse du ministère de la communication, n° 15716, JOAN du 22 août 1994, p. 4272, à la question de Philippe Houillon, publiée au JOAN du 20 juin 1994, p. 3077).

Droits de mutation

La vente avec faculté de rachat est soumise aux droits de mutation habituels ou à la TVA immobilière selon les cas. Le conservateur des hypothèques perçoit son salaire et le notaire ses émoluments. Pour le calcul des droits d’enregistrement, la Cour de cassation a considéré dans un arrêt de 2007 que l’application d’une décote forfaitaire de 10 % sur un prix de vente déterminé par comparaison avec des cessions de biens par ailleurs comparables permet de calculer la valeur vénale du bien tout en tenant compte de la situation juridique particulière résultant de l’existence du réméré (Cour de cassation, ch. com., 20 novembre 2007, n° 06-13055). En cas d’exercice du droit de rachat, les droits perçus par l’administration ne sont pas restituables à l’acquéreur (article 1961 du code général des impôts).

19 Quel est le régime fiscal appliqué à l’acte constatant le rachat de l’immeuble ?

En cas d’exercice de la faculté de rachat d’un bien immobilier par le vendeur, l’acte le constatant est obligatoirement passé en la forme authentique. À défaut, il doit avoir acquis une date certaine avant la fin du délai convenu. Il est passible de la taxe de publicité foncière au droit fixe des actes innomés qui s’élève à 125 euros (article 680 du code général des impôts). Toutefois, ce régime fiscal dérogatoire n’est accordé que si trois autres conditions sont également remplies.

- Premièrement, la faculté de rachat doit être prévue dans l’acte de vente initial. Un acte séparé octroyant au cédant un droit à rachat est juridiquement valable mais comporte un risque fiscal. En effet, l’administration fiscale qualifie dans ce cas l’acte de retour de « rétrocession », et refuse alors d’exonérer l’acte de rachat du versement des droits de mutation.

- Deuxièmement, la demande de rachat doit être effectuée dans le délai stipulé ou, à défaut d’une telle stipulation, dans les cinq ans de l’acte initial. L’administration fiscale interprète de façon restrictive cette condition et n’accorde l’exonération que si le retour dans le patrimoine du cédant initial est effectif et définitif au plus tard à la fin du délai.

- Troisièmement, le rachat doit être exercé par le vendeur initial, son héritier, son légataire universel ou un créancier dans le cadre de l’action oblique. Le tiers cessionnaire de la faculté de rachat à titre onéreux ou un légataire particulier qui l’exercent ne bénéficient pas du droit fixe. Ils acquittent les droits de mutation immobilière habituels, liquidés sur le montant total des sommes remboursées à l’acquéreur.

20 Que se passe-t-il en cas de vente d’un immeuble soumise à la TVA immobilière ?

Sauf si le logement de moins de cinq ans a déjà été acheté et vendu après l’achèvement par une personne autre qu’un marchand de biens, les acquisitions de logements en cours de construction (vente en l’état futur d’achèvement) ou de logements achevés depuis moins de cinq ans sont en principe soumises à TVA. Les droits de mutation à titre onéreux ne sont alors pas dus par l’acquéreur. Un professionnel assujetti à la TVA immobilière, c’est-à-dire une personne qui effectue de manière indépendante une activité économique de producteur, de commerçant ou de prestataire de services ou un marchand de biens, peut acquérir en réméré un bien immobilier. Il acquittera la TVA sur son acquisition. Si le cédant exerce sa faculté de rachat inscrite dans l’acte de vente, dans le délai mentionné au contrat, l’administration fiscale considère que le vendeur exerce une condition résolutoire. L’acte constatant le retour du bien dans le patrimoine du cédant n’entre pas dans le champ d’application de la TVA immobilière et est enregistré au droit fixe de l’article 680 du code général des impôts (réponse du ministère de l’Économie et des Finances à la question n° 6264 de Guy Petit, JO Sénat 5 février 1967, p. 23). S’agissant d’une vente rétroactivement anéantie, la TVA acquittée sur l’acte de vente initial pourra être imputée ou restituée.

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