Faits
Une SCI a confié à la société CRLPA un contrat pour la réalisation de travaux de réhabilitation d'un immeuble lui appartenant, étant précisé que la maîtrise d'œuvre et la coordination sécurité et protection de la santé (CSPS) revenaient à monsieur E.
Le chantier a été interrompu à la suite d'une décision d'arrêt des travaux prise le 12 octobre 2011 par l'autorité administrative, qui a constaté que la stabilité de l'immeuble et la sécurité des ouvriers étaient menacées après la démolition des planchers du bâtiment.
Une expertise est intervenue, à la suite de laquelle la SCI a assigné monsieur E. et la société CRLPA ainsi que son assureur aux fins d'indemnisation de ses préjudices.
L'arrêt de la cour d'appel de Paris condamne monsieur E. à payer la somme de 384 964,20 €, les autres parties n'étant pas condamnées.
Monsieur E. forme un pourvoi, au motif de l'absence de lien de causalité entre sa condamnation et les chefs de préjudice invoqués.
Question
Une juridiction peut-elle condamner un intervenant à l'acte de construire sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, sans avoir à démontrer l'existence d'un lien de causalité ?
Décision
L'arrêt est partiellement censuré.
Commentaire
La censure de l'arrêt de la cour d'appel était inévitable. En effet, l'arrêt a retenu la responsabilité de Monsieur E. et l'a condamné à payer une certaine somme au titre des manquements contractuels en sa qualité de maître d'œuvre et de coordonnateur SPS.
Pour autant, la liste des griefs retenus par la cour d'appel est très large et la responsabilité des autres parties n'était nullement engagée, sans que la cour d'appel ne s'en explique.
Ainsi, la cour d'appel a considéré que Monsieur E. était responsable du coût résultant de la démolition des planchers en raison du fait que celui-ci n'était pas assuré, qu'il avait manqué à son obligation suivie des dépenses de l'entrepreneur CRLPA à hauteur de 20 000 €, qu'il était débiteur d'une obligation de conseil à l'égard de la SCI, qu'il lui revenait d'obtenir un permis de construire pour les travaux à réaliser, qu'il devait s'assurer de la stabilité de la structure et contraindre la société CRLPA à sécuriser le chantier après la démolition des planchers, et qu'il a manqué d'efficience dans sa mission et a fait preuve d'inertie en n'adressant pas d'observations.
Alors même que le rapport d'expertise avait été rendu, la cour d'appel s'est contentée de citer l'ensemble des griefs, sans caractériser le lien de causalité entre le manquement de Monsieur E. et le dommage correspondant au coût de reconstruction des planchers.
Dans ces conditions, la cour d'appel a méconnu les principes de la responsabilité contractuelle tels qu'ils sont énoncés à l'article 1147 ancien du Code civil.
C'est la raison pour laquelle la décision a été censurée de manière partielle, en ce qu'elle a condamné Monsieur E. à payer la somme de 384 964,20 € TTC à titre de dommages et intérêts.
La société aurait dû distinguer dans ses demandes les dommages et intérêts qu'elle impute au manquement contractuel de Monsieur E. et ce qu'elle est en mesure d'imputer à la société CRLPA sur les bases du rapport d'expertise judiciaire.
Les termes de l'arrêt ne nous permettent pas de comprendre pourquoi aucune condamnation n'avait été prononcée par la cour d'appel à l'égard de la société CRLPA. Il s'agissait peut-être d'une stratégie de la SCI de cibler ses demandes envers Monsieur E. uniquement. Le juge étant tenu par les demandes du requérant, il ne peut aller au-delà sans enfreindre les règles élémentaires visées à l'article 4 du Code de procédure civile, d'après lequel : « L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ». Pour autant, sans aller au-delà des demandes de la SCI, la cour devait examiner la responsabilité de Monsieur E. au regard des fautes qui lui étaient imputables et du lien de causalité existant entre ces fautes et les préjudices invoqués par la SCI.
C'est pourquoi, en l'espèce, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le lien de causalité entre les manquements retenus et le préjudice tenant au coût de reconstruction des planchers par la société CRLPA, de sa seule initiative, a vu sa décision censurée.