« Fabrique de nos villes. Ensemble, inventons la vie de demain », telle est l’accroche de ce nouveau « Grand débat » lancé début mars après un vote à l’unanimité du conseil métropolitain. C’est la quatrième consultation citoyenne lancée sous cette forme par Nantes Métropole, après celles sur la réappropriation de la Loire (2014), sur la transition énergétique (2016) et sur la longévité (2019).
« J’ai souhaité ce grand débat comme un tremplin démocratique pour renouveler les processus de la transformation de la métropole et de nos 24 communes face aux enjeux climatiques, aux mutations économiques et aux urgences sociales » a déclaré Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole.
Elaboré par une quinzaine d’experts, dont le philosophe Thierry Paquot et l’architecte-urbaniste Ariella Masboungi, ce débat citoyen durera quatre mois, malheureusement moins longtemps que pour les consultations précédentes. Sur la base d’un document socle élaboré par l’Agence d’urbanisme de la région nantaise (Auran), il prendra la forme d’atelier, table ronde, expéditions urbaines et d’une plate-forme internet www.grand-debat-metropole.nantes.fr (en attendant son ouverture, informations sur dialoguecitoyen.metropole.nantes.fr. Ce grand débat sera suivi de la publication d’un rapport à l’automne 2023 et aboutira, à partir de 2024, à l’instruction d’une feuille de route partagée, avec des propositions concrètes élaborées par les services de Nantes Métropole.
Nantes tombe de son piédestal
Même si Johanna Rolland ne le formule pas ainsi, ce grand débat est, pour celle qui a pris la suite de Jean-Marc Ayrault, une occasion de redonner un second souffle à une métropole dont l’image a été sérieusement écornée ces derniers temps. La conjugaison de phénomènes locaux (insécurité grandissante, embouteillages, etc.), couplée à un besoin accru de nature après la crise de la Covid et les périodes de confinement, a rendu les métropoles beaucoup moins attractives en général. Et Nantes tout particulièrement.
La cité des ducs de Bretagne a pourtant longtemps caracolé dans le trio de tête des villes saluées pour leur qualité de vie. Après être redescendue en 2022 à la 23e place dans le classement de l’Association des villes et villages de France où il fait bon vivre (un des palmarès les plus fiables sur le sujet), elle se classe cette année à la 55e place. « Nantes est la métropole qui perd le plus de places », assure dans le quotidien Presse Océan, Antoine Chauvel, secrétaire général de l’association. Cette contre-performance est d’autant plus inquiétante, qu’à l’exception d’Annecy (classée 7e), les 10 premières villes de ce classement sont toutes à l’Ouest de la France. Sa voisine Angers, déjà auréolée du titre de ville la plus verte de France, arrive en tête tandis que Rennes se classe à la 5e position. Au niveau départemental, Nantes est désormais devancée par Saint-Nazaire qui occupe la première place en Loire-Atlantique en se classant à la 38e place.
Un enjeu politique fort
Il était donc grand temps que la collectivité se mobilise pour inverser la tendance et surtout qu’elle s’empare de l’épineuse question de la fabrique de la ville en se posant la question de quel modèle veut-elle mettre en place. « Face aux nombreux défis qui sont devant nous, nous devons repenser notre manière d’habiter, de consommer, de produire, de nous déplacer » a reconnu Johanna Rolland lors du lancement du grand débat sur la fabrique de la ville.
Cette réflexion est devenue indispensable car aujourd’hui, Johanna Rolland et sa majorité plurielle (gauche et écologistes) semblent ne pas être en phase sur les modèles de développement à venir. Plus que jamais, la question de la fabrique de la ville est un sujet politique, au sens politicien. Et sous couvert d’un débat citoyen, il y a de fortes chances pour qu’elle le reste. La preuve : contrairement aux consultations précédentes où un comité citoyen tiers-garant des débats était tiré au sort, cette fois les sept citoyens garants ont été désignés chacun par les partis politiques représentés à la métropole. Il en résulte d’ailleurs une sur représentation des catégories socioprofessionnelles CSP+.
L’épineuse question du logement
Si les politiques environnementales ou sociales font consensus au sein de la majorité, c’est loin d’être le cas en ce qui concerne le logement. Cette question est devenue centrale sur ce territoire toujours attractif, mais où les oppositions grandissantes à la construction de nouveaux logements ont rendu les élus frileux. Même des projets urbains, pourtant vertueux comme l’aménagement de Doulon Gohards, sont la cible de critiques virulentes, cautionnées par une partie de la majorité métropolitaine. Résultat, depuis plusieurs années, la production décroche avec seulement 3 700 logements autorisés en 2022, dont moins de 800 sociaux. Des chiffres très loin de l’objectif de 6 000 logements, dont 2 000 sociaux, pourtant réaffirmé dans la modification du le plan local d’urbanisme métropolitain (PLUm) approuvée le 10 février, qui prévoit de réduire de 50 % par an la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers.
Le grand débat permettra-t-il de mettre tout le monde d’accord sur la politique du logement ? Les acteurs de la fabrique de la ville l’espèrent même si beaucoup en doutent. « Il suffit de voir le peu de place accordée au logement dans le document socle élaboré par l’agence d’urbanisme [quatre pages sur 146, NDLR] pour comprendre que cette question ne sera pas abordée à la hauteur des enjeux » indique un professionnel souhaitant garder l’anonymat.
Pour autant et globalement, l’initiative de la métropole est perçue de façon positive. Et même si certains des acteurs, comme les architectes, ont été informés très tardivement de la mise en place de ce débat, globalement tous se réjouissent que ce sujet soit mis sur le devant de la scène. « Cette initiative est perçue de façon plutôt positive par nos adhérents et, avec l’USH, le Cina ou le CNR Logement, nous apporterons bien sûr notre contribution », a d’ailleurs commenté Benjamin Haguenauer, président de la FPI des Pays de la Loire.