Jurisprudence

La jurisprudence a-t-elle créé un nouveau type d’« éléments dissociables » ?

Responsabilité des constructeurs -

La Cour de cassation écarte l’application de la garantie biennale de bon fonctionnement pour les éléments de l’ouvrage dissociables et non destinés à « fonctionner ». Les désordres y afférents relèvent de la responsabilité de droit commun.

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Seuls les éléments d’équipements dissociables appelés à « fonctionner », comme une installation de climatisation ou un ballon d’eau chaude, sont soumis à la garantie biennale de bon fonctionnement en cas de désordres, a énoncé la Cour de cassation le 11 septembre (1). Pour les éléments « inertes », comme un carrelage, le maître d’ouvrage disposera non pas de deux ans après réception, mais de dix, pour introduire une action en réparation…

On rappellera que la garantie décennale est encourue en cas de dommages matériels affectant l’ouvrage et qui en compromettraient la solidité, ou en cas de dommages affectant l’un des éléments constitutifs ou d’équipement de l’ouvrage et qui auraient pour conséquence de rendre celui-ci dans son ensemble impropre à sa destination () ; ou encore en cas d’atteinte à la solidité d’un élément d’équipement indissociable de l’ouvrage ().

Le domaine de la garantie biennale de bon fonctionnement (GBF) est, quant à lui, circonscrit aux désordres qui affecteraient un élément d’équipement dissociable de l’ouvrage, sans pour autant rendre l’ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination ().

On soulignera aussi que, depuis plusieurs décennies, la Cour de cassation a admis l’indemnisation de dommages ne présentant pas les caractéristiques techniques ou de gravité de ceux envisagés par les articles , et C. civ., et ce, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée. Il ressort également de la jurisprudence traditionnelle de la Cour que l’on ne peut, notamment pour échapper à la prescription d’une garantie légale, prétendre à l’application de la responsabilité contractuelle de droit commun.

Responsabilité de droit commun

C’est ce qu’avait jugé jusqu’ici la Cour, tant à l’époque où la responsabilité contractuelle de droit commun était encourue pendant trente ans, que lorsqu’elle a admis que celle-ci ne pouvait plus être encourue au-delà de dix ans après la réception. Elle n’a pour autant jamais accepté un cumul quelconque entre une garantie légale et la responsabilité de droit commun. Dans son arrêt du 11 septembre, la Cour revient sur ces principes en admettant l’application de la responsabilité contractuelle de droit commun d’une durée de dix ans, au titre de l’indemnisation de désordres de fissurations d’un carrelage, relevant, a priori, de la GBF des éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage - garantie frappée de prescription en l’espèce.

Caractère inerte

Pour ce faire, la Haute juridiction a, dans l’esprit qui l’avait déjà animée lorsqu’elle avait décidé de l’éviction de certains éléments d’équipement inertes comme certaines peintures ou travaux de ravalement, introduit ici une distinction entre les éléments d’équipement dissociables « destinés à fonctionner » et ceux qui n’auraient pas cette fonction.

On peut se poser effectivement la question de savoir si certains éléments d’un ouvrage ont vocation à recevoir la qualification d’ « éléments d’équipement dissociables » dont on attend qu’ils fonctionnent correctement ; ou si, du fait de leur caractère inerte, exclusif de tout mécanisme de fonctionnement, ils ne devraient pas être exclus de la qualification d’ « éléments d’équipement » et donc de la GBF qui y est associée. Il y aurait alors lieu de leur appliquer la responsabilité de droit commun des constructeurs. C’est en ce sens que vient de se prononcer la Cour.

Elle s’est attachée dans sa décision à viser « … un élément dissociable de l’immeuble non destiné à fonctionner », sans le qualifier d’élément d’équipement. Mais, dès lors qu’il ne peut s’agir d’un élément constitutif de l’ouvrage, on voit mal comment l’élément considéré serait autre chose qu’un élément d’équipement dissociable de l’ouvrage.

L’arrêt est, à un second titre, important en ce sens que la Cour emploie pour la première fois l’expression « garantie de droit commun », c’est-à-dire, selon nous, la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs. Rappelons que le nouvel article 1792-4-3 C. civ. institué par la loi du 17 juin 2008 est désormais applicable à une telle action en responsabilité, comme à celles mettant en œuvre les principes de la responsabilité délictuelle de droit commun. Sont donc concernées les responsabilités de droit commun susceptibles d’être appliquées pour les constructeurs et leurs sous-traitants, à propos de dommages ou préjudices non visés par les .

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