Les observateurs devront attendre jeudi 21 ou vendredi 22 mars la publication du baromètre annuel du Citepa -l'organisme d'experts chargés de réaliser l'inventaire de la pollution carbone française - pour se faire une idée objective, mais le constat est déjà là : la France a accéléré en 2023 sa baisse des émissions de gaz à effet de serre, en recul de 4,8% sur un an.
"C'est une année record", s'est félicité le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu sur TF1, soulignant qu'"en une seule année", il s'agit "quasiment de la totalité de la baisse" enregistrée "en France entre 2012 et 2017".
Au total, l'activité sur le territoire français, sans compter l'empreinte carbone des importations, a ainsi produit "385 millions de tonnes de CO2 équivalent" en 2023, contre 404 MtCO2e en 2022, a précisé à l'AFP le ministère, sur la base du rapport imminent du Citepa. Cette année là, les émissions étaient reparties à la baisse (-2,7%) après une hausse de 6,4% en 2021, attribuée à l'effet rebond de la reprise économique post-Covid-19.
Alors que l'objectif fixé par l'Union européenne est d'atteindre une baisse de 55% des émissions de CO2 par rapport à 1990 d'ici à 2030, la France, qui émettait 544 MtCO2e en 1990 selon le Citepa, a ainsi baissé ses émissions de 29% environ par rapport à cette année de référence.
Mais d'aucuns jugeront cette performance en trompe l'oeil et en tout cas insuffisante.
D'après les ONG en effet, cette baisse serait avant tout conjoncturelle (hiver doux, ralentissement économique...). D'autre part, les chiffres annoncés concernent les émissions brutes de la France et non les émissions nettes, une fois prise en compte l'absorption des GES par les puits de carbone comme les forêts ou les tourbières. Or, ce captage naturel est nettement inférieur aux prévisions de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), le texte qui fixe la trajectoire climatique française. En juin, le Haut conseil pour le climat avait ainsi estimé que la baisse des émissions françaises était encore "insuffisante" au regard de ses objectifs et des retards accumulés.
Un constat que n'élude pas Christophe Béchu : "Après avoir doublé la baisse entre 2017 et 2022, on doit à nouveau (la) doubler entre 2022 et 2030", a-t-il rappelé.
Pour le ministre, 2023 est "dans les rails du rythme que nous devons tenir jusqu'à la fin de la décennie" mais "ce n'est pas du tout le moment de baisser la garde".
-6% pour le bâtiment
La baisse des émissions "vaut dans tous les secteurs", même si elle est "plus modeste dans les transports", "de l'ordre de 2%", a encore souligné M. Béchu. "Structurellement, c'est la preuve que la planification écologique, les mesures qui sont engagées commencent à produire des effets", a estimé le ministre. Il n'y a "pas d'effet météo", a-t-il ajouté, en réponse aux observateurs pour qui la douceur des deux derniers hivers a favorisé une moindre consommation d'énergie et donc de pollution carbone.
Dans le détail, selon le ministère, la baisse est la plus forte dans le secteur de "l'énergie (-14,1%) et plus particulièrement pour la production d’électricité (-29%)", grâce notamment à la production décarbonée du parc nucléaire, qui a repris des couleurs en 2023 après un passage à vide.
La baisse dans l'industrie (-7,8 %) est portée par les performances de l'agroalimentaire (-12,3%), de la métallurgie des matériaux ferreux/sidérurgie (-14,1%) et des autres industries manufacturières (-16,6%).
Les émissions des bâtiments résidentiels et tertiaires baissent de 6% en 2023, le chauffage y étant en recul de 7%.
Les chiffres ne sont pas encore connus pour le transport aérien. Ses émissions continuaient d'augmenter fortement sur les neufs premiers mois de 2023: +21% pour les vols intérieurs et +27% pour les vols internationaux, avait indiqué le Citepa en décembre.
