Deux semaines avant la présentation du budget de l'Etat, le secteur du bâtiment tente encore d'éviter des arbitrages défavorables même s'il admet que ses inquiétudes pour l'activité ont, pour l'heure, été un peu excessives. "C'est une bonne surprise, parce que l'activité tient", a résumé mardi Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), principale organisation du secteur, lors d'un bilan de rentrée. La fédération s'attendait jusqu'alors à une année morose, avec un léger déclin (-0,5%) de l'activité du bâtiment. Finalement, elle prévoit une petite progression (+1,3%).
Principale explication, le marché du logement neuf et, en particulier, des maisons s'est nettement mieux comporté que prévu, malgré la tendance générale à un déclin de la construction depuis deux ans. Selon la fédération, les ventes de maisons ont rebondi depuis le début d'année et encore accéléré ces derniers mois, laissant attendre une reprise de la construction.
Négociation autour du PTZ dans les zones détendues
L'activité "tient d'abord parce qu'il y a un marché", s'est félicité Jacques Chanut, alors que le gouvernement a récemment admis qu'il assumait des mesures de nature à décourager la construction de maisons en périphérie des villes.
Ce n'est, d'ailleurs, pas l'exécutif que la fédération tient responsable de ce regain d'activité: "Pour une fois, on peut dire merci aux banques, a plutôt ironisé M. Chanut. Mais est-ce vraiment sérieux de faire supporter une politique du logement par des taux d’intérêts privés ? »
De fait, les conditions de crédit sont historiquement favorables pour les ménages français, alors que persiste la politique exceptionnellement accommodante de la Banque centrale européenne (BCE). "Personne n'avait envisagé il y a neuf mois qu'il y aurait des taux de crédit qui continueraient à diminuer", a insisté le président de la FFB.
Selon certains économistes, toutefois, le rebond des ventes de maisons pourrait aussi être dû à un élément ponctuel : un effet d'aubaine avant l'extinction du prêt à taux zéro (PTZ) l'an prochain dans les zones "détendues", où domine le logement individuel. Sur ce sujet, la FFB reste optimiste : « Julien Denormandie a conscience que les zones B2 et C ont besoin d’un outil différenciant, dédié à l’accession. Il ne semble pas opposé à la reconduction du système, reste à voir ce qui pourrait être préservé. »
La rénovation stagne
Autre grand sujet budgétaire pour le bâtiment, la réforme des aides à la rénovation énergétique inquiète la fédération, qui ne s'attend qu'à une stagnation de l'activité cette année dans la rénovation et l'entretien. Le gouvernement va transformer le crédit d'impôt transition énergétique (CITE), qui impose un délai pour profiter de l'aide, en prime, qui peut être obtenue immédiatement. Mais malgré la volonté de rendre ce fonctionnement plus incitatif, le bâtiment craint qu'il devienne moins lisible.
"On ne va pas vers une simplification du système", a regretté M. Chanut. "Clairement, pour nous le compte n'y est pas sur ce qui a été présenté."
Surtout, la fédération s'oppose à l'exclusion probable des ménages les plus aisés composant les 9e et 10e déciles : le gouvernement ne l'a pas confirmée officiellement mais met déjà en avant un "recentrage" sur les plus modestes. "Nos compatriotes qui ont plus de revenus, génèrent un peu plus de 5°% du marché. Il faut peut-être profiter de ce niveau de revenus pour les inciter à faire des travaux maintenant, de manière globale", a avancé Jacques Chanut. Enfin, le secteur continue à plaider sa cause avant la suppression programmée d'avantages fiscaux, et notamment, sur un carburant utilisé dans le secteur, le gazole non routier (GNR): les organisations du secteur devraient obtenir un étalement de la mesure sur plusieurs années.
La fédération se montre attentiste sur l'avenir d'un autre avantage, la "déduction forfaitaire spécifique" visée voici quelques mois par Edouard Philippe, Premier ministre, et sur lequel l'exécutif doit encore préciser ses arbitrages. Généralisée dans le secteur, elle permet à l'entreprise de déduire une part du salaire brut du montant sur lequel sont calculées les cotisations. Le salarié bénéficie ainsi mécaniquement d'un salaire net plus élevé, même si les moindres cotisations lui ouvrent à terme moins de droits.