Gestion et professions - Baux d’habitation et mixtes -

L’expulsion d’un locataire ou d’un occupant sans droit ni titre, au besoin avec le concours de la force publique, n’est possible qu’au terme d’une procédure complexe et souvent longue dont il est important de connaître les différentes étapes. En 2009, près de 107 000 expulsions ont été ordonnées, et une sur dix a suscité le concours de la force publique.

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1. La décision judiciaire d’expulsion

Compétence du tribunal d’instance

L’expulsion d’une personne occupant un local d’habitation, qu’elle soit titulaire d’un bail ou occupant sans droit ni titre, relève de la compétence du tribunal d’instance. L’expulsion peut être prononcée à la suite :

– d’un commandement visant une clause de résiliation de plein droit du bail (lorsque le contrat est régi par la loi du 6 juillet 1989, une telle clause ne peut être mise en œuvre que dans certains cas particuliers) ;

– d’un congé valablement délivré ;

– d’une demande en résiliation judiciaire du bail, notamment en cas de non-respect par le locataire de l’une de ses obligations locatives, quel que soit le motif invoqué par le bailleur (troubles de jouissance, usage des lieux non conforme à leur destination ou non-paiement des loyers et des charges) ;

– d’une occupation sans droit ni titre par des personnes ayant pénétré dans un local par voie de fait.

Nécessité d’une décision exécutoire

L’expulsion ne pourra être exécutée que si la décision de justice l’ordonnant est dotée de la force exécutoire. C’est le cas d’une ordonnance de référé exécutoire de plein droit, même en cas d’appel. C’est le cas également d’une décision du juge statuant au fond, soit assortie de l’exécution provisoire, soit passée en force de chose jugée, c’est-à-dire non susceptible d’être remise en cause par un recours à effet suspensif.

2. La mise en œuvre de la décision

Nécessité d’un commandement

Une fois acquise la décision de justice prononçant l’expulsion, le bailleur doit confier la suite de la procédure à un huissier de justice. Celui-ci devra signifier à la personne expulsée un commandement de quitter les lieux, lequel doit contenir, à peine de nullité :

– l’indication du titre exécutoire en vertu duquel l’expulsion est poursuivie ;

– la désignation du juge de l’exécution devant lequel peuvent être portées les demandes de délais de grâce pour quitter les lieux et toute contestation relative à l’opération d’expulsion ;

– la date à laquelle les locaux devront être libérés ;

– l’avertissement qu’à compter de cette date, il pourra être procédé à l’expulsion forcée.

En outre, lorsque l’expulsion porte sur un local affecté à l’habitation principale, le commandement doit, toujours à peine de nullité, contenir la reproduction de l’article 62 de la loi du 9 juillet 1991 et celle des articles L613-1 à L613-5 du code de la construction et de l’habitation (CCH) relatifs au sursis à l’exécution de la décision d’expulsion.

Information du préfet

L’huissier doit adresser au préfet, par lettre recommandée avec accusé de réception, une copie du commandement afin que les possibilités de relogement de la personne expulsée puissent être examinées dans le cadre du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées.

Les délais pour quitter les lieux

Délai légal de 2 mois. Lorsque les locaux sont affectés à l’habitation principale, aucune expulsion ne peut être exécutée avant l’expiration d’un délai de 2 mois qui suit la délivrance du commandement de quitter les lieux. Ce délai peut être prorogé par le juge qui ordonne l’expulsion pour une durée n’excédant pas 3 mois « lorsque l’expulsion aurait pour la personne concernée des conséquences d’une exceptionnelle dureté en raison, notamment du fait de la période de l’année considérée ou des circonstances atmosphériques » (article 62 de la loi du 9 juillet 1991).

En revanche, le délai de 2 mois peut être réduit ou supprimé par le juge, par une décision spéciale et motivée, notamment lorsque les personnes sont entrées par voie de fait dans les locaux (squatteurs).

Délais de grâce facultatifs. Alors même que l’expulsion a été ordonnée par décision de justice, la personne expulsée peut par la suite solliciter l’octroi de délais de grâce dès lors que son relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales, et ce même si elle ne justifie pas d’un titre à l’origine de son occupation. La durée des délais accordés ne peut être inférieure à un mois ni supérieure à un an (articles L613-1 et L613-2 du CCH). Si la demande intervient avant la signification du commandement de quitter les lieux, elle doit être portée devant le juge des référés. Si la demande intervient après la signification de ce commandement, elle doit être portée devant le juge de l’exécution (Jex). Pour la fixation de ces délais, le juge prend en compte plusieurs critères :

– la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations ;

– les situations respectives du propriétaire et de l’occupant notamment en ce qui concerne leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et leurs ressources ;

– les circonstances atmosphériques ;

– la diligence de l’occupant en vue de son relogement.

Remarque

Ces délais de grâce peuvent être accordés soit d’office, soit à la demande de l’intéressé, par le juge qui ordonne l’expulsion (article L613-1, al. 2 du CCH).

La trêve hivernale

Même si tous les délais pour quitter les lieux sont expirés, aucune expulsion ne peut être mise à exécution, y compris avec le concours de la force publique, entre le 1er novembre et le 15 mars de l’année suivante. Toutefois, cette interdiction ne s’applique pas à l’égard :

– des personnes dont le relogement est assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de leur famille ;

– des personnes entrées dans les locaux par voie de fait ou occupant un immeuble faisant l’objet d’un arrêté de péril.

3. La réalisation de l’expulsion

Une fois tous les délais expirés, seul l’huissier de justice est habilité à conduire sous sa responsabilité l’opération d’expulsion. Il peut alors se présenter au domicile de l’occupant pour y procéder, mais seulement entre six heures du matin et vingt et une heures. Sauf en cas de nécessité et en vertu d’une autorisation spéciale du juge de l’exécution, l’expulsion ne peut être effectuée un dimanche ou un jour férié.

Lorsque l’occupant est présent et libère volontairement les lieux, l’huissier dresse un procès-verbal d’expulsion et le bailleur peut récupérer son bien.

En cas de résistance, l’huissier ne peut pénétrer de force dans le logement. Il doit alors dresser un procès-verbal de tentative d’expulsion.

En l’absence de l’occupant, l’huissier ne peut pénétrer de force dans le logement que s’il détient des informations attestant qu’il a quitté les lieux de son propre gré après la délivrance du commandement. Mais il ne peut alors procéder à la reprise des lieux que s’il est accompagné d’un représentant de l’autorité municipale (maire de la commune, conseiller municipal ou fonctionnaire municipal délégué), d’une autorité de police ou de gendarmerie ou, à défaut, de deux témoins majeurs qui ne sont au service ni du bailleur ni de l’huissier.

4. Le concours de la force publique

Lorsque l’huissier n’a pu lui-même procéder à l’expulsion, le bailleur peut lui demander de requérir le concours de la force publique en s’adressant au préfet. Celui-ci dispose d’un délai de 2 mois pour se prononcer. Tout refus doit être motivé. L’absence de réponse dans ce délai équivaut à un refus implicite.

En règle générale, le concours de la force publique est refusé dès lors que l’expulsion est susceptible de créer un trouble grave à l’ordre public. Sur cette notion de trouble à l’ordre public, le Conseil d’État a jugé que le seul fait, pour les personnes expulsées, d’invoquer la loi Dalo et l’absence de solution de relogement pour s’opposer à leur expulsion ne peut constituer un trouble à l’ordre public justifiant le refus du préfet d’accorder le concours de la force publique (Conseil d’État, 11 février 2010, n° 329927 ; Conseil d’État, 30 juin 2010, n° 332259).

Le refus explicite (ou implicite) du préfet d’apporter le concours de la force publique permet au bailleur d’engager la responsabilité de l’État afin d’être indemnisé de ses préjudices. La responsabilité de l’État débute à l’expiration de la période de 2 mois dont dispose le préfet pour instruire la demande de concours de la force publique. Il appartient au bailleur de faire une demande préalable d’indemnisation auprès du préfet, lequel lui proposera une transaction amiable. À défaut d’accord, le bailleur devra engager une action devant le tribunal administratif pour faire évaluer le montant de son indemnisation. Le refus de prêter le concours de la force publique permet également au bailleur, en cas d’urgence et d’atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale de disposer de son bien, de saisir le juge des référés du tribunal administratif, par la voie du « référé liberté », pour qu’il ordonne au préfet sous astreinte d’accorder le concours de la force publique (article L521-2 du code de justice administrative ; Conseil d’État, 21 novembre 2002, n° 251726).

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